Chapitre 45
L’arrivée de Monsieur de Saint Ambroise, mai 1794

Monsieur de Saint Ambroise descendit du trois-mâts « la rose d’Ispahan ». Il épousseta d’une pichenette une poussière sur son revers de veste. L’individu d’une trentaine d’années était élégant, tels les Anglais, il affichait les culottes rentrées dans des bottes cavalières et la veste redingote à doubles collets, mais en lui tout respirait le Français. Il était bel homme, et faisait se retourner les femmes. Comme beaucoup de ses compatriotes, il avait dû quitter la France en catimini. La prospérité de la capitale du Sud, miroir aux alouettes pour des gens sansattache, et qui fascinait la gent masculine croyant la fortune à portée de la main, dans le sourire d’une quarteronne ou le bagou d’un contrebandier, était pour monsieur de Saint-Ambroise le pays de tous les possibles, car s’il était solitaire et sans lien, il n’était pas sans richesse. Il n’était pas parti les mains vides. Titres de propriété, louis d’or et plusieurs pierres précieuses plus faciles à transporter que l’or, certaines encore serties dans leurs montures, remplissaient les sacoches qui lui avaient servi de seuls bagages. Son navire ayant dû quitter avec un peu de précipitation les côtes françaises, ses cales pour ainsi dire vides, son capitaine avait décidé de faire escale à Liverpool pour les renflouer. Monsieur de Saint-Ambroise en avait profité, pour se procurer une garde-robe qu’il n’avait pu emporter dans son empressement, et pour convertir une partie de ses fonds en lettres de change. Si le résultat de la transformation de ses différents biens était quelque peu éloigné de leur valeur réelle, il avait fait une très bonne affaire et était parti pour l’exil en homme fortuné.
L’individu avait mis le pied sur la grande levée, il sentait encore dans ses jambes le tangage des deux mois de voyage. La digue, qui s’étendait maintenant sur plus d’une lieue, protégeait la cité des débordements du fleuve. Elle avait été tassée puis consolidée par des dizaines d’esclaves avec l’apport d’une couche épaisse de coquillages, que le lac Pontchartrain fournissait en abondance. Ce qui retenait surtout l’attention de Monsieur de Saint-Ambroise, c’était la place d’armes avec son église en son centre, grouillante d’une foule multicolore, riante, bien que besogneuse. Un passager ayant réalisé la traversée avec lui depuis l’Angleterre, Jonathan Marie de Crécy, un fils de planteur en recherche d’épouse fortunée, affirmait que toute la richesse de la colonie aboutissait là avant de voyager vers l’Europe, et qu’elle fructifiait dans les hôtels aux balcons de fer forgé et aux jardins luxuriants. Il ne savait pas encore à quoi il allait s’employer pour faire croître son pécule, mais il sentait bien qu’il fût parvenu au bon endroit et au bon moment, car tout semblait possible. Pour commencer, il allait s’installer à l’auberge de “ la clef d’or “, son compagnon de périple, la lui avait indiquée comme la meilleure de la cité. Il parcourut le port, et comme tout étranger arrivant. Il fut happé par le spectacle de tous les produits moissonnés au long du cours sinueux du Mississippi qui s’amoncelaient en montagne en attendant d’être chargés par une multitude servile sur une flotte variée et nombreuse amarrée face à la ville. Monsieur de Saint-Ambroise percevait qu’il se situait dans un Nouveau Monde, dans un lieu où il pouvait bâtir sa fortune, il était ivre de rêves. Il allait balayer son passé et respirer enfin à pleins poumons. Il examina sur le débarcadère, encombré de charrettes guidées par des esclaves de confiance, l’entassement pêle-mêle des balles de coton, des pains d’indigo, de la mélasse et du sucre, des farines de blé et de froment, des barils de bœuf séché, des tonneaux de porc salé et des saumons de plomb du Missouri, des boucans de tabac, des ballots de peaux de castors, d’ours, de chevreuil. Son esprit fourmillait de centaines d’idées devant toutes ses cargaisons, le négoce semblait être le domaine de prédilection pour s’enrichir, il ne l’avait jamais vraiment pratiqué, mais il se sentait les qualités adéquates. Passé les quais, il longea les biens nommées “Pirates Allées “, dont les commerces ouverts sur la place d’armes et les rues avoisinantes proposaient aux promeneurs maintes marchandises officiellement ou officieusement mises en vente.
Une fois s’être assuré d’être confortablement installé dans l’hôtellerie recommandée, il décida de partir à la découverte de la ville. Il alla parcourir les rues de Bourbon, de Toulouse et Saint-Pierre, il s’y persuada aisément de la puissance et de la richesse du Sud et de son avenir fructueux. Il y avait une multitude de boutiques, d’auberges et de cabarets ouverts, au long des rues se coupant à angle droit, tracées sur l’antique plan de Leblond de la Tour, ingénieur du roi.
Au cours de sa promenade, il se rendit à l’hôtel du gouverneur pour aller se déclarer comme émigrant. Don de las Casas l’accueillit. Celui-ci recevait tout arrivant qui paraissait suspect et ce monsieur de Saint-Ambroise débarqué seul et semblant prospère avait attiré l’attention de la douane et de quelques espions en planque sur les quais. Le dossier, ouvert devant lui, intriguait le secrétaire du gouverneur d’autant qu’il ne contenait qu’une unique feuille avec très peu d’informations. À son entrée, aimablement il lui proposa un fauteuil restant lui-même à son bureau. Il engagea, ce qu’il présenta comme une pratique ordinaire, son interrogatoire, le questionné avait très bien compris de quoi il retournait. « — Monsieur de Saint Ambroise, pouvez-vous détailler votre identité ?
— Je suis Gaston Guillaume de Saint-Ambroise, fils de Jean Grégoire de Saint-Ambroise et d’Estebenne Bernardine de Montlozon, je suis le cadet. Ma famille provient de Saint-Laurent-Du-Médoc, dans le sud-ouest de la France, nous y détenions des terres.

— Nous accueillons quelques familles du Sud-ouest installées parmi nous, peut-être en connaissez-vous.
— Cela est possible, bien que je n’aie pas entendu dire dans mon entourage que nous ayons eu des relations émigrées vers l’Amérique, mais par les temps qui courent qui sait ? De plus les derniers temps, mon père était gravement malade et notre demeure fort isolée de tout, les nouvelles arrivaient rarement jusqu’à nous. Du reste, j’ai passé une grande partie de ma vie dans la région de Paris dans la famille de ma mère.
— Oui, évidemment, on a toujours tendance à penser que parce que quelqu’un vient d’une région qu’il y connaît tout le monde, c’est oublié l’étendue des pays. Détenez-vous encore de la famille ?
— Non, les événements m’ont privé de tous ses membres. J’ai moi-même échappé au pire. C’est pour moi un nouveau départ.
— Oui, bien sûr, les temps s’avèrent difficiles. Avez-vous décidé où vous allez vous installer ?
— À vrai dire, oui. Mais pour cela, j’ai besoin d’aide ou plus exactement de conseils. Connaissez-vous un homme d’affaires, un banquier, qui pourrait me guider dans mes placements et me proposer une maison à acquérir, car je souhaiterai m’établir dans la ville ?
— Je puis vous écrire une lettre d’introduction pour monsieur Bevenot de Haussois ou monsieur Poydras de Lalande, le premier est notaire et le deuxième est banquier.
— Je vous en remercie, je vous serais très obligé. »
Don de las Casas continua cet échange qui se voulait cordial, mais plus il se poursuivait plus il devenait méfiant. Quelque chose se révélait bancal dans l’histoire et dans le ton trop aimable de l’homme qui se racontait trop facilement, mais il n’arrivait pas à déceler ce qui le gênait. N’ayant rien à reprocher à monsieur de Saint Ambroise et gardant sa défiance par-devers lui, il clôtura l’entretien.
*
Deux jours plus tard, monsieur de Saint-Ambroise se rendit chez monsieur Poydras de Lalande, il s’était prononcé de rencontrer le banquier. Il avait pris sa décision suite aux conseils de Louis Adam de Crécy dont il avait fait la connaissance par l’intermédiaire de son cadet au milieu des habitués du café Maspero. Si les frères de Crécy se ressemblaient physiquement, le plus jeune respirait l’honnêteté et la simplicité du terrien, son aîné lui était son opposé. Inverti de toute évidence, imbu de lui-même et transpirant la duplicité, de Saint-Ambroise saisit vite ce qu’il pouvait retirer de cette amitié en train de germer. Dès son introduction, il avait compris qu’il avait séduit le créole, et de cela il savait s’en servir. Le louisianais lui avait expliqué que c’était le lieu où tout se discutait, se négociait, se bâtissait. Il y avait repéré bourgeois, aristocrates, négociants, planteurs, français ou Espagnols pour la plupart et quelques personnages louches à la nationalité incertaine. Présenté par les deux frères, il avait engagé la conversation avec les uns puis avec les autres, et le banquier par tous était reconnu comme un aventurier, poète à ses heures, philanthrope, et un banquier de bonne réputation. Il avait appris qu’il avait commercé dans le territoire des Arkansas, à Bâton-Rouge, à Natchitoches, à Nacogdoches, à Natchez, à Opelousas, dans la vallée de la rivière Ouachita et jusqu’à Saint-Louis au bord du Mississippi. Il avait fait fortune et acquis des biens, notamment des plantations dans la paroisse de Pointe-Coupée, et des propriétés à la Nouvelle-Orléans. Il avait trouvé ceci de bons augures pour son propre avenir.
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Sur son bristol, monsieur de Saint-Ambroise avait quémandé une audience afin de ranger en lieu sûr ses biens et être conseillé dans des placements. Monsieur Poydras de Lalande attendait donc le solliciteur dans son hôtel rue du Maine. Il avait obtenu du secrétaire du gouverneur une lettre d’introduction dans laquelle transpirait une mise en garde. Quoiqu’il ait deux secrétaires en qui il ait toute confiance, il recevait toujours les clients à leur premier rendez-vous. À l’heure dite, monsieur de Saint-Ambroise se présenta. Le banquier l’invita à s’asseoir et commanda à son majordome de quoi se désaltérer. Tout en se souriant, ils se mesuraient. Monsieur Poydras de Lalande, la cinquantaine, d’une élégance sobre jugeait l’individu devant lui comme devant plaire aux femmes et au premier abord sympathique, mais en homme d’expérience, il ne relâchât pas sa vigilance. Il se méfiait des hommes au même titre que les femmes détenant trop de séduction évidente. Il entama l’entretien et après quelques banalités utilisées comme entrée en matière, il s’engagea dans le vif du sujet. « — Monsieur de Saint-Ambroise, quel service ma maison peut-elle vous rendre ? »
Le solliciteur avait de son côté compris qu’il ne devait pas découvrir toutes ses cartes tant que son interlocuteur ne lui faisait pas totalement confiance. « — Et bien, Monsieur, en fait plusieurs, tout d’abord de mon exil forcé, j’ai pu sauver quelques biens et notamment des bijoux de famille. Je ne veux pas pour l’instant m’en séparer et si tel venait à en être le cas, j’aimerais les faire dessertir avant de m’en dessaisir, car je ne pourrai les revoir porté par une autre… Ce sont ceux de ma mère et de mes sœurs, vous comprenez… elles sont toutes quatre mortes sur la guillotine… Pourriez-vous les mettre dans votre coffre ? » De la sacoche qu’il avait amenée, il retira plusieurs bijoux rivières, pendants, bracelets ou bagues, il y en avait sur la table pour une fortune. Le banquier n’en montra rien, mais fut extrêmement surpris. « — Je vais tout d’abord vous en faire faire un inventaire par mon secrétaire, si vous n’y voyez pas de problème.
— Faites donc ! »
Le subalterne vint et prit en note la liste époustouflante des valeurs. Il y détenait neuf rivières de pierres précieuses rubis émeraude ou diamants avec pendants et un à plusieurs bracelets assortis. À cette liste, il fallait rajouter deux colliers de belles perles, plusieurs bijoux de pierres semi-précieuses, quelques broches et une myriade de bagues parmi lesquelles trois solitaires dont un orné de rubis ». L’inventaire établi, le banquier se tourna vers un coffre-fort en lames d’acier réunies avec d’imposants rivets, meuble impressionnant que monsieur de Saint-Ambroise avait remarqué en entrant dans la pièce. Il n’aurait pu procéder différemment, il se trouvait aussi haut et large qu’une petite armoire à deux battants. Le financier l’ouvrit à l’aide de deux grosses clefs et fit pivoter ses lourdes portes dégageant au regard une série de tiroirs. Dans l’un d’eux, il posa la sacoche servant d’écrin à cette fortune. Ayant refermé consciencieusement le meuble, il rassura le dépositaire, outre qu’il conservait les clefs, la banque était gardée jour et nuit. « — Puis-je autre chose pour vous ?
— En fait, oui. Sauriez-vous s’il y a une maison où un appartement dans la ville que je pourrai acquérir, car l’auberge, où je loge, est des plus convenables, mais on ne s’y sent pas chez soi.
— Je comprends bien, je vais voir ce que je peux faire et vous tiens informé.
— Je vais donc me retirer et attendre de vos nouvelles. »
Les deux hommes se saluèrent.
Monsieur de Saint-Ambroise sur le chemin du retour qu’il effectuait dans une chaise à porteurs, se félicitait de la tournure des événements. Il avait été plus simple qu’il ne le pensait de cacher son identité, car pendant le voyage, il avait substitué son nom comme on change de chemise. Jacques-Henri Bachenot avait trouvé plus sûr de prendre celui d’une de ses dernières victimes, qu’il savait sans famille, pour commencer une nouvelle vie. Il avait tellement vu de profiteurs dans cette révolution qui spoliaient les nantis, les aristocrates, pour ni plus ni moins les remplacer qu’il s’était convaincu d’en faire de même. Son éducation complétée au journal de Panckoucke et dont la fille du rédacteur, Thérèse-Charlotte, avait policé les façons, lui avait permis de copier Jean Lambert Tallien et surtout Robespierre pour leurs allures leurs manières d’être qui se rapprochaient de celle des nobles qu’ils pourchassaient. Devenu de Saint-Ambroise, il supposait avoir floué son interlocuteur. Celui-ci n’était pas dupe, ce qu’il venait de mettre au coffre ressemblait, à s’y méprendre, à du recèle, aussi il comptait bien avoir l’œil sur lui. Son nouveau client à peine parti, il se rendit au palais du gouverneur, il tenait à avoir une conversation discrète avec Don de las Casas en qui il avait confiance.
*
Inconscient de tout ça, il se fit descendre dans la rue de Toulouse pour effectuer quelques pas. À pied, il se rendrait chez Maspero, il y retrouverait sûrement de Crécy. Plongé dans ses pensées, il s’apprêtait à traverser la rue de Chartres quand le cri d’une mulâtresse lui fit lever la tête lui permettant ainsi d’éviter de justesse un landau. Ce qui arrêta un battement de son cœur, ce ne fut pas le risque de l’accident, ce fut la femme qui dans la voiture se retourna pour vérifier s’il n’avait rien. Elle ne ressemblait pas à son fantôme, mais c’était tout comme, un instant il avait cru la voir. Qui était-elle, ici, si loin de son passé ?
Chapitre 46
L’incendie des squatters

Maintenant par la main son petit garçon, aidée par Georges Tremblay, Rose-Marie descendit du canoë. Face à elle, Antonin se tenait fièrement devant ce qui allait devenir désormais leur maison. Une pente douce y menait, prolongée par les terres agricoles dégagées. L’habitation, qui à ses yeux ressemblait à une cabane améliorée de quatre pièces, s’élevait sur des pilotis au sommet d’une butte dominant le bras de la rivière. Elle était entourée d’une profonde véranda couverte d’un toit incliné. La jeune femme retenait ses larmes, elle ne voulait pas blesser son Antonin qui avait réalisé tout ce qu’il pouvait pour leur donner un foyer. Dès l’enfance, elle avait servi dans une des plus grandes familles bordelaises. Elle était passée d’hôtels particuliers en châteaux et voilà qu’elle se retrouvait au fin fond d’une forêt vierge encerclée de sauvages, avec ses premiers voisins à deux bonnes heures de navigation si ce n’était plus. Pour atteindre sa maison, il devait faire attention aux serpents, araignées et autres insectes venimeux, sans oublier le risque de rencontrer un alligator, un ours ou une panthère. Elle serrait ses poings. Elle grimaça un sourire à son époux et suivit le court chemin qui la séparait de la rivière à l’escalier qui montait à la demeure. Elle avait été bâtie avec les cyprès alentour et avec l’aide des Acadiens et cela avait commencé deux mois auparavant.
*
À peine arrivé à la palmeraie, Antonin détenant le titre de sa concession, Georges Tremblay l’avait conduit sur les lieux. Ils emmenèrent Mathieu Lamotte, un des surveillants, et un esclave bien bâti, Josué en qui l’ancien contremaître avait toute confiance.
Le haut du bayou Lafourche avait été colonisé dès le début du siècle précédent. Français et Espagnols y avaient construit des plantations dont les demeures à deux étages commençaient à imposer leurs profondes galeries, leurs toits pentus mansardés devant des champs s’enfonçant à l’horizon à perte de vue. Après avoir passé le bourg d’Ascension, ils longèrent plusieurs habitations de diverses tailles pour la plupart acadiennes où le coton poussait à la sueur du labeur des nègres courbés sur certaines d’entre elles. Pour la famille Bourdel, il fallait aller plus loin pénétrer dans les forêts de cyprès et de chênes, où des marais étaient dessinés sur la carte fournie par monsieur D’Estournelles.
Ils s’étaient arrêtés tout d’abord à la plantation Breaux, le maître de maison, Honoré Breaux, les accueillit avec cordialité et enthousiasme. Il insista pour qu’ils logeassent ce soir-là dans sa demeure, peu de personnes passaient par chez eux aussi ils souhaitaient entendre des nouvelles. Ils se sentir obligé d’accepter devant la pressante invitation. Antonin profita donc de la chaleur du foyer acadien, il fut diverti par la nombreuse famille au sein de laquelle Marguerite essayait d’imposer le calme et de mettre bon ordre. Du plus grand au plus petit, ils l’assaillirent de questions, ils voulurent tout savoir sur lui, cela amusa le Français, que cette humeur positive réchauffait. Il raconta sa vie au bord de la Garonne, la ville de Bordeaux, il garda sous silence les drames qui l’avait mené jusque-là. Contrastant avec l’agitation bruyante des enfants, un garçon silencieux intrigua Antonin, un parent apparemment, dont le côté taciturne ne paraissait gêner personne. Vêtu comme un homme des bois, au physique sombre, les traits racés, il s’avéra être l’un des neveux de la famille dont la mère indienne donnait à son sang la fierté de son peuple. Repartant dans les profondeurs des marais pour chasser et pêcher dès le lendemain, son oncle proposa qu’il leur servît d’éclaireur, car il n’avait pas son pareil pour se retrouver dans les bayous. L’accord fut scellé avec le minimum de mot pour le métis. La soirée s’écoula en anecdotes des uns et des autres.

Le ciel devenait rose sous l’effet des premiers rayons lorsque le groupe d’individus poussa sur le bayou le canoë et à coups de rames vigoureux, le fit filer vers l’obscur mur de la forêt. Les champs ordonnancés, puis la steppe uniforme cédèrent la place au labyrinthe des bayous et à sa végétation dense et luxuriante. Ils glissèrent sur l’onde opaque au milieu des genoux des cyprès. Le feuillage des arbres immenses s’étendit et se referma comme une nef au-dessus de leurs têtes laissant passer dans des trouées des faisceaux de lumière. De leurs branches gigantesques pendaient de longs festons de mousse, dont les extrémités s’accumulaient à la surface de l’eau obstruant parfois leur passage. Des rives des buissons de fleurs tendaient leurs racines les rendant incertaines. Pour Antonin, ce monde mystérieux, le faisait frissonner au son des rugissements des alligators, des clameurs des grenouilles monstres, les ouaouarons. Opa les dirigeait, leur évitant de se perdre dans des bras morts couverts de tapis de minuscules lentilles vertes et où les rideaux de végétation pouvaient se refermer derrière eux comme un mur. Les hommes souquaient, le canot glissait entre les arbres géants. Quel étrange pays, pensait Antonin ! Ils n’avaient plus vu d’habitation ni de trace humaine depuis plus d’une demi-journée, mais où se situait donc la propriété qui lui était destinée ? Il commençait à s’interroger quand apparurent les premières coulées de limon. Tout d’abord, des clairières puis de vastes étendues de terre, il laissa échapper un soupir de soulagement. « — D’après la carte, c’est là ! » Antonin se demanda, comment Opa et Georges Tremblay pouvaient être sûr de cela. Enfin, il se trouvait chez lui, ils installèrent un campement puis entreprirent d’arpenter le terrain dévolu au bien des Bourdel. Ce monde sauvage lui appartenait, il allait le dompter. Il débroussaillerait, il labourerait et il planterait du riz au bord de l’eau, des céréales aux confins. Le coton ici n’était guère envisageable, il verrait plus tard pour le gros de la culture, il y avait des prairies au loin, peut-être de l’élevage.
Plus loin, on apercevait un chemin forestier, un commencement de route, d’où viendraient deux bœufs, de la volaille, du matériel, et des nouveaux amis ; les Breaux avaient annoncé que se joindraient à eux des cousins et des voisins pour construire la maison et défricher les premiers arpents. Et cela se réalisa comme cela avait été promis.
*
La chaleur devenait lourde, moite, au fur et à mesure de l’avancement du mois de Marie. Rose-Marie essuya son cou perlant de sueur avec son mouchoir. Elle avait quelque peu somnolé au plus fort de la canicule, du milieu de l’après-midi. Cela se révélait insupportable, elle n’était pas habituée, elle étouffait, elle s’était installée, avec son ouvrage, sur le fauteuil à bascule dans la véranda à la recherche du moindre mouvement d’air. Elle attendait le retour d’Antonin qui l’avait laissée seule avec l’esclave prêté par la maîtresse de la Palmeraie. Au petit matin, il était parti avec Opa, de passage et qui avait proposé son aide afin de chasser l’ours qui ponctionnait trop souvent du bétail dans le maigre cheptel des Bourdel. Josué avait regagné les champs, il avait emmené le petit Augustin qui l’avait adopté tout de suite. Rose-Marie, tout au début de leur emménagement, en avait eu un peu peur et n’appréciait pas de rester seule avec lui. Le temps s’écoulant elle s’était fait à l’homme qui l’appelait mait’esse à tout bout de champ. L’esclave était passé des plantations de la Palmeraie à ceux du lopin de terre des Bourdel, la maîtresse en avait décidé ainsi, ce n’était pas bien grave là ou ailleurs, il n’avait pas le choix. Il avait craint de tomber sous la coupe de mauvais propriétaires, bien que sa maîtresse l’ait rassuré à ce sujet, mais ce fut bien tout. Sa vie avait pourtant changé de façon surprenante. Il n’était plus gardé par un surveillant, il n’était pas entravé dans la journée, ni enferré ou enfermé la nuit, il dormait dans la cuisine sur une paillasse, et mangeait à la table des Bourdel. Il avait bien essayé de refuser devant l’incongruité de la situation, mais, là aussi, il n’avait pas eu le choix. Malgré les multiples possibilités, il n’avait pas envisagé de s’enfuir. Il n’avait jamais connu la liberté. Il était venu au monde environ vingt-trois automnes plutôt, sur les bords du Mississippi plus au nord, avant d’être acquis, petit, par le baron de Thouais le précédent maître de la Palmeraie. Il avait à peine su qui était sa mère. Elle l’avait abandonné contre son gré pour donner le sein au fils du maître et pour qu’elle ne fasse pas tourner son lait ou qu’elle ne lésa point le nourrisson blanc, ses maîtres l’avaient séparé de son nouveau-né. Il avait survécu grâce à une bouillie procurée par une vieille esclave, elle lui avait montré les premiers rudiments de la vie puis elle était morte. Le surveillant l’avait alors mis à la garde du poulailler. Sa mère, ne l’oubliant pas, laissait traîner son regard plein de nostalgie vers lui, cela agaça la maîtresse qui la voulait uniquement concentrée vers son enfant. Elle vendit le garçon qui se retrouva à la Palmeraie. Il était fataliste, et ne voyait pas plus loin que l’heure qui suivait. Il vivait dans le troupeau humain des esclaves, ne s’intéressait à personne et personne ne s’attachait à lui. Il ne lui serait pas venu à l’idée que cela puisse être autrement s’il ne s’était pas trouvé incorporé au foyer d’Antonin et de Rose-Marie. L’affection évidente d’Augustin, qui marchait sur ses talons partout où il allait, toujours une question à la bouche, l’avait lié de façon plus certaine qu’une chaîne. Ses nouveaux maîtres étaient pour lui sa famille bien que ce fût pour lui une notion étrangère.

Josué nettoyait les rangs de patates douces des insectes en tous genres, grouillants, rampants, ils mangeaient dès qu’ils le pouvaient les cultures, c’étaient les pires ennemis des planteurs. Ce qui fit lever la tête du nègre de son travail, ce fut l’odeur. Elle lui piqua les narines, il chercha d’où cela venait, puis regardant vers l’Ouest, il vit de la fumée qui s’élevait. Il lâcha sa binette, interpella l’enfant qui l’aidait et se précipita vers la maison. « — mait’esse, mait’esse, ‘egarder là-bas ! » Rose-Marie se leva et depuis la galerie scruta dans la direction indiquée. La colonne devenait un mur, c’était loin, du moins cela le paraissait, mais c’était vers là qu’étaient partis Antonin et Opa.
*
Ils se trouvaient à la lisière d’une grande forêt de pins s’étendant, vers le lac Verret et d’une plaine herbeuse. D’un geste, Opa indiqua l’immense prairie qui se déroulait devant eux bien au-delà des terres d’Antonin. Entrecoupé de bayous et parsemé çà et là de champs de palmiers nains, de massifs d’arbres, îlots noirs sur l’océan de végétation que formaient les hauts pâturages à hauteur d’hommes, le paysage semblait sans fin. Le métis y montra pourtant le chemin à suivre. Il désignait à leur droite un plant d’arbustes qui s’étalait jusqu’à un ruisseau aux rives ombragées par de sombres et gigantesques cyprès. Ils filèrent sur le courant. Au-delà du cours d’eau, ils marchèrent encore dans la prairie vers un bois de chêne vert. Opa bifurqua soudain au Sud, vers un épais fourré de magnolias, de papayers et de lianes. Il descendit de son cheval qu’il attacha à un tronc, son compagnon fit de même. Antonin n’osait lui demander s’il avait trouvé la piste de l’ours, ce n’était pas la première fois qu’ils chassaient ou pêchaient ensemble, il avait appris à respecter ses silences et à lui faire confiance. Soudain, Opa s’arrêta, quelque chose avait changé. Il leva les yeux vers le ciel y cherchant, semble-t-il, un présage. Suivant son regard puis observant autour d’eux, il se révéla à Antonin que le paysage effectivement se transformait. Des nuages, ou plutôt des vapeurs d’un gris bleuâtre, poussés par le vent, rétrécirent tout à coup le champ de vision. « — Là-bas ! » s’écria Opa, en indiquant la ligne de l’horizon masquée par un rideau de vapeur. Le ciel se couvrait, était-ce l’orage ? Il se colorait, vers le Sud-ouest, de reflets rougeâtres, et l’émanation prenait l’apparence de la fumée. L’espèce de brouillard s’épaississait, enveloppant d’un voile pâle le disque solaire, quelques instants auparavant si brillants. Des masses de vapeurs envahirent la lisière du bois ; l’air devint progressivement lourd et leur respiration de plus en plus pénible. La portion de la prairie qui restait visible ressemblait à une vallée brumeuse, resserrée entre deux montagnes qui se rapprochaient sans cesse, en fait la forêt de cyprès. À la vue de cet étrange phénomène, leurs yeux se rencontrèrent ; que devaient-ils faire ? Leurs chevaux donnaient tous les signes d’une vive inquiétude. Ils dressaient les oreilles, piaffaient, se tournaient, tendaient le cou, les naseaux frémissants, puis hennissants avec force, tiraient sur leurs rênes du côté opposé à la vapeur, et cherchaient à se dégager des arbres auxquels ils étaient attachés. « — Nous ne pouvons rester ici, alerta Antonin, nos chevaux à coup sûr vont prendre le mors aux dents. Mais où se diriger ?
— Où il plaira à nos montures de nous conduire, c’est le plus sûr ! »
Ils les détachèrent et s’élancèrent sur leur dos. À peine furent-ils en selle, que les équidés fuyant le feu se rendirent vers le bayou, ils les emportèrent, toujours au galop, le long du ruisseau, qui s’élargissait à mesure qu’ils avançaient. De grandes touffes de joncs et de roseaux émergeaient çà et là, transformant le pays en marais. Dans le morne silence qui régnait dans ces solitudes, interrompu seulement de temps à autre par le cri aigre et strident d’une oie sauvage ; ils guettèrent, se mirent à l’affût. Vers où devaient-ils aller ? « — Que signifie tout ceci ? » s’exclama Antonin. La chaleur de l’atmosphère était telle, que le poil des chevaux, quelques instants plus tôt ruisselants de sueur, apparaissait maintenant sec et collé sur leur corps ; ils cherchaient, la langue pendante, à inhaler un air plus frais. Tout à coup, la vérité les frappa comme un trait de lumière, et les deux comparses s’écrièrent à même temps. « — La prairie est en feu ! » Ils entendirent venant de loin des déflagrations semblables à un bruit de mousqueterie ; le son se répétait à de courts intervalles, et chaque fois les chevaux effrayés tressaillaient sous eux. Cependant, le cours d’eau s’était considérablement élargi, et ses bords s’étaient transformés en marécage qu’il était impossible d’avancer. Ils tombèrent d’accord et décidèrent de faire demi-tour, afin de voir s’ils pouvaient découvrir un autre chemin ; mais quand ils se trouvèrent à l’endroit où ils avaient déjà franchi le ruisseau, les montures refusèrent de le traverser de nouveau. Ils descendirent des chevaux et tirèrent sur leurs longes, ils eurent quelque peine à les y contraindre. Pendant ce temps, l’horizon devenait de plus en plus rouge, l’atmosphère plus brûlante et plus sèche ; la fumée s’était étendue sur la prairie, sur la forêt et sur les champs de palmiers. Ils se dirigèrent de leur mieux vers le lieu où ils avaient fait halte. Les roseaux qui, auparavant, étaient aussi frais et verts que s’ils venaient de sortir de terre avaient leurs feuilles pendantes, ou crispées et roulées sous l’effet de la chaleur. La plaine tout entière n’était plus qu’une masse de vapeur. Du côté du sud-ouest, tout l’horizon n’était qu’un épais rideau, qui se rapprochait inexorablement d’eux. L’émanation se transformait de façon insupportable, les chevaux pantelants tournèrent bride et se précipitèrent de nouveau à toute vitesse vers le ruisseau. Ne pouvant arrêter les animaux affolés, résignés, ils les laissèrent faire et eurent toutes les peines de les empêcher de se jeter dans l’eau. Les dominant de leur mieux, ils mirent pied à terre sur ses rives. Les lueurs rougeâtres qui sillonnaient l’horizon devinrent de plus en plus vives, et sinistres, les reflets brillèrent parmi la sombre verdure des cyprès : les craquements et les sifflements se multipliaient tels ceux de centaines de serpents. Un bruit soudain se fit entendre derrière eux ; une troupe de daims, détalant, se frayaient un passage à travers un petit fourré d’ajoncs, d’où ils plongèrent dans le ruisseau. Les bêtes s’arrêtèrent à moins de cinquante pas d’eux, n’ayant guère que leur tête hors de l’eau, désemparées, ne sachant où aller. Antonin et Opa tournèrent les yeux, des colonnes de flammes dévoraient tout devant elles, précédées de bouffées d’un vent de feu qui pénétrait jusqu’à la moelle des os. Elles avançaient, ondulantes, à travers de sombres masses de fumée. Le ronflement de l’incendie se faisait maintenant entendre d’une manière distincte, accompagnée de la détonation que produisait la chute de grands arbres. Une vive et immense clarté s’éleva au-dessus des tourbillons d’émanations, le rideau fut déchiré, à proximité le champ de palmiers brûlait. La chaleur devint tellement intense qu’ils s’attendaient à voir leurs vêtements prendre feu. Les chevaux n’y pouvant plus plongèrent dans le ruisseau les emportant dans leur élan. De l’eau jusqu’à mi-cuisse, ils maintenaient tant bien que mal les bêtes paniquées. Un nouveau craquement parmi les joncs attira leur attention. Une ourse, suivie de ses petits, se précipitait de leur côté ; et une seconde troupe de daims se jeta dans le flot, à une vingtaine de pas de l’endroit où ils étaient. Opa attrapa son fusil et coucha les ours en joue, mais ils se dirigèrent vers les daims, et ne les dérangèrent point ; ours et daims restèrent ainsi en présence, ne s’occupant pas plus les uns des autres face au danger commun. Divers animaux arrivèrent successivement : daims, loups, renards, chevaux accouraient pêle-mêle cherchant dans l’élément liquide un refuge contre la fureur du feu. La plupart des bêtes remontaient le bayou, se portant vers le point où, il s’élargissait en un petit lac, les deux cavaliers suivirent. Tout à coup, des aboiements se firent entendre, des hommes n’étaient pas loin ! Une décharge d’une douzaine de coups de fusil confirma bientôt leurs conjectures. Ils n’étaient pas à trois cents pas de ceux qui tiraient, et cependant ils ne pouvaient les voir. Les animaux sauvages qui les entouraient manifestèrent la terreur que leur inspirait l’approche d’un nouveau danger, désirant fuir ce fut la panique générale vers l’autre rive. La monture d’Antonin l’entraîna vers celle-ci, voulant retenir son cheval le cavalier percuta une branche basse et perdit connaissance.
*

Lorsqu’il reprit ses sens, il se trouvait allongé au fond d’un canot. Opa était assis au côté d’un vieil homme, celui-ci l’invita à goûter d’une bouteille de tafia, qu’il tenait à la main. Momentanément ranimé par la liqueur, il promena son regard sur le paysage environnant. Devant eux s’étendait un vaste terrain marécageux, couvert de cyprès ; derrière, une nappe d’eau, formée par la jonction de deux ruisseaux et surplombée d’un dais de fumée, qui leur cachait l’horizon. De temps à autre, un jet de flamme éclairait le marais, et l’on eût dit alors que les cyprès sortaient du sein d’un lac de feu.
En fait, Opa et lui se trouvaient sur un canot premier d’une file d’une demi-douzaine. L’individu qui les avait secourus semblait être le chef de la troupe, c’était un homme d’une soixantaine d’années, de haute taille, mais dont les formes osseuses accusaient une force peu commune ; son regard était perçant ; ses traits annonçaient l’intelligence du commandeur, la rudesse de son langage et l’ensemble de ses manières une grande assurance et un certain mépris des autres. Il portait une veste de peau, attachée autour des reins par une ceinture dans laquelle était passé un long coutelas ; une culotte également en cuir, un chapeau de paille et des bottines complétaient son accoutrement. Antonin ne comprenait pas sa langue, pourtant il devait être Français ou Acadien. Sa tête lui faisait trop mal, l’alcool trop fort l’engourdissait et comme Opa souriait, il n’était pas inquiet. Il se laissa somnoler.
*
Rose-Marie depuis la galerie fixait la muraille de feu qui au loin ravageait la prairie. Elle ne savait que faire, quelle décision prendre ? Derrière elle, Josué patientait. De temps en temps, la jeune femme glissait un regard vers son garçonnet qui posait moult questions auxquelles elle ne détenait pas de réponse. Devant le funeste spectacle devait-elle partir ? Tout laisser, ou attendre Antonin, mais où se trouvait-il ? Cette hésitation la tiraillait. La chaleur comme la peur devenait oppressante. Le ciel se chargeait, de gros nuages apparaissaient, ils provenaient du Sud, de la mer. « — Pluie venir, mait’esse ! » Si seulement Josué disait vrai, cela les épargnerait sûrement, enfin peut-être. Elle était plongée dans le tourbillon de cette incertitude quand Augustin s’écria. « — Maman, maman, des bateaux ! des bateaux ! » Et au milieu de ses exclamations, il courut sur le bord du bayou. Sur le premier canoë derrière un patriarche, Opa. Il était assis et lui fit signe. Elle se précipita, Antonin, où était Antonin ? Le métis la réconforta, il était au fond du canot, encore sous le choc, mais ce n’était pas grave, lui assura-t-il. C’était juste une mauvaise chute. Elle pleura de soulagement pendant que le ciel commença à déverser des trombes d’eau comme s’il attendait ce signe. La pluie tropicale arriva enfin. Opa aida Antonin à sortir de l’embarcation, les hommes qui les avaient sauvés déclinèrent l’invitation à s’abriter, ils devaient repartir vers le Sud.
En même temps que le feu était circoncis par une pluie diluvienne qui semblait ne plus devoir s’arrêter, la nuit tomba presque brutalement comme souvent sous ces latitudes. Antonin allongé et se reposant dans la pièce d’à côté, Rose-Marie se mit en devoir de préparer un souper salvateur. Tout en s’activant, sous l’écoute attentive d’Augustin et de Josué, elle entretenait la conversation avec Opa, se renseignant sur les événements et leurs sauveurs qu’elle supposait acadiens. Opa la détrompa et lui expliqua que c’était un groupe de squatters américains. « — Mais qu’est-ce des squatters ?
— Ce sont des colons qui habitent une terre sans autorisation du gouvernement. Le plus souvent, le territoire n’appartient à personne, mais parfois si elle est déjà occupée ils se débarrassent de ses propriétaires. » Que faisaient-ils si au sud, il ne le comprenait pas ? Toujours était-il que voulant défricher au brûlis une parcelle, ils n’avaient pu maîtriser l’incendie qui était devenu un feu de prairie. Ils devaient maintenant fuir la région vers le Sud, car ils avaient appréhendé que la colonie acadienne fût très proche. C’est sûrement pour cela qu’ils avaient préféré ne pas leur faire de mal, ils ne tenaient pas à être pourchassés dans les bayous inconnus d’eux.
Rose-Marie regardait inquiète le métis. Le climat, les bêtes féroces, les maladies, les Indiens, maintenant ces voleurs et criminels, mais ce pays était donc celui des sept plaies d’Égypte.

Cette histoire met en scène des personnages réels et des personnages fictifs ainsi que des événements et des dialogues inventés à des fins dramatiques et afin de compléter les vides des biographies. Les illustrations des personnages ne sauraient être confondues avec les personnes réelles.
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