1768 à 1773 Premiers actes du gouvernement espagnol.

1768. O’Reilly, que les troupes d’Irlande, sa patrie, avaient jeté en Espagne, était parvenu à gagner l’estime du monarque castillan, qui l’avait comblé de biens et d’honneurs. C’était un homme petit de taille et de caractère, d’une figure laide, quoique imposante, maigre, boiteux, mais d’une ambition démesurée et d’un esprit vindicatif. La haine qu’il nourrissait dans son coeur contre les Français, on ne sait pour quel motif, le porta à un acte de barbarie sans exemple. Il vint à la Louisiane revêtu du titre imposant de gouverneur et de capitaine-général de la province, avec des pouvoirs illimités. Aussi sut-il bien mettre à profit le temps de sa puissance éphémère. Il déploya un faste égal à celui d’un souverain, il avait son trône, son lever, ses courtisans, sa garde du corps, qui l’accompagnait partout.

Alejandro O'Reilly

Alejandro O’Reilly

Son premier acte d’autorité fut d’ordonner le recensement de la Nouvelle-Orléans, ce qui ne fut pas long à faire. La ville alors ne contenait que 3 190 habitants. son second fut l’arrestation de Denis-Nicolas Foucault, ordonnateur de la colonie, Nicolas Chauvin de Lafrénière, avocat-général, Jean-Baptiste Noyan, son gendre, et Pierre Hardi de Boisblanc, tous deux membres du conseil supérieur, et Denis Braud, imprimeur du roi. Ils assistaient au lever du satrape, lorsqu’il les pria de passer dans l’appartement voisin, où des soldats les attendaient pour les charger de fers. Peu de jours après, Pierre Marquis, Julien Jérôme Doucet, Joseph Petit, Balthasar Masan, Pierre Caresse, Pierre Poupet et Joseph et Jean Milhet allèrent grossir le nombre des prisonniers.

Il manquait encore Joseph Philippe Roi de Villeré, marqué au nombre des plus audacieux. Villeré, que l’on avait toujours vu à la tête de mesures violentes. Son arrestation semblait d’autant plus difficile, qu’après avoir appris la soumission de la Nouvelle-Orléans, il s’était retiré dans ses terres, à la paroisse Saint-Charles, au milieu d’habitants dévoués qui ne respiraient que la haine contre l’Espagne. Il songeait même à se réfugier à Manchac, sous le drapeau anglais, pour ne pas compromettre ses concitoyens, lorsqu’une lettre de Charles Philippe Aubry l’invita à venir à la Nouvelle-Orléans, l’assurant qu’il lui servirait de protecteur, et n’aurait rien à craindre. L’homme sans reproche se laissa aisément séduire, le malheureux colon se mit en route, fort de son innocence et de son mépris de la mort. Comme il passait la porte de la ville, un officier l’arrêta et le fît transporter sur une frégate à l’ancre au milieu du fleuve, de crainte que le peuple ne cherchât à le délivrer. A cette nouvelle, sa femme, se jetant dans une frêle nacelle, s’approcha du bâtiment, appelant son mari à grands cris. Cette voix si connue et si chère pénétra jusqu’au cœur de Villeré et il voulut aussitôt se précipiter vers elle. Ses gardes s’y opposèrent. Un combat s’engagea entre eux et le prisonnier tomba percé de coups. Les cruels! ils jetèrent sa chemise sanglante à sa veuve infortunée!

Léopold Massard (La jeune veuve

Léopold Massard (La jeune veuve

Le procès des autres prisonniers s’instruisit aussitôt. L’accusation se basait sur une loi d’Alphonse XI, qui punit de mort et de confiscation de biens, celui qui se rend coupable de révolte contre le roi ou l’Etat, ou prend les armes pour étendre ses droits et ses libertés, leurs complices étant sujets à la même peine.

Denis-Nicolas Foucault et Denis Braud soutinrent qu’ils ne devaient rendre compte de leur conduite qu’au roi de France, dont, ils n’avaient pas cessé d’être les sujets. Le premier fut envoyé à Paris, et le second acquitté.

Les autres, prisonniers plaidèrent également, mais en vain, l’incompétence du tribunal devant lequel ils étaient traduits. En vain ils alléguèrent qu’on ne pouvait les déclarer rebelles envers l’Espagne, quand le drapeau français flottait encore dans la colonie, qu’ils ne devaient aucune soumission à la Castille avant l’exhibition des lettres de crédit de son ministre; et que le prince qui ne les protégeait pas encore n’avait pas le droit de les punir.

Six victimes avaient été marquées par O’Reilly pour servir d’exemple à la province. Joseph Philippe Roi de Villeré ayant été assassiné, il se contenta d’en vouer cinq à la mort. Il fallait deux témoins contre chaque accusé pour revêtir la condamnation d’un caractère légal, il fut facile de les trouver. Nicolas Chauvin de La Frénière , Jean Baptiste Noyan, Pierre Marquis, Joseph Milhet et Pierre Caresse  furent condamnés à la potence et à la confiscation de leurs biens. Les Louisianais, en deuil, implorèrent vainement l’inexorable O’Reilly pour un sursis qui eut donné le temps de recourir à la clémence royale. La seule grâce que le tyran accorda fut la substitution de la fusillade à la potence.

l'exécution de Joseph Milhet et de ses amis

l’exécution de Joseph Milhet et de ses amis

Le 28 septembre, jour de l’exécution, toutes les troupes sous les armes se rangèrent en bataille sur la Levée et la place publique. les portes furent fermées, les postes doublés, de fortes patrouilles parcouraient les rues de la ville, qui était déserte. Les habitants avaient préféré fuir la veille, que d’être témoins de la mort de leurs frères. Les cinq victimes, conduites sur la petite place en face des casernes, reçurent la mort avec courage et résignation. On avait voulu leur bander les yeux, mais Pierre Marquis, capitaine suisse au service de la France, s’y opposa avec opiniâtreté : «  – Mille fois, dit-il, j’ai bravé la mort pour ma patrie adoptive, et je n’ai jamais fermé les yeux en présence de ses ennemis. Mourons, mes amis, continue-t-il en s’adressant à ses compagnons d’infortune, mourons comme des braves, la mort n’a rien d’effrayant! » Après avoir demandé une prise de tabac avec un sang-froid sublime : « – Et vous Espagnols, reprit-il, apprenez que nous mourons pour n’avoir jamais voulu cesser d’être Français. Quoique étranger, mon cœur est français, j’ai combattu trente ans pour Louis le bien-aimé, et je me fais gloire de ce que mon amour pour lui est la cause de ma mort. Tirez, bourreaux! »

Leur sang innocent doit retomber non seulement sur la tête d’O’Reilly, mais encore sur celle d’Ulloa et de Choiseul. Étaient-ils coupables ces hommes, pour s’être opposés aux actes arbitraires de ce dernier, qui disposaient d’eux comme de vils troupeaux, et pour avoir repoussé le second, homme érudit, qui se mêlait plus de science que de politique, et dont le caractère distrait ne savait s’arrêter à aucune mesure juste? O’Reilly était trop vil pour voir dans leur attachement à la mère-patrie l’héroïsme de grandes âmes. Il viola la parole qu’il avait donnée d’oublier le passé, et rendit odieux le joug de l’Espagne, qui eut besoin ensuite de grands efforts pour s’attacher les cœurs ulcérés. Les six autres prisonniers, Pierre Hardi de Boisblanc, Julien Jérôme Doucet, Balthasar Masan, Jean Milhet, Joseph Petit et Pierre Poupet, condamnés, le premier à l’emprisonnement à vie, les autres pour un certain nombre d’années, furent envoyés à la Havane, et jetés dans les cachots du château Moro.

chateau Moro à la Havane

chateau Moro à la Havane

Après cet acte de cruauté, O’Reilly s’occupa de changer le gouvernement. La France, par un article du traité, avait cependant exigé que la même administration fût continuée comme par le passé, mais on objecta que le conseil supérieur ayant donné l’exemple de la révolte, sa dissolution était devenue légale et nécessaire.

Le gouvernement de la Louisiane sous les Français se composait d’un gouverneur, d’un commissaire-ordonnateur et d’un contrôleur. En 1719, on avait créé un conseil supérieur, présidé par le gouverneur, et composé de deux lieutenants du roi, de quatre conseillers, d’un avocat général et d’un greffier. Les directeurs de la compagnie d’Occident eurent droit d’y siéger. Trois membres suffisaient pour porter un jugement dans les affaires civiles; dans les criminelles, il en fallait cinq. Les membres absents pouvaient être remplacés par les notables de la province. On nomma aussi, à l’époque susdite, plusieurs juges, deux desquels jugeaient au civil, et quatre au criminel; mais on faisait appel de leurs jugements au conseil supérieur, auquel, en 1741, on adjoignit quatre assesseurs.

Le conseil supérieur fut remplacé par un cabildo, ou grand conseil, présidé par le gouverneur et composé de six régidors, deux alcades, d’un procureur-syndic-général et d’un greffier. Les places de regidor et de greffier se vendirent d’abord à l’encan, comme des meubles, les acquéreurs pouvaient ensuite les aliéner à leur guise en faveur de personnes capables. Les regidors étaient en outre pourvus des charges d’enseigne royal (alferez real), alcade provincial (alguazil mayor, ou shériff), dépositaire général et receveur du fisc.

Le 1er janvier de chaque année, le Cabildo choisissait à l’unanimité les alcades ordinaires et le procureur-syndic-général. Tous les cas civils et criminels, dans la ville, étaient du ressort du tribunal des alcades ordinaires, excepté pour les militaires et les ecclésiastiques. Ces juges décidaient, d’une manière sommaire et sans écrits, de toutes les causes dont la valeur n’excédait pas 20 piastres; pour les sommes au-dessus, un notaire enregistrait la procédure.

Quand il s’agissait d’une valeur au-dessus de 330 piastres, les parties pouvaient en appeler au tribunal du cabildo, composé de deux regidors, assistés de l’alcade qui avait d’abord jugé l’affaire. Le cabildo s’assemblait le vendredi et chaque fois qu’il plaisait au gouverneur de le convoquer. L’alcade provincial connaissait de tous les délits commis dans la colonie, la ville exceptée, le shériff (alguazil mai/or) exécutait les sentences de tous les tribunaux. Le dépositaire général n’était chargé que des biens séquestrés, mais les amendes et les taxes se versaient dans les mains du receveur du fisc. Au lieu de poursuivre les délits au nom de la couronne, le procureur-syndic-général était le propre défenseur du peuple, et veillait au maintien de ses intérêts et de ses droits. Il y avait dans la province, outre le capitaine-général, qui n’y résidait que rarement, et le gouverneur, un intendant chargé du portefeuille des finances et de la marine, un auditeur de la guerre et un assesseur du gouvernement, tous deux conseillers nés du gouverneur, le premier pour les affaires civiles , le second pour les affaires militaires; un assesseur ou conseiller de l’intendance, lequel remplissait souvent l’office d’auditeur de la guerre, d’assesseur du gouvernement, de conseiller du cabildo, de l’alcade provincial et des alcades ordinaires; un trésorier, un contrôleur, un garde-magasin, un pourvoyeur, un voyer-général, un maître de port, des interprètes pour les langues française et espagnole, ainsi que pour les idiomes indiens, etc., etc.

entrée du Cabildo de la Nouvelle Orléans

entrée du Cabildo de la Nouvelle Orléans

La couronne nommait à toutes les places dont le salaire était au-dessus de 300 piastres; mais le gouverneur et l’intendant choisissaient eux mêmes leurs propres officiers. Le gouverneur était juge souverain de toutes les affaires civiles et criminelles dans la province; de même que l’intendant l’était de toutes les affaires fiscales et maritimes; de même que le vicaire général l’était de toutes les affaires ecclésiastiques.

Chaque paroisse fut pourvue d’un commandant civil et militaire, avec le grade de capitaine, dont les devoirs étaient le maintien de l’ordre et de la police, la décision des affaires dont la valeur n’excédait pas 20 piastres, l’arrestation des blancs accusés de délits, qu’il relâchait ou faisait conduire à la ville, selon l’ordre du gouverneur, et la punition des esclaves. Il tenait en outre le greffe de sa paroisse, en qualité de notaire.

Si les lois castillanes furent substituées aux Françaises, on s’aperçut d’autant moins du changement que les unes et les autres émanent du droit romain.

On leva un corps de volontaires, désigné sous le nom de régiment de la Louisiane. Luis de Unzaga y Amézaga, qui en prit le commandement provisoire, choisit des Louisianais pour officiers, qui acceptèrent avec joie leur brevet, la paie était plus forte au service de l’Espagne qu’à celui de France.

À son retour d’une tournée à la rive supérieure du fleuve, où il fut reçu avec une froide soumission par tous les habitants, O’Reilly publia plusieurs règlements relatifs aux terres vacantes. Il concédait à chaque famille qui désirait s’établir dans la province, six ou huit arpents de terre de face au fleuve, avec la profondeur ordinaire de quarante arpents; mais les concessionnaires devaient faire à leurs frais les levées, les barrières et les chemins. Nul ne pouvait aliéner ses terres avant d’y avoir fait les améliorations requises. Un droit fut imposé, en faveur de la Nouvelle-Orléans, sur les auberges, les cafés, les billards, les pensions, les boucheries, les bâtiments, les liqueurs spiritueuses.

Pour arracher les prisonniers indiens aux tortures et à la mort, les habitants furent autorisés à les acheter et à les faire travailler comme esclaves. Il y en avait déjà plusieurs dans la province, sur lesquels les droits des propriétaires furent reconnus par le nouveau gouvernement.

Mais ces règlements, quelque fussent leur sagesse et leur utilité, ne pouvaient attacher des Français à une colonie espagnole. La plupart des artisans, négociants, planteurs aisés s’étaient retirés à Saint-Domingue. L’émigration continuait. Pour empêcher la dépopulation de la Louisiane, O’Reilly ordonna qu’à l’avenir il ne fût plus délivré de passeports. Qui eût dit alors que vingt-deux ans plus tard les colons de Saint-Domingue fussent venus en foule chercher un refuge en Louisiane?

1770. Cette province fut attachée à la capitainerie générale de l’île de Cuba, au départ d’O’Reilly pour l’Espagne. Luis de Unzaga y Amézaga prit les rênes du gouvernement et s’efforça, par une administration toute paternelle, de cicatriser les plaies ouvertes par O’Reilly. Des bruits coururent prétendant que le roi d’Espagne désapprouva la conduite du satrape et lui défendit la cour. L’histoire n’offre rien de semblable. Au contraire, on voit O’Reilly, dès cette année là, nommé inspecteur général des troupes de toutes armes dans l’Amérique espagnole. Trois ans plus tard, il fut revêtu du commandement de Madrid. En 1775, il conduisit une expédition contre Alger, fut complètement battu par ses pirates, qui tuèrent à l’Espagne quinze mille hommes, et lui enlevèrent une partie de l’artillerie et des munitions de l’armée envahisseuse. Alors et pas avant, l’indignation publique se souleva contre O’Reilly, mais Charles III, qui le chérissait toujours, lui donna pour le soustraire de la populace madrilène, la capitainerie de l’Andalousie.

Si les Louisianais enfermés au fort Moro de la Havane furent élargis, ils ne durent leur délivrance qu’au fils de Balthasar Masan, héroïsme de piété filiale, qui assisté de l’ambassadeur français à Madrid, se jeta aux pieds du roi, en l’implorant de lui laisser prendre la place de son père ! Ce trait sublime peut bien servir de pendant à celui de ce guerrier indien qui sacrifia sa vie à celle de son fils. Pierre Hardi de Boisblanc, Julien Jérôme Doucet, Jean Milhet, Balthasar Masan, Pierre Poupet, Joseph Petit ne retournèrent pas en Louisiane. Les uns se fixèrent en France, les autres à Saint-Domingue.

Le gouvernement français, sans doute par un sentiment de regret, feignit de sévir contre Denis-Nicolas Foucault, qui fut mis pour peu de temps à la Bastille, et l’envoya ensuite sur l’île Bourbon, en qualité de commissaire-ordonnateur.

Le commerce de la Louisiane était trop limité, elle ne pouvait avoir de relations qu’avec six villes espagnoles : Alicante, Barcelone, Carthagène, la Corogne, Málaga et Séville. Plus tard, il fut toutefois ouvert à deux navires français. Mais les Anglais établis sur le Mississippi faisaient un commerce immense de contrebande avec les planteurs de la rive du fleuve, à qui ils fournissaient à crédit tout ce qu’ils pouvaient désirer. Le gouverneur Unzaga, qui y trouvait peut-être son profit, fermait les yeux sur un ordre de choses qui ne pouvait qu’enrichir la colonie.

1772. Mais sa prospérité fut un moment arrêtée par un ouragan qui la ravagea pendant quatre jours, sans toucher la Nouvelle-Orléans. L’effet qu’il produisit sur les mûriers est inconcevable, leurs feuilles étant tombées, ils en poussèrent de nouvelles, entrèrent en fleurs pour la seconde fois, et produisirent une autre récolte de fruits. L’hiver qui suivit fut si rigoureux, qu’il détruisit les orangers pour la troisième fois.

1773. La Louisiane, qui jusqu’ici avait fait partie du diocèse de Québec, en fut détachée et réunie à celui de l’île de Cuba. Un prêtre et deux religieuses espagnols, envoyés par la cour de Madrid pour instruire la jeunesse dans la langue castillane, établirent les seules écoles que l’Espagne eût jamais encouragées en Louisiane.

Cependant, la colonie prospérait, l’argent était en abondance, l’agriculture faisait de rapides progrès. Le gouverneur Unzaga, plein de sollicitude pour ses gouvernés, se rendait l’arbitre des affaires litigieuses, protégeait de pauvres débiteurs contre des créanciers inhumains, mais forçait un homme riche à payer ses dettes, fût-il son beau-père, ou même son ami.

Un grand nombre d’esclaves en marronnage, réfugiés dans les ciprières, commettaient mille déprédations dans les campagnes. Il lança une proclamation qui offrait le pardon à ceux qui retourneraient chez leurs maîtres, et défendit expressément à ceux-ci de leur infliger le moindre châtiment. Presque tous se rendirent sur la foi d’une telle promesse.

Tel fut le dernier acte d’humanité d’un homme qui combla de biens la Louisiane, et emporta avec lui les bénédictions et les regrets de tous ses habitants.

d’après Histoire de la Louisiane par victor Debouchel

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