Chapitre 42
L’orphelinat, mars 1794

James Wilkinson de son côté était allé flâner autour de la prison du fort du Hâ puis dépité, il s’était rendu à l’auberge des “trois conils “ où il tomba par hasard sur la citoyenne Germaine. Celle-ci, seule, broyait du noir et avait éclusé déjà quelques pintes. Cherchant un compagnon, elle l’interpella et lui offrit à boire, ce qu’il accepta profitant de l’aubaine, car il l’avait reconnu à sa description. Il la fit parler, elle ne demandait que ça. « — Un visage d’ange qui n’avait pas dû faire de mal à une mouche, ils l’ont emmenée à Paris, mais m’ont laissé son angelot. J’aurais bien voulu le garder, mais ils m’ont ordonné de le mener à l’orphelinat de l’hôpital. Autant dire qu’ils l’ont exécuté. J’ai un cœur, mon bon monsieur. Si ! Si ! Avec la carcasse que j’ai, c’est difficile à croire, je sais, mais depuis j’ai la bile qui se retourne, alors si, vous, vous pouvez le sortir de là, je vous aiderai de mon mieux. »
*
Marie-Anne tenait par le bras James Wilkinson, bien qu’il eût pu être son père, ils ressemblaient à un couple établi. Ils se dirigeaient vers le quai de la Paludate en traversant le quartier Sainte-Croix. Mademoiselle Lenorman avait insisté pour l’accompagner, argumentant qu’il serait plus difficile de dire non à une femme en mal d’enfant. Elle savait déjà que l’on ne leur remettrait pas le petit garçon. Ni l’un ni l’autre ne s’illusionnaient. Ils voulaient juste vérifier la piste donnée par la geôlière du fort du Hâ.
Face au fleuve, le long bâtiment austère de l’orphelinat de l’hôpital de la manufacture et des enfants abandonnés se présenta de façon lugubre sous un début de crachin. Marie-Anne frissonna assaillie du malheur dégagé par le lieu. Elle se sentait entourée des mânes de centaines d’orphelins morts sous les mauvais traitements, les maladies, la faim et le chagrin. Devinant sa compagne faiblir, il lui tapota la main en signe de compassion et afin de lui donner du courage. Elle lui jeta un regard triste et fit l’effort de lui sourire. Ils se dirigèrent droit vers la porte centrale de l’établissement. Une fois dans le hall, ils frappèrent à la porte qui leur sembla être un bureau d’accueil. Hormis une lointaine rumeur, signe d’activité dans le bâtiment, celui-ci se trouvait vide. Ils allaient faire demi-tour, quand un homme surgit de la porte opposée. « — Citoyens ! Vous désirez ? » Prenant la parole James Wilkinson le sollicita d’une voix assurée à voir la direction de l’établissement. Le planton impressionné par le ton autoritaire leur demanda de patienter et se précipita à l’étage. Le couple, en silence, examinait les murs lépreux sans décoration de la pièce, Marie-Anne tant bien que mal repoussait ses voix intérieures. Elle conversait avec son compagnon pour faire diversion à son malaise quand ils entendirent le son aigre d’une femme qui houspillait. « — Tu n’aurais pas pu leur réclamer ce qu’ils voulaient ! C’est sûrement encore des geignards ! » La porte s’ouvrit brusquement sur une femme entre deux âges, sèche comme un sarment, et visiblement mauvaise comme une teigne. Omettant les civilités, elle leur grommela. « — Je suis la citoyenne Vassoule, directrice de l’établissement. Que voulez-vous ?
— Bonjour citoyenne Vassoule, excuse-nous de te déranger, mais nous venons sur les conseils d’un ami de Tallien. L’interpellée se figea, si cela était vrai, ce n’était pas bon pour elle. Elle se radoucit, s’interrogeant. De quel ami s’agissait-il ? Mais elle n’osa demander. Elle grimaça un sourire. « — Que puis-je pour vous aider ?
— Nous cherchons un garçon dénommé Louis-Augustin Lacourtade. » Elle le savait,ce morveux allait lui attirer des ennuis. Depuis qu’il était arrivé, rien n’allait. Comme tous ceux que la république recueillait, il avait intégré les ateliers. En échange du lit et d’une soupe claire deux fois par jour, les enfants fabriquaient des objets de toutes sortes, chandelles, cordes, filets… mais si après avoir pleuré sa mère, cessé de le faire à coups de trique, et mis à l’ouvrage sans trop rechigner, il n’y aurait rien eu à redire. Mais il terrorisait les autres, car toute la journée et une bonne partie de la nuit, il parlait à un être invisible. Tous avaient peur que ce soit un fantôme. Pour lui en faire passer l’envie, elle s’était vue obligée à l’enfermer tous les soirs dans un placard qui lui servait de geôle. Mais derrière la porte où il geignait, on l’entendait entre deux plaintes dialoguer avec quelqu’un et certains disaient qu’une voix différente répondait. Si ça avait été un autre, elle aurait réglé le problème à sa façon, mais il lui avait été remis avec les recommandations du citoyen Bachenot et celui-ci la terrifiait autant qu’il la séduisait. Et voilà que maintenant deux étrangers venaient le lui réclamer. Gardant son sang-froid, elle répliqua. « — Je suis désolé, mais nous avons dû affronter une épidémie de phtisie pendant l’hiver, il en a été victime. » Le couple, devant le mensonge évident, prit l’apparence résignée attendue par la circonstance. La directrice mit les formes et les raccompagna jusqu’à la porte de l’établissement. Avant de quitter les lieux, Marie-Anne avec un air attristé laissa échapper une phrase sibylline. « — Au revoir citoyenne, j’espère pour vous que votre conscience est en règle avec le seigneur, car il faut toujours être prêt, semble-t-il. » Elle reprit le bras de son comparse, comme si de rien n’était. Ils s’éloignèrent sous le regard effaré de la femme qui se demandait si elle avait bien compris les seules paroles formulées par Marie-Anne. Était-ce une mise en garde ? Intrigué, dès qu’ils furent hors de vu de l’établissement, James Wilkinson interrogea sa compagne sur son propos. « — Danton est en train de tomber et Robespierre, d’ici l’été, l’aura suivi. À partir de là, des règlements de comptes, des plus sanglants, vont avoir lieu une fois de plus. Elle n’apercevra pas l’automne. » Son comparse, bien qu’incrédule, ne rajouta rien aux certitudes de la sibylle, dont rien ne laissait présager tous ses changements.
*

Sa mère irradiait d’une douce lumière dans l’obscurité totale du réduit dans lequel il avait été enfermé encore une fois. Elle tenait par la main son jumeau et essayait de le consoler. « — Louis, mon Louis, il faut que nous partions. Ton frère est resté trop longtemps à tes côtés. Ne t’inquiète pas dans un instant une dame et deux messieurs vont venir te chercher. Tu devras les suivre, mon chéri. Ils vont te sortir de là à tout jamais. Tu dois leur faire confiance. » Louis doucement sanglotait. Il n’avait pas quatre ans et encore une fois, il allait être seul, abandonné. L’apparition de Marie-Amélie se pencha vers le front de son enfant et y déposa un baiser d’un autre monde. « — Allez mon Louis, tu te retrouveras bientôt à nouveau avec des gens qui te veulent du bien et qui vont t’aimer. » Entraînant son deuxième fils, elle se fondit pour disparaître dans la noirceur du lieu, Louis était seul.
*
Marie-Anne agrafa, par-dessus sa robe, un manteau redingote, elle était fin prête pour cette aventure nocturne qui reposait sur ses épaules. En bas de l’escalier l’attendaient Wilkinson et John en tenues sombres et pratiques, cache-poussière à collet et bottes de chasse. Le premier avait obtenu quelques renseignements succincts sur la situation des dortoirs où en toute logique devait se trouver le petit garçon. L’entreprise était hasardeuse, car il ne voyait pas, comment ils reconnaîtraient l’enfant, ni comment ils pourraient le faire sortir discrètement d’un dortoir où dormaient une cinquantaine d’orphelins et leurs surveillants. Mais comme jusque-là Marie-Anne leur avait réservé plus d’une surprise et semblait pleine de ressources, autant tenter l’aventure.
L’heure du couvre-feu ayant été dépassée, John avait opté pour la remontée de la Garonne en barque, cela serait d’autant plus facile que le mascaret allait remonter son cours et les aiderait. Ils n’auraient comme cela aucun mal à progresser vers l’amont du fleuve où se situait l’orphelinat.
Le trajet ne se révéla pas aussi aisé que prévu. Malgré la révolution, le nombre de navires dans le port s’avérait encore grand. Ils durent tout d’abord gouverner leur embarcation vers la rive opposée pour les éviter et ensuite ramer avec le soutien du contre-courant du mascaret à la hauteur de leur destination. Ils la dépassèrent pour plus de sûreté. Ils revinrent à pied vers leur objectif avec quelques difficultés, la couverture nuageuse obstruant l’éclat lunaire. Arrivés devant le bâtiment, les trois comparses se dirigèrent vers une petite porte sur son côté, l’entrée des fournisseurs pour les cuisines. Wilkinson crocheta la serrure, pénétra en premier dans les lieux suivis de Marie-Anne et de John. Ils respirèrent mieux, le site se vérifiait vide, personne dans les parages. Il alluma le lumignon de la lanterne-tempête qu’ils avaient apportée tout en masquant de sa main le trop de lumière. Anne-Marie chuchota. « — Il faut se rendre à l’étage, il est en haut ! » Ils passèrent de la buanderie aux cuisines et de là ils cherchèrent un escalier. John leur fit signe, il avait trouvé la porte qui donnait sur le couloir qui y menait. Ils le gravirent le plus silencieusement possible.
Ce fut tout d’abord une vibration, presque imperceptible, puis l’air devint plus dense comme une mousseline sous l’effet d’une brise. Enfin Marie-Anne l’aperçut transparente et présente à la fois. Elle lui sourit et lui signifia de la suivre. Elle hocha la tête et d’un geste guida ses deux comparses. Intrigués, ils se dirigèrent sur ses pas, elle semblait elle-même filer de près quelqu’un ou quelque chose qu’ils ne distinguaient pas. Ils parcoururent couloirs, escaliers et étages jusqu’à se trouver face à un placard sous des marches menant au grenier. Interrogatifs, les deux hommes regardèrent la Marie-Anne leur indiquer la porte. À cet instant, ils auraient pu jurer voir passer une femme devant eux d’une extrême beauté, ce qui les fit sursauter. Ils l’avaient à peine aperçue qu’elle avait déjà disparu. John était sûr que c’était Marie-Amélie qui lui avait souri. La clef demeurant dans la serrure, John la tourna délicatement et l’ouvrit. Wilkinson éclaira l’antre. Ils découvrirent en son fond un tout petit garçon recroquevillé sur lui-même. Marie-Anne s’approcha et lui tendit les mains, il hésita, méfiant. Elle lui chuchota. « — Nous venons te chercher Louis, ai confiance.
— Je sais, maman me l’a dit. »
L’enfant dans ses bras, ils se dirigèrent sur le chemin de retour. Ils furent freinés par un surveillant qui réalisait sa ronde. Avertis par la lumière de sa lanterne, ils eurent juste le temps de se hâter dans un escalier. Mais évidemment, le bruit de la bousculade alerta l’individu qui se précipita derrière eux pensant prendre en flagrant délit un gamin indiscipliné. « — Qui va là ? Halte ! Arrête-toi morveux ! » Wilkinson laissa passer devant lui ses deux comparses, le petit Louis alla des bras d’Anne-Marie à ceux de John. Il ne pouvait permettre à l’homme ameuté le bâtiment. Il se mit en retrait de la porte, saisit son pistolet dont il avait eu soin de se munir, par le canon et au moment où le surveillant franchit l’embrasure, il lui asséna un coup de crosse. Il s’écroula. Wilkinson rattrapa ses amis, l’orphelinat se réveillait. Ils eurent juste le temps de traverser l’entrée et de se fondre dans la nuit. Ils récupérèrent la barque et s’abandonnèrent à elle au fil du courant qui avait retrouvé son sens vers la mer, ils étaient revenus sains et saufs à l’hôtel des Chartrons.
*
Dans la large cheminée de la cuisine ronflait un feu salvateur. John avait repris ses affaires en main et y avait mis de l’ordre. Bérangère avait donc pu préparer un repas convenable. La plupart des produits venaient de trafic, le marché officiel était en pénurie même des aliments de base.
Autour de la longue table de chêne sombre, à la lumière des chandeliers de laiton, ils s’étaient installés. C’était leur premier souper du soir tous ensemble. Marie-Anne aidait Louis à manger, Wilkinson et John échangeaient les renseignements récoltés, Bérangère resservait Jean-Baptiste qu’elle jugeait trop maigre. Le seul habitant de l’hôtel qui manquait était le vieux Firmin. Il était alité avec un gros rhume. « — Il semblerait que l’on ne cherche pas le petit. La directrice n’a pas dû se vanter de sa disparition. Intervint Wilkinson.
— Nous devons toutefois nous méfier, objecta John, s’il y a encore ce salopard de Bachenot dessous, nous pouvons nous attendre à un coup tordu.
— Vous avez l’intention de faire quoi du petit ? » interrogea Anne-Marie. L’enfant releva la tête comprenant que l’on parlait de lui. « — J’ai promis à sa mère de le remettre à un membre de sa famille. Son oncle est décédé à la bataille de Valmy, sa tante, celle qui est religieuse aux ursulines, près de Toulouse, est morte de maladie, quant à sa grand-tante, madame la Fauve-Moissac, elle réside en Suisse. Mais il est plus difficile de traverser la France que l’océan. Il n’y a que sa tante en Louisiane qui peut l’accueillir, celle que vous connaissez Wilkinson.

— Oui, Antoinette-Marie de Thouais. Si j’avais pu, je l’aurais amené moi-même, mais monsieur Fenwick, notre consul à Bordeaux m’a signifié mon ordre de rejoindre George Washington. Aussi vais-je partir pour Philadelphie, ce que je peux faire, c’est emmener monsieur Carbanac comme valet pour couverture ?
— Mais j’aurais préféré aller à la Nouvelle-Orléans, j’y ai un frère, du moins, je crois ? intervint mollement Jean-Baptiste.
— Je ne peux me rendre tout de suite en Amérique, je vais garder le petit Louis jusqu’à ce que je puisse faire le voyage. Mes affaires ont besoin que l’on s’en occupe surtout en ce moment. Je ne veux pas que l’on me confisque la maison et son négoce. D’autant qu’une partie de ces biens appartiennent aussi à Louis.
— De toute façon, Louis ne craint rien ici, je peux vous le garantir. Releva Anne-Marie. Personne ne fit de remarque.
— Donc Jean-Baptiste, il faudra partir avec monsieur Wilkinson, nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons risquer la sécurité de tous. Insista John.
— Rassurez-vous, une fois arrivé, je vous mettrai sur la route du Sud. Compléta Wilkinson. »
*
Une semaine ne s’était pas écoulée que Wilkinson et son valet, alias Jean-Baptiste, voguait sur l’Atlantique.
Marie-Anne décida aussi de quitter Bordeaux. John insista pour qu’elle reste attendre des jours nouveaux, mais celle-ci lui certifiât que ceux-ci étaient arrivés et qu’elle devait rentrer à Paris, différentes personnes avaient besoin d’elle. Il la questionna sur ses inconnus ; elle lui répondit des dames avec un grand avenir. Il avait été présenté à une d’ailleurs, Térésa Cabarrus, bientôt madame Tallien, quant à l’autre c’était une de ses amies, une Créole, une dénommée Joséphine Tacher de la Pagerie. Elle devait les rejoindre. Il lui demanda si elle les connaissait bien, ce à quoi elle répliqua en riant. « — Pas du tout, mais je peux vous garantir que cela viendra ! ». Il capitula, et un des premiers matins d’avril, il l’accompagna au coche de Libourne.
Chapitre 43
La chute de Jacques-Henri.
Avril 1794.

Lacombe monta les marches de l’hôtel Rohan-Mériadeck, deux à deux, ce qu’il venait d’apprendre était impensable. Il pénétra en trombe dans le bureau de Bachenot. Celui-ci leva la tête, intrigué par cette entrée inhabituelle. Lacombe reprit son souffle et lâcha. « — Danton a été arrêté et guillotiné, ils ont guillotiné Danton ! » Bachenot, impassible, rassembla les feuilles étalées devant lui, les tapota pour les ordonnancer puis les rangea dans un dossier. Tallien avait été invité avec sa maîtresse à Paris par Robespierre, et maintenant Danton venait d’être exécuté. Voilà qui n’allait pas arranger ses affaires. Il se trouvait officieusement sous les ordres de Danton, celui-ci le couvrait de toutes ses exactions, il avait pu ainsi participer activement à la chute des hébertistes. Désormais, il était sans appui et sans poste vraiment officiel, ce qui s’avérait fâcheux. Rien n’allait, il avait appris que le petit Lacourtade avait de façon surprenante disparu de l’orphelinat, ce qui l’avait beaucoup contrarié, car cela coïncidait avec le retour inopiné de John Madgrave dans la ville. Mais avec cette nouvelle, il ne pouvait lui tomber dessus sans raison. L’orphelin ne pourrait justifier les fouilles et arrestations qu’il désirait lancer, et qui, cependant, lui auraient permis de mettre enfin la main sur les biens des Lacourtade. Il réfléchissait à toute vitesse. Tout d’abord, les dossiers, il devait les brûler. Il ne devait laisser aucune trace, ensuite il valait mieux se faire discret. Il allait se réfugier dans sa maison de Saint-Laurent-du-Médoc, elle était loin de tout au milieu de la lande girondine, il pourrait y attendre le cours des événements.
*
Diedrichsen avait monté le premier les dix marches de l’échafaud, puis Delaunay, Bazire, Fabre, Lacroix, Desmoulins… En ce jour si lumineux, si tiède, qu’on le prendrait pour un jour d’été, Danton, le dernier de la liste du jour, commanda à l’exécuteur. « — tu montreras ma tête au peuple, elle est bonne à voir ». Samson lui obéit. Il saisit sa tête par les cheveux et la brandit aux quatre coins de l’échafaud. Ainsi finit Danton.
À l’hiver de l’année 1793, il avait perdu sa place dominante au club des Cordeliers, bourgeois et propriétaire, il n’avait pu adhérer aux idées socialistes de son ancien ami Hébert. Il avait créé le mouvement des Indulgents, bien qu’athée lui-même, il avait blâmé les violences antireligieuses en s’élevant contre la déchristianisation et avait déconseillé l’exécution de Marie-Antoinette. Tout cela avait consommé la rupture des « dantonistes » avec les Jacobins. À la fin du mois de mars de 1794, quinze jours après la mise à mort des hébertistes, Danton avait été arrêté sous le prétexte d’être un ennemi de la République. Il avait été jugé par le tribunal révolutionnaire à partir d’un acte d’accusation préparé par Saint-Just. Il se défendit avec des éclats de voix si éloquents qu’il fallut extorquer à la Convention un décret pour clore les débats hors de sa présence.
Pendant ce même temps, dans la prison des Carmes, Anne-Marie était venue rejoindre Térésa Cabarrus et Joséphine Tascher de La Pagerie comme elle l’avait prédit. Elle s’était laissée arrêter aux portes de Paris, car elle connaissait l’avenir de ses deux jeunes femmes et savait en faire partie. La fin du tyran Robespierre se révélait proche, et l’été arrivant, la prophétie que de Danton avait jetée devant la maison Duplay allait se réaliser. Face à la porte et les fenêtres closes de celle-ci, devinant la présence de son juge épiant derrière les volets, il lui avait crié depuis la charrette qui le menait à son exécution. « — C’est en vain que tu te caches, Robespierre ! Tu me suivras ! Ta maison sera rasée, on y sèmera du sel ! ». Le 28 juillet, cela se réalisa, il mourut guillotiné à Paris, le 29 les portes des prisons s’ouvraient.
*
Une semaine après, la nouvelle de la chute de Robespierre fit sortir Bachenot de son antre. Il vint discrètement aux informations dans Bordeaux. Il découvrit sur un panonceau l’arrestation de son collaborateur Lacombe. Cela n’allait plus du tout, si l’on trouvait des traces de ses propres affaires, il serait pourchassé. Il ne doutait pas qui resta des éléments malgré toutes ses précautions et de toute façon il avait plus d’un ennemi dans la ville. Il décida donc de prendre la poudre d’escampette et le plus simple, c’était d’embarquer sur le premier navire, quelle que soit sa destination du moment qu’elle l’éloigne des côtes françaises. En relation avec le capitaine de “la rose d’Ispahan “, lui-même en danger d’enquête, il monnaya son passage à son bord et partit avec son magot amassé de façon frauduleuse.
Il eut bien raison, car Lacombe fut condamné à mort le 27 thermidor de l’an 2, par la commission militaire tenant séance à Bordeaux, comme parjure et voleur de biens public, fraudeur, corrupteur des mœurs et de l’esprit public, et comme tel, traître à la patrie. Son comparse fut recherché, mais c’était trop tard, il était loin.

Cette histoire met en scène des personnages réels et des personnages fictifs ainsi que des événements et des dialogues inventés à des fins dramatiques et afin de compléter les vides des biographies. Les illustrations des personnages ne sauraient être confondues avec les personnes réelles.
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