L’orpheline/ chapitre 012

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Chapitre 12

Les mariages

Le grand jour était arrivé. L’inquiétude des jeunes filles se révélait à son comble. Que de questions trottaient dans leur tête ! Comment cela se passerait-il ? Qui se trouverait là ? Découvriraient-elles le mari adéquate ? Catherine et Fortunée comptaient sur Philippine pour les guider. Elle les réconforta, elle ferait de son mieux pour les accompagner. Théodorine, elle, était assurée de repérer l’époux idéal, Gabrielle de son côté s’avérait anxieuse, mais ne disait rien. Concernant Philippine, bien qu’elle fasse confiance en son ange gardien, elle n’était pas sûre que celui avec lequel elle allait s’unir serait le bon conjoint. L’entité de sa mère l’ayant prévenu qu’elle repartirait en France, elle était septique quant à ce processus de rencontre et d’union.

Toute la journée, elles se préparèrent avec l’appui de sœur Blandine et de sœur Domitille, sous le regard attendri de sœur Marie Tranchepain. Après leur bain, données par Amanda et aidées de Pétronille et Anastasie, un coiffeur, envoyé par madame Le Chibelier de Perier, arriva pour leur effectuer une coiffure. Théodorine demanda à être la première, ce qui causa un sourire à ses camarades. Au vu de l’épaisseur de sa chevelure, Philippine pensa que c’était inutile, elle laissa ses amies passer devant elle. Le moment venu, elle permit à monsieur Antoine, comme il se nommait, d’essayer de lui réaliser un chignon relevé sur la nuque. Il s’apprêtait à lui effectuer des bouclettes de chaque côté du visage, elle les refusa, car il devait les couper en dégradé. Elle accepta les garnitures, des nœuds de rubans, mais elle ne souhaitait point le léger bonnet en dentelles sur le sommet de sa tête. Tout comme Catherine et Fortunée, elle ne voulut pas de poudre sur ses cheveux, bien que ce fut à la dernière mode. 

Dans la fin d’après-midi, toutes étant coiffées elles s’habillèrent. Aidées des trois esclaves, elles enfilèrent leurs robes dites à la française. Elles s’ajustaient sur un panier porté haut sur les hanches. Philippine ne possédait qu’un grand jupon, elle estima que cela suffirait. En fait, la seule qui en détenait un était encore une fois Théodorine. Le manteau de sa robe, relâché dans le dos par des plis et formant une traine dans une texture de soie crème, était largement ouvert sur sa jupe blanche légèrement brodée sur le bas. Il était maintenu par des nœuds délicats sur sa pièce d’estomac agrémenté de dessins de fleurs. À ses manches en pagode, Amanda fixa des engageantes de mousseline de coton. Elle ne savait pas à quoi elle ressemblait, le couvent ne détenait pas de glace, hormis celle du coiffeur, mais il était parti. Philippine fit confiance en Madeleine venue pratiquer les ajustements et en ses amies qui la complimentèrent. Quand arriva le carrosse, elles se révélaient toutes prêtes. 

***

Elles traversèrent le nord de la Nouvelle-Orléans, cette fois-ci, à l’exemple de ses amies, Philippine se montra plus attentive à ce qui l’entourait. Les rues de la ville étaient non pavées et possédaient des petits trottoirs. Elle remarqua que la plupart des maisons s’avéraient identiques et détenaient une véranda, un toit avec mansarde et avaient toutes des escaliers de deux ou trois marches. Il avait plu dans la nuit, aussi les voies étaient de véritables cloaques vaseux. Cela ne l’enthousiasmait guère comme vision. De plus, elle perçut autour d’elle une multitude d’entités qui visiblement étaient majoritairement en souffrance. Le carrosse arriva devant la demeure gouvernementale. Elles en descendirent et suivirent Théodorine qui s’avançait pleine de fierté. Arthémus les attendait dans le hall dont la porte à double battant se révélait grande ouverte sur un large escalier montant à l’étage. Les jeunes filles furent impressionnées par le lieu. Le majordome les guida vers le grand salon du rez-de-chaussée qui occupait toute la longueur du bâtiment et donnait sur les jardins où le soleil se couchait. À peine entrées, la gouverneur et son épouse les accueillirent, Armand se trouvait avec eux. Cette dernière les emmena vers le fond de la pièce, à l’opposé des musiciens, qui jouaient doucement, où se situaient trois bergères installées en U en hêtre doré, mouluré, sculpté et capitonné d’un tissu damassé décoré de bouquets floraux. Elles s’y assirent, elles pouvaient s’y mettre à trois sans être serrées. Philippine s’était disposée à l’extrémité de l’un des canapés. Elle avait avec elle ses deux amies et juste à ses côtés, dans l’autre duchesse en angle droit, se trouvaient Gabrielle et en face d’elle Théodorine dont les paniers prenaient de la place. Elle sut de suite qu’elle n’était pas seule. Son animal gardien sous la forme d’un loup se baladait dans la salle entre les familles qui accompagnaient les prétendants.

Comme la plupart des aspirants s’avéraient présents, le gouverneur présenta chacune à leur tour les filles à la cassette, puis annonça que le bal pouvait commencer. Le premier à venir vers elles fut le commandant Barthoul. Sans hésitation, il se dirigea vers Fortunée. Il se révélait être le futur conjoint idéal pour celle-ci tant son amour pour elle transpirait. Elle l’avait subjugué dès qu’il l’avait aperçu, il n’avait pu l’oublier. Elle occupait ses pensées, c’était une vraie obsession pour lui. Parmi ses avantages, outre qu’il faisait partie de l’armée du gouverneur, il était revenu de la guerre contre les Natchez un mois avant la venue des jeunes filles. Il détenait une maison à La Nouvelle-Orléans, car sa famille appartenait aux privilégiés. Elle se leva, tapotant sa robe à la française de couleur bleu pâle, et en profita pour jeter un regard à Philippine qui lui sourit pour valider le prétendant. 

L’animal gardien s’approcha à la suite de deux hommes, il glissa un message à celle qu’il protégeait. « – Ils viennent pour Gabrielle, le premier n’est pas le bon. Ce sera le suivant, il se nomme Aurélien de la Michardière. »  Elle se retourna de suite vers sa voisine et lui donna l’information reçue avant qu’ils n’arrivent jusqu’à elles. Gabrielle faisait confiance aux dires de Philippine. Comment n’aurait elle pas pu ? Elle se souvenait encore de la terrible tempête et de la réaction incroyablement probante de sa compagne. Plus d’une fois, elle s’était rendu compte de la justesse de ses paroles et bien qu’elle soit toujours dans le sillon de Théodorine, elle s’avérait parfaitement consciente de la pertinence de ses propos. 

Celle-ci à peine partie, elle capta un nouveau message, celui-ci était pour Catherine. Elle devrait choisir l’homme blond prénommé Nathanaël. Celle-ci dansait, elle avait rapidement été sollicitée, car sa beauté ne laissait guère indifférente la gent masculine. Pour l’instant, aucun aspirant décrit par son animal gardien n’était apparu pour elle même. Plusieurs jeunes gens étaient venus la chercher pour aller danser, attirés par sa grâce mystérieuse, mais visiblement aucun n’était le candidat qu’elle devait agréer. 

Alors qu’elle s’était installée sur la bergère et avait refusé un prétendant sous prétexte de se reposer, elle vit arriver un individu de belle allure avec à ses pieds son animal gardien. « — L’ange Jabamiah te fait dire que c’est celui-là que tu dois choisir» À peine le message transmis, le loup disparut. L’homme avança directement vers elle. « — Je suppose que vous êtes Philippine de Madaillan. Je suis Hilaire Gassiot-Caumobere, négociant et propriétaire d’une plantation. Acceptez-vous de danser avec moi? » Elle fut surprise, elle venait de le voir entrer à l’instant dans la salle et il s’était dirigé sans hésitation vers elle et de plus il était informé de son nom. Elle présuma qu’il connaissait quelqu’un ayant les mêmes dons qu’elle. Elle acquiesça à sa demande et le suivi. L’homme était beau, le nez droit, l’œil allongé en amande, traits réguliers, le corps harmonieux, bien musclé, les hanches fines et les cuisses bien galbées. Elle pressentit de suite que cela ne durerait pas. Elle se questionnait. Pourquoi son ange gardien lui avait-il dit de prendre celui-là ? Elle allait obéir, elle avait confiance en lui, mais il devait y avoir une autre raison inconnue d’elle.

***

Hilaire Gassiot-Caumobere

Hilaire Gassiot-Caumobere était le plus jeune fils d’une famille de négociants de Nantes qui détenait cinq enfants, dont quatre garçons. Son frère ainé épaulait son père  au sein de la maison de négoce, car il en était l’héritier. L’un de ses deux autres frères était parti à Saint-Domingue créer un comptoir et son dernier frère était rentré dans la marine avec pour ambition de devenir capitaine d’un navire. Quand vint son tour de déterminer son avenir, il décida de fonder un comptoir dans la nouvelle ville de la Nouvelle-Orléans de la Compagnie des Indes. Il embarqua à vingt ans sur un voilier avec une somme conséquente fournie par son père afin qu’il puisse mettre en place ses objectifs. C’était en fait une avance sur son héritage. Le voyage n’eut aucun désagrément et lorsqu’il atteignit la cité qui se révélait en plein développement, il demanda à rencontrer monsieur de Bienville. Il désirait lui expliquer ses souhaits. Il fut reçu par monsieur Duvergier, le directeur ordonnateur à Biloxi. Celui-ci l’écouta avec attention et agréa ses objectifs. Il lui fournit deux espaces, l’un pour sa maison de négoce près du fleuve et l’autre pour son habitation. Dans les deux cas, il devrait construire les bâtiments et il paierait les terrains sur cinq ans, le temps qu’il commence à rentrer de l’argent. Hilaire entreprit de suite l’édification de ses entrepôts, afin de se faire aider, il engagea Louis Brillenceau qui devint son économe.

Il était à peine installé, que monsieur de Bienville fut rappelé en France pour répondre à des accusations. Il fut remplacé par Pierre Sidrac Dugué, sieur de Boisbriant. Cela ne lui fit aucun effet, tant il était occupé par son comptoir. Trois ans plus tard, monsieur de Perier prit la gouvernance de la colonie. La maison de négoce d’Hillaire gagnant plus d’argent qu’il ne l’avait espéré, il construisit un local adjacent aux entrepôts qu’il utiliserait en tant que bureau, ainsi que son habitation. Entre-temps, il avait engagé monsieur de Villoutreix pour la trésorerie sur les conseils de son notaire, monsieur Bevenot de Haussois. Son économe, de son côté, avait pris comme premier commis, monsieur Saurine. Tout se mettait en place. Sa demeure bâtie, il réalisa qu’il devrait pour l’entretenir obtenir des serviteurs, en fait des esclaves. Il commença par acquérir Adrianus, Anatole et Marceline, inconsciemment il avait choisi des métisses. Il leur distribua de suite leurs taches. Profitant de la contrebande, il acheta ses meubles et un carrosse. Ce fut à ce moment-là qu’une nouvelle opportunité se présenta. Une de ses connaissances, monsieur Montravel, qui détenait des difficultés financières, lui demanda d’investir dans sa plantation. Il accepta, un contrat d’associés fut établi chez le notaire. Un an plus tard, son partenaire mourut lors d’une épidémie, il se retrouva l’unique propriétaire de la plantation et de ses cinquante esclaves. Sa fortune s’accroissait. 

Monsieur de la Michardière, premier négociant de la ville, avec lequel il s’était lié, partageant souvent le cout des voyages des marchandises pour la France, lui annonça qu’une vente d’esclaves dans laquelle il avait mis des fonds, allait se réaliser. Un navire venant de Saint-Domingue se situait sur le quai depuis la veille. Hilaire parut donc à la transaction, il n’avait pas besoin de plus d’esclaves, aussi dans un premier temps, il ne fit guère attention aux individus qui se trouvaient à l’encan. La présentation d’une jeune fille le tétanisa. Elle se révélait d’une beauté qui le touchait, il effectua de suite une proposition à l’enchère à la surprise de son alter ego. D’autres essayèrent de surenchérir, mais c’est lui qui emporta l’esclave. Lorsqu’arriva un lot de deux gamines, instinctivement il les acquit sans trop comprendre pourquoi. C’est comme ça qu’il ramena à l’étonnement de ses serviteurs, Lilith, Cunégonde et Héloïse. Toutes se révélaient de façon évidente quarteronnes, voire octavonnes, tant leur peau s’avérait pâle, Cunégonde avait même les yeux clairs. Marceline les prit en main. Très vite, elle saisit pourquoi son maître avait choisi Lilith. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’elle avait les dons d’une Mambo et qu’elle le manipulerait.

***

Le bal était fini, elles se trouvaient dans le carrosse sur le chemin du retour vers le couvent. Madame Le Chibelier leur avait annoncé qu’elle viendrait dans les jours suivants pour connaitre le nom de leurs prétendants et ainsi elle pourrait les informer. Dans la voiture, celle qui paraissait la plus enthousiaste était Théodorine. Elle se vanta d’avoir été approchée par l’un des hommes les plus riches de la colonie, Jean-François De Chastellard De Montillet. Elle supputait que ses comparses n’avaient pas découvert mieux. Philippine la laissait parler, elle savait déjà que sa vie de couple se révélerait difficile au vu de la confrontation de leurs égos contrairement à ses trois compagnes. De son côté, Fortunée se trouvait sur un nuage, elle n’avait pas quitté de la soirée Pierre-Simon. Quant à Catherine et Gabrielle, grâce à son intervention elles avaient rencontré le bon postulant. Un horizon s’ouvrait à elles, arrivées au couvent, la lune se situait à son zénith et éclairait le lieu. À leur surprise, elles furent accueillies par Amanda, Pétronille et Anastasie. Celles-ci les aidèrent à se dévêtir et à se coucher. Une fois dans leur lit, pour des raisons différentes, elles eurent du mal à s’endormir. Théodorine était excitée par sa soirée, Fortunée rêvait de son capitaine, quant à Gabrielle, Catherine et Philippine, elles se posaient mille et une questions sur leur avenir. 

***

La jeune fille montait les marches d’un escalier qui lui semblait interminable. Elle se révélait consciente qu’elle devait le gravir, la réponse qu’elle désirait se situait au bout. Elle percevait une forte lumière. Arrivée tout en haut, comme elle s’y attendait, elle découvrit, assise sur un trône, l’ange Jabamiah. « — Bonjour Philippine. Je suppose que tu as une question?

— Oui, mon ange. J’ai trouvé étrange le choix de mon futur conjoint. Je ne doute pas que tu aies raison, mais j’ai l’impression que je ne resterai pas avec lui, aussi charmant soit-il.

— Philippine, cet homme est une passerelle pour une vie meilleure. Ne t’inquiète pas, il te sera plus bénéfique que tu ne le penses. Aie confiance! » La jeune fille, bien que septique, remercia son ange. Qu’entendait-il par une passerelle ? 

Elle ouvrit les yeux. Au vu de la luminosité, la journée était bien avancée. 

***

Catherine Le Chibelier

Deux jours après le bal de présentations, l’épouse du gouverneur parvint au couvent accompagné d’Armand comme elle l’avait annoncée. Elle n’avait pas souhaité venir dès le lendemain, le dimanche, car elle voulait les laisser réfléchir. Les jeunes filles avaient rencontré beaucoup de prétendants, elles devaient par conséquent se trouver dans l’incertitude. Sœur Marie Tranchepain, à son arrivée, envoya sœur Marie-Madeleine les chercher. Celles-ci aidaient les sœurs auprès des orphelins. Hormis Théodorine qui portait une de ses robes volantes de couleurs chatoyantes et donc ne s’approchait pas des enfants, ses comparses étaient vêtues de leurs tenues  habituelles corsages et jupes sombres. Elles laissèrent sœur Blandine et sœur Domitille et rejoignirent la révérende mère, madame Le Chibelier de Perier et Armand dans le grand salon. Les deux femmes étaient en conversation, aussi hésitèrent-elles à entrer. Sœur Marie Tranchepain les apercevant dans l’entrebâillement de la porte, leur demanda de rentrer et de s’assoir. La visiteuse après les avoir saluées entama la discussion. « — Bonjour mesdemoiselles. Comme je vous l’avais dit, je suis là afin d’obtenir le nom des prétendants qui vous conviennent. Tout d’abord, il faut que vous sachiez que la dot donnée par le roi est uniquement pour vous et non pour vos époux. C’est vous qui déciderez de ce que vous en faites. » Les jeunes filles en furent grandement étonnées, et inconsciemment se regardèrent. L’informatrice le perçut, elle s’en trouva satisfaite. Elle reprit. « — Vendredi, je vous attendrais avec vos conjoints chez maître Bevenot de Haussois pour signer votre contrat dans lequel sera stipulé notamment le montant de votre dot et le fait qu’elle vous appartient. Samedi aura lieu la cérémonie de votre mariage à la cathédrale Saint-Louis. C’est le père de Beaubois qui vous unira devant Dieu à vos époux. Nous nous retrouverons ensuite à l’hôtel gouvernemental pour le repas de noces avant que chacune d’entre vous ne parte pour sa nouvelle maison. Bien entendu, vos malles auront été préalablement amenées dans chacune de vos habitations. » Les jeunes filles restèrent surprises par le discours et par la vitesse à laquelle elles allaient être unies à un inconnu. De son côté, madame Le Chibelier de Perier fut étonnée lorsqu’elle réclama les noms des futurs conjoints, aucune n’hésita. Cela avait l’avantage d’être clair, mais elle n’en demeurait pas moins stupéfaite. Armand devinait qui avait pu les guider.

***

Pour se rendre chez le notaire et revoir ceux qui allaient devenir leurs conjoints, les jeunes filles avaient toutes enfilé une robe volante, chacune en détenait une de couleur différente. Monsieur Antoine, le coiffeur, était revenu pour les chignons, mais Philippine avait refusé son aide et ses fioritures. Elle s’était fait une tresse qu’elle avait enroulée et maintenue avec des épingles à cheveux sur sa nuque. Une fois prêtes, le carrosse leur fit traverser la Nouvelle-Orléans, elles découvrirent qu’il y avait d’autres types de maisons qui avaient l’air plus grandes et pour certaines plus hautes. Elles aboutirent rue du Maine entre les rues Royale et Bourbon où demeurait monsieur Bevenot de Haussois. Ce dernier était arrivé dans la colonie une dizaine d’années auparavant et avait obtenu de suite des clients. Entre les mariages, les possessions de plantation et diverses transactions, il n’avait pas manqué de travail. Elles furent accueillies par lui et sa jeune épouse. Elles trouvèrent sur place la femme du gouverneur et leurs prétendants, dont la plupart se connaissaient visiblement. Le notaire reçut un couple à la fois, afin de leur expliquer leur contrat et de le leur faire signer si cela leur convenait, il n’y eut aucun refus. Philippine fut stupéfaite du volume de sa dot et le comportement d’Hilaire Gassiot-Caumobere qui ne se révéla point surpris par le fait qu’il ne pourrait mettre la main dessus, cela l’étonna. Comme elle était la dernière à passer avec celui qui juridiquement était devenu son conjoint devant le notaire, dont elle eut un bon ressenti, elle rejoignit ses compagnes. Elles repartaient aussitôt pour le couvent. Dans le carrosse, Théodorine ne put s’empêcher de dire qu’elle était plus que satisfaite de sa dot et en donna le montant. Il s’avérait être de la moitié de celui de Philippine. Celle-ci comprit que ses amies avaient toutes obtenu la même dot. Elle supposa que son oncle étant le créateur du projet en avait demandé le double pour elle. Il avait dû effectuer la requête pour flatter son égo puisqu’il ne s’était jamais intéressé à elle ou alors c’était une remontée de culpabilité, mais elle en doutait. 

*** 

Cathédrale Nouvelle-Orleans

La cathédrale était emplie de monde. La plupart siégeaient là par curiosité. Le père de Beaubois patientait dans la sacristie en attendant qu’on lui annonce la venue des futures mariées. Celles-ci arrivèrent une heure avant midi, habillées de leur robe à la française. Lorsqu’elles entrèrent dans le lieu sacré, elles restèrent stupéfaites de la foule assise sur les bancs et debout dans les allées latérales. Elles ne l’avaient point anticipé et étaient très impressionnées, d’autant que la plupart de leurs conjoints ne détenaient pas de famille dans la ville et dans ses parages. Leurs prétendants patientaient devant l’autel. Aux premiers rangs se trouvaient le gouverneur de Perier et son épouse, Armand de Pignerolle, la révérende mère et deux de ses nonnes et l’élite de La Nouvelle-Orléans militaire et civile. Les jeunes filles timidement s’avancèrent dans l’allée centrale, Théodorine toujours en premier. Alors que Philippine entra, elle croisa le regard d’une très jolie métisse. De suite, elle sut qu’elle était en lien avec Hilaire et pressentit que c’était elle qui l’informait. Elle avait accroché à sa jupe une petite fille qui tenait à peine debout et elle devina qu’elle attendait un autre enfant. Elle était à peu près sûre que c’étaient les enfants de son futur mari. Quoiqu’elle n’ait rien à lui envier, Philippine se révélait aussi belle qu’elle, cela engendra une question. « — Pourquoi l’ange Jabamiah  lui faisait-il épouser» Bien que septique, mais s’avérant assuré de la protection de ce dernier, elle avança donc vers Hilaire tout comme ses compagnes l’accomplirent vers leurs prétendants. Le prêtre effectua la cérémonie religieuse, puis se tourna vers chacun des couples pour l’échange des consentements et des alliances. Une voix venue d’une entité, qu’elle devinait dans l’ombre d’une colonne, lui rappela : « — L’union sacrée et solennelle entre deux êtres humains, qui se promettent mutuellement et devant Dieu de s’aimer, de se respecter, et ce malgré les difficultés de la vie courante, se trouve unie. Nul ne peut les séparer. » Elle le savait ! Personne n’avait besoin de le lui remémorer, répondit-elle dans sa tête. L’esprit vibra face à l’agressivité de la jeune fille et disparut. Le prêtre finit par la bénédiction nuptiale qui clôturait la cérémonie. 

Sur le parvis, ils se retrouvèrent tous. Chacun félicita les couples pour leur mariage. Philippine chercha instinctivement la métisse alors qu’Hilaire à ses côtés parlait avec le gouverneur. Il ne semblait pas se soucier de sa supposée présence. Elle entendit à ce moment-là une voix au-dessus d’elle qui lui fit lever les yeux. « — Elle est partie, tu ne le reverras pas avant plusieurs années. » Elle aperçut un oiseau s’envoler vers les arbres. Décidément, son animal gardien aimait les transformations. 

***

Le grand salon avait été transformé en salle à manger, une vingtaine de personnes se situait autour de la table. La plupart des invités conversaient sauf les jeunes filles. Elles s’avéraient conscientes qu’elles commençaient une nouvelle vie. Celle-ci leur était obscure. Elles ne se révélaient pas très à l’aise avec leur avenir.

Les esclaves servaient les hôtes dans leurs assiettes en porcelaine et proposaient du vin. La seule qui en accepta fut Théodorine, Philippine était fort étonnée de sa confiance en elle. Elle comprenait le relatif optimisme de Fortunée devant l’amour évident que Pierre-Simon ressentait pour elle, mais tout comme Gabrielle et Catherine elle s’inquiétait de son devenir. Toutes étaient vierges et la première nuit avec leur conjoint les oppressait fortement à cause de l’inconnue de la situation. Elles n’étaient pas les premières, mais cette aventure qui les avait menées jusque-là, les laissaient songeuses, pleines d’interrogations.

La première à partir, le repas fini, fut Théodorine, car la plantation de son époux s’avérait assez loin et ce dernier désirait rentrer avant la tombée du jour. Une heure plus tard, toutes suivirent leur mari vers leur nouvelle vie.

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Cette histoire met en scène des personnages réels et des personnages fictifs ainsi que des événements et des dialogues inventés à des fins dramatiques et afin de compléter les vides des biographies. Les illustrations des personnages ne sauraient être confondues avec les personnes réelles.

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