1803 à 1812 Minorité de la Louisiane

Mike Wimmer: purchase louisiana

Mike Wimmer: purchase louisiana

1803. Le 20 décembre, William Charles Cole Claiborne et le général James Wilkinson, conjointement commissaires des États-Unis, firent leur entrée à la Nouvelle-Orléans, à la tête des troupes américaines. Pierre-Clément de Laussat les mit en possession de la Louisiane, et le drapeau tricolore fit place à la bannière étoilée.

William Charles Cole Claiborne

William Charles Cole Claiborne

Un acte du Congrès divisa la Louisiane en deux parties inégales, l’une prit le nom de territoire d’Orléans, et s’étendit depuis le golfe du Mexique jusqu’au trente-troisième degré de latitude septentrionale et l’autre beaucoup plus vaste, fut annexée au territoire de l’Indiana. Ainsi, le doux nom de Louisiane fut un moment effacé sur les cartes, pour reparaître plus tard avec tous les prestiges de la gloire et de l’opulence.

On organisa le gouvernement territorial, composé d’un gouverneur, nommé pour trois ans, ce fut Claiborne, d’un conseil législatif, formé de treize francs-tenanciers, et d’une cour suprême de trois juges, dont un seul pouvait porter un jugement. Le Président nomma au conseil législatif, six Français d’origine et sept Américains. Mais par la non-acceptation de quelques membres, qui furent remplacés par le gouverneur, le nombre de Louisianais se trouva réduit à cinq, chiffre bien minime, lorsque la population renfermait à peine un sixième d’individus parlant anglais. Le gouvernement avait raison, s’il voulait donner aux institutions du nouveau territoire le sceau de celles des autres États de la confédération. L’introduction des esclaves fut prohibée exceptée de ceux appartenant aux citoyens Américains qui venaient s’établir dans le territoire. Ces dispositions achevèrent d’aigrir les Louisianais, déjà peu portés en faveur du gouvernement des États-Unis. Ils se consultèrent, se formèrent en assemblée et choisirent trois mandataires chargés d’exposer au Congrès le sujet de leurs griefs. Ils se plaignaient de la nomination et surtout de la partialité d’un gouverneur étranger à leurs lois, leurs mœurs et leur langage, de l’introduction de la langue anglaise dans les tribunaux, et même du conseil législatif par Claiborne, de la juridiction sans appel du gouverneur, qui n’était pas même assisté d’un conseil, quand il rendait un jugement, du trop de pouvoir accordé à un seul homme à la cour suprême, de la prohibition des nègres pour eux, et surtout du morcellement de la Louisiane, qui pour longtemps encore, ne pouvait être érigée en état.

cour civile de la Nouvelle-Orléans

cour civile de la Nouvelle-Orléans

1804.Ils ne demandaient au Congrès que trois choses: premièrement la nomination du gouverneur parmi deux candidats de leur choix, deuxièmement le changement du mode de juridiction à la cour suprême, et troisièmement l’importation des nègres permise à tous les habitants. Le Congrès sourd à leurs réclamations, n’ordonna que quelques légères modifications dans la forme du gouvernement.

La rareté du numéraire, qu’on n’importait plus du Mexique, entravait considérablement les affaires. Claiborne encouragea de tous ses efforts l’établissement de la banque de la Louisiane, comme le seul remède aux maux présents. Cette institution utile fut paralysée dès son berceau, par la défiance qu’elle inspira à des gens trompés deux fois par un pareil système, sous les gouvernements français et espagnol. On observera que l’administration espagnole avait jeté sur la place un grand nombre de mandats de la trésorerie, liberanzas, qu’elle ne se pressait pas de retirer. Les Louisianais virent d’un aussi mauvais œil l’organisation de Compagnies de volontaires, recommandées et protégées par le gouverneur Tout ce qui sentait l’Américain, semblait encourir leur improbation.

Bank of Louisiana

Bank of Louisiana

Le conseil législatif en session divisa le territoire en douze comtés, pourvu chacun d’une cour inférieure présidée par un seul juge. La Nouvelle-Orléans obtint le droit de cité, une université, une bibliothèque, des compagnies d’assurances et de navigation y furent établies. La première banque des États-Unis y fonda une succursale (Branch bank.)

1805. Le nouveau gouvernement, tel que l’avait reformé le Congrès, d’après les remontrances des Louisianais, se composait ainsi: Un gouverneur nommé pour trois ans et un secrétaire d’État pour quatre ans, un conseil législatif en fonction pendant cinq ans, composé de cinq membres, choisis par le président, parmi dix candidats présentés par la chambre des représentants du territoire; une chambre des représentants, dont les membres, au nombre de vingt-cinq, étaient élus pour deux ans, par le peuple.

Mais quelques dispositions pénales avaient été l’objet des travaux du conseil législatif. On décréta la peine de mort contre l’assassinat prémédité, les travaux forcés à vie contre le viol, le crime contre nature, l’incendiaire de maisons ou d’édifices publics; le fouet au pilori et les travaux forcés à temps contre le vol avec effraction et le vol simple. Les complices de ces crimes sont frappés de la même peine que le coupable, et les complices après le délit, passibles d’une amande et du fouet. Un vol d’esclave, de cheval ou de mulet, entraîne la peine du fouet et des travaux forcés à temps. L’homme coupable de larcin et son complice sont condamnés à la peine au fouet, à la restitution des objets enlevés, et, à leur défaut, aux travaux forcés pour deux ans au moins. Le vol de billets de banque, de loteries ou autres effets obligatoires ou à recevoir, est sujet à la même peine. Celui qui donne asile au coupable de l’un de ses crimes, peut-être condamné à l’amende et à la prison. Le receleur est passible d’amende et d’emprisonnement aux travaux forcés, de la restitution des objets volés,ou du paiement du double de leur valeur, à défaut de quoi il doit subir une année de plus de travaux forcés. L’incendiaire d’une bâtisse, qui ne sert pas de logement, ou ne tient pas un corps de logis, peut être condamné aux dommages et aux travaux forcés à temps. Le faux monnayeur et ses complices encourent une peine semblable, mais le faussaire et ses complices sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Le parjure et celui qui le fait commettre sont passibles de la peine des travaux forcés à temps, et de celle du pilori pendant deux heures, une fois chaque année de leur détention, ils sont en outre déclarés incapables de porter un témoignage, jusqu’à ce qu’il en ait été décidé autrement par une Cour de justice. Celui qui enlève ou falsifie un acte judiciaire, dans l’intention d’annuler un jugement, celui qui souscrit un cautionnement au nom et à l’insu d’un autre, est condamné à une amende de 3000 piastres et aux travaux forcés à temps. Celui qui altère ou dénature un acte public, ou le registre de ces actes, doit payer une amende de 2 000 piastres et faire deux ans de travaux forcés, et de plus, est déclaré inhabile à remplir aucune fonction publique. L’escroquerie est punie du fouet et des travaux de force, la bigamie, d’une amende de 500 piastres au plus, et d’un emprisonnement qui n’excède pas deux ans. L’homicide non prémédité, est condamné aux travaux forcés à temps et à une amende de 500 piastres. Celui qui arrache le nez, la langue, un œil ou l’oreille à un autre, en se battant avec lui, est passible, ainsi que ses complices ou instigateurs, d’une amende de 1 000 piastres et de sept années de travaux de force. Celui, qui tire sur un autre avec une arme à feu, dans l’intention de tuer, voler ou violer, est sujet aux travaux forcés à temps, et doit fournir, pendant un an, caution de bonne conduite. Les duellistes, leurs complices, témoins ou instigateurs, sont punis d’une amende de 500 piastres au plus, et d’un emprisonnement qui n’excède pas deux ans. Celui, qui délivre un condamné à mort, est passible de quatre années de travaux de force. Celui qui frappe ou blesse un officier dans l’exercice de ses fonctions, subit un emprisonnement de six mois et paie une amende qui n’excède pas 200 piastres. Quiconque s’échappe de prison avec effraction, quiconque exige un salaire pour découvrir un vol, quiconque compose sur un crime capital, quiconque accuse méchamment un innocent, est puni d’une amende et d’un emprisonnement à la discrétion de la Cour. Celui, qui corrompt un juge, un officier public, le juge et l’officier public qui se laissent corrompre, ou qui se rendent coupables du crime d’oppression où d’extorsion dans l’exercice de leurs fonctions, sont sujets aux mêmes peines, qui sont encore appliquées à quiconque excite une émeute, renverse une levée, à quiconque se rend coupable de diffamation, à quiconque injurie, bat quelqu’un sans l’estropier.

L’accusé peut réclamer le droit d’être jugé par ses pairs, d’avoir un défenseur, de produire toute espèce de preuves à décharge, et de récuser douze jurés. Nul ne peut être traduit en Justice s’il n’a pas fait de délit, les crimes capitaux exceptés, si l’acte d’accusation n’est trouvé fondé par le grand jury. Aucun crime n’assujettit le criminel à la confiscation des biens.

Est-ce à ce conseil que l’on doit la concession de deux chartes, perpétuelles, celle de la compagnie d’assurances de la Nouvelle-Orléans, capital 200 000 piastres, et celle de la compagnie de navigation d’Orléans, qui voulait, en 1836, creuser un canal au milieu de la belle rue du Canal, à la Nouvelle-Orléans, son capital, est de 200 000 piastres. Elle a amélioré la navigation du bayou Saint-Jean et du canal Carondelet, ou elle perçoit un péage, mais qui avait été primitivement creusé par le gouverneur espagnol dont il porte le nom.

1806. La première législature territoriale dura plus de cinq mois, elle créa pour chaque paroisse unecour dont le juge était ex officio, juge de la cour des preuves, notaire, encanteur, juge-de-paix, shériff et greffier.

Le Code Noir, la loi contre le vagabondage, celles des apprentis et de la vente des boissons enivrantes émanèrent d’elle.

Il fut défendu de vendre des liqueurs enivrantes aux esclaves sans le consentement de leurs maîtres; aux soldats des États-Unis sans la permission des officiers, sous peine d’amende et de perte de la licence, et aux sauvages sous peine d’une amende de 200 piastres. La moitié de l’amende au profit de l’Etat, l’autre moitié au profit du dénonciateur.

La loi, des apprentis porte que nul ne peut s’engager comme apprenti ou domestique sans le consentement de ses parents, son tuteur, ou à leur défaut, du maire ou du juge du lieu de sa résidence, à moins qu’il n’ait atteint sa vingt et unième année. Un mineur ne peut s’engager au-delà de sa minorité; un majeur pour plus de sept ans. Un maître ou une maîtresse n’ont pas le droit de maltraiter un apprenti, et ils sont tenus de lui faire donner une éducation primaire.

La loi considère comme vagabond celui qui, capable de travailler, vit dans la paresse et sans domicile; celui qui fréquente les cabarets, les tripots, sans justifier de ses ressources pour vivre, ni certifier de bonne vie et mœurs, par des personnes dignes de foi. Le vagabond est obligé de fournir caution de telle somme qu’il plaît au juge de lui imposer, pour garantie de bonne conduite, à défaut de laquelle il est passible d’un emprisonnement d’un mois aux travaux forcés. Celui que l’on trouve errant la nuit, logeant ou dormant dans les cabarets ou autres maisons suspectes, ou même en plein air, sans pouvoir justifier de lui-même, celui que l’on trouve muni d’une arme ou même d’un instrument tranchant, propre à commettre une effraction ou un meurtre, sont regardés comme suspects, et encourent la peine des travaux forcés à temps. Les femmes convaincues de vagabondage sont sujettes aux mêmes peines, et ceux, qui donnent asile aux vagabonds, sont passibles d’une amende de 500 piastres au plus.

Quiconque demande l’aumône, est puni comme vagabond, s’il n’est muni d’une permission de deux de juges-de-paix, attestant les infirmités du mendiant.

mendicité à la Nouvelle-Orléans

mendicité à la Nouvelle-Orléans

Le Code Noir garantit aux esclaves la libre jouissance du dimanche, mais il est permis de les faire travailler ce jour-là en leur donnant quatre escalins. Les domestiques, postillons, hospitaliers, porteurs de légumes au marché, sont exclus de cette disposition.

Rugendas (FABRICACAO de mandioca

Rugendas (FABRICACAO de mandioca

Il alloue à chaque esclave, un baril de maïs par mois, une chopine de sel, ou une portion de terre pour la cultiver, il alloue une chemise et une culotte de toile pour l’été, une chemise de flanelle, un pantalon en laine et une capote, ou capotpour l’hiver. Les infirmes, les vieillards impotents, les aveugles doivent être entretenus et nourris aux dépens du maître, sous peine d’une amende de 25 piastres pour chaque contravention.

Le maître ne peut se décharger de la nourriture de ses esclaves, en leur laissant une journée pour travailler pour leur compte.

On doit donner aux esclaves une demi-heure pour le déjeuner et deux heures pour le dîner.

Les enfants au-dessous de dix ans ne peuvent être vendus séparément de leur mère.

Un maître ne peut louer ses esclaves à eux-mêmes, sous peine d’une amende de 25 piastres.

Les esclaves ne peuvent rien posséder, rien vendre, ni porter des armes, ni chasser, sans la permission de leur maître. Ils ne peuvent être ni parties, ni témoins, en matière civile ou criminelle.

Le maître est obligé de payer le vol de ses esclaves, à moins qu’ils ne soient marrons et déclarés comme tels.

Un esclave trouvé à cheval sans sa permission de son maître, peut-être arrêté et punie de vingt cinq coups de fouet, et renvoyé à son maître, qui est obligé de payer un escalin par mille, pour la conduite.

Tout individu, qui arrête un nègre marron sur le chemin, a droit à trois piastres, dans le bois, à dix piastres, qui lui sont payées par le geôlier de la prison où il le conduit, ainsi que le minage, qui est de 50 sous par mille.

L’esclave, qui n’est pas réclamé par son maître, au bout de deux ans à dater du premier avis, est vendu par le shérif de la paroisse, et la somme versée dans la caisse de l’Etat.

Nul ne peut donner un permis à un esclave, s’il ne lui appartient pas, sous peine d’une amende de 50 piastres.

Nul ne peut frapper un esclave employé au service de son maître, sous peine d’une amende de 10 piastres.

Mais tout individu qui trouve un esclave éloigné de l’habitation de son maître, peut l’arrêter, le punir, le tuer même, s’il fait résistance ou le frappe.

Celui qui blesse un esclave est tenu de payer au maître deux piastres pour chaque journée que l’esclave a perdue. Si l’esclave est estropié pour toujours, le coupable doit en payer la valeur au maître, et le nourrir lui-même le reste de sa vie.

Mais il est permis de faire feu sur un esclave marron, ainsi que sur celui qui refuse de s’arrêter.

Un individu blessé par un esclave marron qu’il poursuit, est indemnisé par l’Etat, s’il est tué, ses héritiers ont droit à l’indemnité.

Un propriétaire ayant des esclaves marrons, peut les chercher ou les faire chercher, par des personnes blanches, jusque dans les camps des autres habitants, sans leur permission, excepté dans les maisons et autres lieux fermant à clé.

Chasing un esclave fugitif, 1840

Un maître qui maltraite ses esclaves, leur refusent la nourriture et les vêtements nécessaires, peut être poursuivi sur la dénonciation d’une ou plusieurs personnes, devant un juge-de-paix, et condamné à 25 piastres pour chaque contravention. Le juge peut donner tels ordres qu’il jugera convenables au soulagement des esclaves, mais le maître inculpé a toujours le droit de prouver son innocence, en prêtant serment, à moins qu’il ne soit fourni contre lui des preuves positives.

Les gens de couleur libres, qui manquent de respect aux blancs, veulent s’égaler à eux, les insultent ou les frappent, sont punis d’un emprisonnement équivalant à l’offense.

Un esclave accusé de crimes, doit être jugé avant trois jours révolus depuis son arrestation, par un tribunal composé de trois ou cinq francs-tenanciers, qui ne soient ni propriétaires de l’esclave, ni même parents de son maître au quatrième degré. Ce tribunal est présidé par le juge de paroisse ou deux juges-de-paix.

Le juge et deux habitants peuvent porter une sentence de mort contre un esclave, ou même contre un homme de couleur libre, qui a droit au jugement par jury devant les tribunaux ordinaires.

L’Indien, l’homme de couleur, libre ou esclave, sont punis de mort, s’ils brûlent un édifice, une maison, un gerbier de grains, s’ils empoisonnent ou tuent quelqu’un, s’ils violent une femme blanche.

L’Indien ou l’homme de couleur libre qui enlève un esclave, est condamné à deux années de travaux forcés, s’il en paie la valeur, dans le cas contraire, la punition est double.

L’esclave qui blesse, avec préméditation, sou maître, sa maîtresse ou leurs enfants, est puni de mort.

L’esclave, qui frappe ou fait frapper un commandeur, libre ou esclave, reçoit vingt-cinq coups de fouet, s’il y a effusion de sang, la punition est double, si il tue, il est puni de mort. Cette peine est également applicable à l’esclave qui se révolte ou excite une insurrection.

Un esclave mis à mort n’est pas tout à fait perdu pour son maître, qui reçoit de l’Etat une indemnisation de 500 piastres. En 1813, cette somme fut réduite à 300 piastres.

Le maître qui fait évader son esclave, ou celui d’un autre, accusé de délit, est passible d’une amende de 200 piastres, si le crime est capital, l’amende est de 1 000 piastres.

L’esclave coupable d’avoir frappé un blanc pour la troisième fois est puni de mort.

Le maître, qui tue malicieusement son esclave ou celui d’un autre, est jugé et condamné conformément aux lois du territoire.

Le maître, qui punit brutalement son esclave, est passible d’une amende de 200 à 500 piastres.

Le maître entre les mains duquel un esclave a été trouvé mutilé ou horriblement maltraité, est responsable de ce crime, à moins qu’il ne s’en disculpe par un bon témoignage, ou seulement par son propre serment devant la cour où il est traduit.

Nul ne peut laisser son habitation à la charge d’un esclave, sous peine d’une amende de 50 piastres.

L’esclave, qui découvre un complot ou une insurrection, reçoit sa liberté en récompense.

L’homme libre est récompensé par l’Etat.

James Wilkinson par Charles Willson Peale

James Wilkinson par Charles Willson Peale

Les limites de la Louisiane, mal dessinées, amenèrent des négociations entre l’Espagne et les États-Unis. Les habitants du Mexique, voyant d’un œil inquiet les Anglo-Américains sur le Mississippi, poussèrent leurs excursions jusqu’aux portes des Natchitoches. Bientôt les deux nations appuyèrent leurs prétentions avec des baïonnettes. Le général Wilkinson, à la tête de quelques troupes américaines, Cordero et Herrera, commandant chacun un corps d’Espagnols, allaient en venir aux mains sur la rivière la Sabine, lorsque l’on apprit tout à coup la nouvelle de la conspiration de Aaron Burr Jr. Wilkinson conclut sur-le-champ un arrangement avec les Espagnols, par lequel la Sabine devait servir de limite entre les deux puissances, et se rendit à toutes jambes à la Nouvelle-Orléans, où l’alarme avait gagné tous les esprits.

Aaron Burr

Aaron Burr

On disait que la conspiration de Burr étendait ses ramifications depuis la Nouvelle-Orléans jusqu’à New York, par les états de la vallée de l’Ohio, que sept à huit mille hommes y étaient engagés, la plupart gens sans loi, ayant tout à gagner et rien à perdre. Leur but était de s’emparer de la capitale de la Louisiane, de piller les banques, d’opérer une séparation des Etats de l’ouest d’avec ceux de l’Atlantique, et, en cas de non réussite, se jeter sur le Mexique, où ils avaient un fort parti, afin d’y proclamer l’indépendance. Les Anglais, ajoutait-on, devaient y coopérer de leurs forces navales, stationnées aux Antilles.

duel entre Aaron Burr et Alexander Hamilton

duel entre Aaron Burr et Alexander Hamilton

Aaron Burr, homme d’une ambition, d’une intrépidité, d’une énergie sans égale, avait joui d’une telle popularité, qu’il avait concouru à la présidence des États-Unis avec le célèbre Jefferson. Aucun d’eux ne réunit la majorité requise, et le Sénat ayant eu à décider, nomma Jefferson. Burr, piqué au vif, accepta cependant la vice-présidence, qui lui revenait de droit. Quelque temps après, s’étant pris de querelle avec le général Hamilton, un des héros de la guerre d’Indépendance, il le tua en duel, et toute sa popularité s’évanouit. Aux élections suivantes, il fut privé de la vice-présidence. L’amertume dont son cœur fut abreuvé dégénéra bientôt en haine contre sa patrie. Politique profond, il sut habilement choisir le théâtre de son entreprise audacieuse, se créer un parti, et surtout se l’attacher par des liens indissolubles. Grand diplomate, il noua dans le Mexique des trames qui devaient lui assurer des succès brillants ou une mort célèbre. Légiste subtil, il ne se compromît jamais assez dans ses préparatifs pour se placer sous le coup de la loi.

Saisissant le prétexte de l’établissement d’une colonie sur l’Ouachita, dans les concessions du baron de Bastrop, il préparait dans l’ombre la ruine de sa patrie. Le Kentucky, qui chercha vainement un motif pour le faire arrêter, finit par soulever des sympathies en faveur du conspirateur. Le gouverneur du territoire du Mississippi, refusant à Wilkinson une levée d’hommes, excita l’indignation de la Nouvelle-Orléans, qui prit sur elle le soin de l’arrestation du nouveau Catilina. Tous les matelots marchands furent enrôlés au service des États-Unis, on ouvrit une souscription pourvoyant à tous les besoins, qui fut aussitôt remplie. Wilkinson recommanda vainement à la cour suprême l’arrestation d’Eryck Bollman, agent de Burr, ainsi que la publication d’une proclamation contre Burr lui-même. On lui répondit d’agir à sa volonté. Aussitôt le général fit jeter Bollman en prison, en faveur duquel la cour suprême lança en vain un writ d’habeas corpus. En vain James Workman, juge du comté d’Orléans, demanda l’élargissement de Samuel Swartout complice de Burr, détenu à bord d’une barque canonnière mouillée en face de la ville. Ogden, qui avait partagé le sort de ce prisonnier, fut seul mis en liberté. Lelendemain, Ogden fut arrêté de nouveau, avec le nommé Alexander, par les ordres de Wilkinson, demande appuyée de toute la logique du juge de comté.

Un autre incident vint compliquer les troubles, le général Adair, arrivé du Tennessee, ayant dit qu’il avait laissé Burr à Nashville, fut arrêté par un aide de camp de Wilkinson, à la tâte d’un détachement de cent vingt hommes. En même temps Bradford, Kerr et le juge James Workman furent incarcérés. Le général fit relacher le premier, la cour de district des états-unis obtint l’élargissement des deux autres. La législature siégeait, elle refusa à Clairbone la suspension du droit d’habeas corpus, qu’il demandait ardemment, blâma la conduite du général des états-unis et voulait qu’elle fut l’objet d’une enquête. James Workman, irrité, ne pouvant se faire entendre de Clairbone, envoya sa démission.

Le crime de haute trahison, dont il s’était rendu coupable, ayant été abandonné faute de preuves. L’accusation ne roula que sur l’organisation d’une tentative contre une nation amie qui tomba également.

Wilkinson, mis en accusation l’année suivante comme pensionnaire de l’Espagne et complice de Burr lui-même, trouva des ennemis, entre autres Clark, délégué au congrès du territoire d’Orléans, qui portèrent contre lui des témoignages semblables, mais il ne laissa pas d’être absous.

1807. Les lois suivantes furent promulguées cette année:

Celui qui recèle un esclave et le fait travailler, s’expose à payer deux piastres pour chaque jour d’absence de l’esclave de chez son maître.

Nul ne doit souffrir chez soi des rassemblements ou des danses d’esclaves.

Un esclave ne peut être affranchi qu’à l’âge de trente ans; il doit avoir une conduite honnête, être exempt de marronnage, de vol et de tout crime, pendant les quatre années qui précèdent son affranchissement. Il est dispensé de toutes ces conditions quand il a sauvé la vie à son maître, sa maîtresse, ou leurs enfants. On ne peut affranchir un esclave sur lequel un mineur a des droits, sous peine d’une amende de 100 piastres, pour le juge aussi bien que le maître.

En cas de maladie, d’infirmité, de vieillesse ou de démence, le maître doit nourrir et entretenir l’affranchi.

La déclaration du maître pour l’affranchissement de l’esclave, doit être faite par devant le juge de paroisse.

Junius Brutus Stearns - The Marriage of George Washington to Martha Custis

Junius Brutus Stearns – The Marriage of George Washington to Martha Custis

Le mariage fut considéré comme un contrat civil; contrat dont la durée est celle de la vie de l’un des époux, mais qui peut être dissout par la loi.

Aucun mariage n’est valide, si les parties n’y ont donné un consentement libre, les personnes libres et les esclaves ne peuvent contracter mariage ensemble.

Les père et mère, dont les enfants se marient sans leur consentement, ont le droit de poursuivre en dommages-intérêts le juge qui a donné la licence et le prêtre qui a célébré le mariage, et en outre de déshériter leurs enfants.

Nulle personne autorisée à marier, ne peut célébrer un mariage, si les parties ne lui produisent une licence du juge de paroisse, sous peine d’une amende de 5 000 piastres, et d’une détention de deux ans, si la cour le Juge à propos.

Un prêtre d’une religion quelconque, un juge de paix, munis d’une licence, peuvent célébrer un mariage.

Il est permis aux Quakers et aux Mennonites de célébrer leur mariage selon les rites de leurs religions respectives.

Le mari et la femme contractent par le mariage l’obligation de nourrir et élever leurs enfants. Les enfants doivent les aliments à leurs père et mère, et aux ascendants dans le besoin.

Les gendres et les belles-filles doivent les aliments à leur beau-père et belle-mère.

Le mari et la femme se doivent mutuellement secours, fidélité et assistance. La femme est obligée de suivre partout son mari, qui doit lui fournir selon ses moyens tout ce qui lui est nécessaire. La femme séparée de bien de son mari, ne peut, sans son consentement, aliéner ou hypothéquer ses biens, si le mari s’y refuse, l’autorisation du juge y supplée.

1808. L’avocat qui fomente un procès, ou consent un agrément par lequel une portion de la propriété est litige lui est accordé est déclaré incapable de pratiquer dans aucune cour du territoire. Si un avocat laisse perdre une cause par son absence ou sa négligence, il est condamné à payer les frais du procès, ainsi que les dommages encourus par son client, s’il garde l’argent reçu pour son client, il est rayé du tableau de son ordre.

Les honoraires d’un avocat sont de seize piastres, pour chaque cause commencée et poursuivie dans, les cours supérieures ou de circuit du territoire. Dans les cours de paroisse, ils ne sont que de, cinq piastres pour chaque cause. En 1809, ils furent fixés à onze piastres indistinctement pour toutes les causes.

Cependant, la bonne harmonie entre les États-Unis et l’Angleterre s’affaiblissait de jour en jour. Il fallait une guérite entre les deux nations, pour donner pleine décision à la grande querelle de l’Indépendance. Une concentration de force à Halifax, en Nouvelle-Écosse de la part de l’Angleterre, détermina le président de la République, à établir un camp dans les environs de la Nouvelle-Orléans, point de mire du gouvernement britannique.

1809. Wilkinson, chargé de sa formation, cantonna sept cents hommes sous les Chênes-Verts, au bord du fleuve et à la tête du chemin de la Terre-aux-Bœufs, onze milles au-dessous de la Nouvelle-Orléans. Les chaleurs d’avril et une nourriture échauffante engendrèrent des maladies qui en enlevèrent près de la moitié. James Wilkinson, que ses ennemis accusèrent de ce désastre, ainsi que de complicité avec Burr, et de connivence avec l’Espagne, fut traduit devant une cour martiale et acquitté pour la seconde fois.

Cette même année, environ 5 800 personnes de toutes couleurs abandonnèrent l’île de Cuba, où elles s’étaient fixées après les désastres de Saint-Domingue, et s’établirent en Louisiane.

La législature décréta qu’un esclave importé d’un pays étranger à la Louisiane, serait vendu au profit de l’état, qu’un esclave coupable d’un crime capital dans un autre pays, et introduit dans celui-ci, serait condamné aux travaux forcés à perpétuité, et que l’importeur serait passible d’une amende de mille piastres par chaque nègre coupable qu’il aurait introduit

1810. Il fut décrété cette année, que l’acquéreur d’un esclave coupable de crime dans un autre état, pourrait maintenir contre le vendeur une action rédhibitoire; et que, dans les causes civiles, les parties auraient le droit de récuser chacun trois jurés.

L’Espagne, en dépit du traité de Saint-Alphonse, retenait encore deux parties essentielles de la Louisiane, le territoire de Bâton-Rouge et celui de la Mobile. Les habitants de ce premier territoire, presque tous Américains, s’insurgèrent, marchèrent sur le fort de Bâton-Rouge, dont ils se rendirent maîtres sans effusion de sang. Ensuite, s’assemblant en convention à Saint-Francisville, ils déclarèrent leur indépendance, firent une constitution, s’érigèrent en état et nommèrent leurs magistrats.

Le président James Madison en ayant eu connaissance, envoya des pouvoirs à Claiborne, qui prit possession du territoire au nom des Etats-Unis, et arbora leur drapeau à Saint-Francisville et Bâton-Rouge, aux acclamations des habitants. Ce territoire forme aujourd’hui les paroisses floridiennes de la Louisiane.

Une insurrection d’un autre genre éclata peu de temps après. Les nègres d’une habitation de la paroisse Saint Jean-Baptiste, se levant en masse, entraînèrent dans leur révolte les nègres du voisinage, et marchèrent sur la Nouvelle-Orléans, au nombre de cinq cents, tambour en tête et drapeaux déployés. Un seul individu Trépagnier, les fit reculer. Une poignée de planteurs les défit, avant l’arrivée de la milice et de la troupe de ligne. Ils avaient incendié quatre ou cinq habitations. Seize de ces misérables expirèrent sur la potence. et leurs têtes, attachées au bout d’une perche, furent placées de distance en distance le long du fleuve.

Pour suppléer à la rareté du numéraire, la législature établit deux banques: celle d’Orléans, avec un capital de 500 000 piastres, et celle des Habitants, capital 600 000. La durée de leurs, chartes devait être de quinze ans. La première fut prolongée, en 1823, jusqu’en 1847; la seconde fit faillite et n’existe plus.

Les maisons publiques furent mises sous la surveillance immédiate de la police de la ville; les jeux de hasard abolis, et ceux qui les tiennent, condamnés à une amende qui n’excède pas 1 000 piastres, et à défaut de paiement de cette somme, emprisonnés pendant six mois au plus.

Un homme de génie, Fulton, né en Pennsylvanie, avait inventé, ou plutôt perfectionné les bateaux à vapeur, la plus belle découverte du siècle, et celle qui a donné naissance aux chemins de fer. Fulton fit sa première expérience sur un petit bateau en cuivre sur la Seine à Paris, en 1805, Jonathan Hulls avait fait connaître ce moyen de navigation aux Anglais, en 1737, l’abbé Arnal aux Français, en 1781, et Rumsey aux habitants de l’Union, en 1784. Maison l’avait abandonné, Fulton en fit une application plus étendue et plus active, et son entreprise fut couronnée du plus heureux succès.

Robert Fulton  ( le navire à vapeur le Clermont, illustration Project Gutenberg

Robert Fulton ( le navire à vapeur le Clermont, illustration Project Gutenberg

Pour donner à ce grand homme une marque de sa reconnaissance, la législature lui accorda pour dix-huit ans, conjointement avec Livingston lui s’était également occupé d’une invention pareille, le privilège pour la navigation à la vapeur sur toutes les eaux du territoire.

Fulton mourut en 1815. On dit que sa vie fut abrégée par le chagrin qu’il eut de voir d’autres bateaux que les siens, construits d’après le même modèle, sur les rivières, où il devait avoir le privilège exclusif de cette entreprise.

1811. Un acte du Congrès, en date du 11 février, érigea le territoire d’Orléans en Etat, et rendit ses habitants aptes à rédiger une constitution. Cette constitution devait être républicaine, basée sur celle des États-Unis, reposer sur les principes de la tolérante, garantir aux citoyens le droit d’habeas corpus, et celui d’être jugés par leurs pairs. Elle devait en outre proscrire la langue française, et assurer aux États-Unis la libre possession des terres vacantes, exemptes de taxes et de toute rétribution quelconque. Peu de temps après, cette constitution fut consentie, telle que le Congrès l’avait exigée, par quarante et un mandataires du peuple, assemblés en convention, et rendirent son nom à la Louisiane.

La constitution divise les pouvoirs du gouvernement en trois départements distincts: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Le pouvoir législatif se partage en deux branches : le Sénat et la Chambre des Représentants. Ces deux corps réunis forment l’assemblée générale.

Les sénateurs sont élus pour quatre ans, chaque district sénatorial en fournit un. Tous les deux ans, la moitié du Sénat se renouvelle. Un sénateur doit être âgé de vingt-sept ans; posséder une propriété de la valeur de mille piastres, dans le district qui le nomme; avoir résidé un an dans ce même district, et dans l’Etat, durant les quatre années qui ont précédé son élection.

Les représentants sont élus pour deux ans: leur nombre ne doit pas dépasser cinquante. La représentation, également repartie, est déterminée d’après le nombre des électeurs. Un représentant doit avoir vingt un ans au moins, être propriétaire d’un bien fonds de la valeur de cinq cents piastres, il n’est éligible qu’après avoir résidé les deux années antérieures à son élection dans l’Etat, et un an dans la paroisse qui le choisit. La moitié de la chambre des représentants se renouvelle tous les ans.

Les membres de l’assemblée générale reçoivent un salaire de quatre piastres par séance; leur personne est inviolable tout le temps de la session, et ils ne sont nullement responsables de leurs opinions ou de leurs discours, mais ils ne sont éligibles à aucune place lucrative dans l’Etat pendant la durée de leur charge, ni pendant l’année qui la suit, excepté aux emplois, qui dépendent des suffrages du peuple.

Aucun prêtre ou ministre d’une secte ou société religieuse quelconque n’est apte à remplir une place à l’assemblée générale, ou à posséder un emploi lucratif ou de confiance dans l’Etat. Aucun collecteur de taxes d’état n’est éligible, s’il n’a obtenu une quittance de décharge de comptes.

Pour avoir force de loi, un projet de loi doit être lu et discuté librement dans les deux chambres, pendant trois fois, en trois jours différents, à moins que les quatre cinquièmes d’une chambre ne le dispensent des règlements ordinaires, il faut qu’il soit en outre soumis à la sanction du gouverneur, et s’il le rejette en le frappant de son veto, le projet de loi, pris de nouveau en considération par les deux chambres séparées, et adopté par les deux tiers des membres élus de chacune d’elles, devient une loi, nonobstant le veto de l’exécutif.

Le pouvoir exécutif est confié à un magistrat suprême, intitulé gouverneur, âgé de trente-cinq ans au moins, élu pour quatre ans, et non éligible pour les quatre années qui suivent celles de son gouvernement. C’est le peuple qui le désigne, et l’assemblée législative qui le nomme. Il commande en chef la milice, les troupes de terre et de mer, excepté pendant la guerre, à moins qu’il n’y soit autorisé par l’assemblée générale. Il nomme, de l’avis et avec le consentement du Sénat, à toutes les charges qui dépendent de l’Etat. Il peut convoquer l’assemblée générale en session extraordinaire, et désapprouver, d’après son droit de veto, les actes émanés de ce corps, qui doivent être soumis à sa sanction avant d’avoir force de loi. Il veille au maintien des lois, à l’organisation et la discipline de la milice. Il a le droit de remettre les amendes, les confiscations, d’accorder un sursis et même la grâce d’un condamné, si le Sénat y consent. Mais il peut être destitué pour prévarication ou inconduite, par les deux tiers des membres présents du Sénat, devant lequel il est traduit, en vertu d’un acte de destitution (empeachment) émanant de la chambre des représentants.

Le pouvoir judiciaire est confié à une cour suprême et à des cours inférieures. La cour suprême doit se composer de trois ou de cinq juges, elle n’a qu’une juridiction d’appel, s’étendant à tous les cas civils dont la somme en litige s’élève au-dessus de 300 piastres, elle tient ses séances, à la Nouvelle-Orléans pour le district oriental, et aux Opelousas pour le district occidental. Ces juges ont un salaire annuel de 5 000 piastres, chacun. Ils sont inamovibles, mais ils peuvent, être destitués pour prévarication, à la demande des trois quarts des membres des deux chambres, ainsi que les juges des cours inférieures, qui, les uns comme les autres, doivent veiller au maintien du bon ordre dans tout l’Etat.

 

d’après Histoire de la Louisiane par victor Debouchel

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