l’esclavage raconté à ma fille de Christiane Taubira

À l’âge de sept ans, je suis tombé amoureux de Scarlett. O’Hara bien sûr. Elle m’a captivé par son combat de survie et par son besoin d’émancipation. Pendant les huit années qui ont suivi, j’ai revu le film une fois par an et lu le livre par trois fois. De l’esclavage je n’ai rien perçu et pendant longtemps je n’ai vu que les crinolines sans vraiment voir les esclaves qui n’était pour moi qu’un décor. Je restais béat devant Bette Davis dans « l’insoumise » ou Yvonne de Carlo dans « l’esclave libre », sans réaliser le fond, le support de ces drames.
Autant en Eporte la vent (hattie(mcdaniel& vivien leigh)Bette Davis dans JézabelBand of Angels

Mon apprentissage vint tout d’abord de mes lectures, romancées soit, mais instructives. Il y eut tout d’abord la saga « Louisiane » où le système de l’esclavage reste un décor, puis le roman de Robert Penn Warren qui inspira le film éponyme « l’esclave libre » ou plus exactement « Band of Angels » et qui s’avéra beaucoup moins romantique, du moins à l’eau de rose que le film. Tout en recherchant des histoires romantiques, je recherchais encore des crinolines, je dois bien l’admettre, je lis et je vis de Alex Haley « Racines ». Cette saga commença à m’ouvrir les yeux sur un drame de l’humanité qui n’était jusque-là pour moi qu’un décor historico-romantique, mais cela resta un drame historique que des histoires romanesques parsemées. Toutefois, le sujet de l’esclavage me touchait, du moins celui des femmes, des concubines, des tisanières, des métisses, des quarteronnes et autres beautés, mais je ne le reliais pas à la traite. Je lis donc avec intérêt l’histoire controversée de Sally Hemings, « la Virginienne » de Barbara Chase-Riboud. Bien que le roman était supposé être une biographie romancée de la concubine de Thomas Jefferson, je le parcourus comme le roman de « l’esclave libre ». Je vis le film « Jefferson à Paris » de James Ivory, qui retraçait les débuts de Sally, ne voyant que le drame personnel de la concubine dont la destinée au premier abord pour moi finissait bien. En faites, je lisais ces histoires ou regardais ces films sous l’angle attractif de l’émancipation de toutes ces héroïnes, car pour moi tout ceci restait fictif.
Puis un jour, j’ai eu envie d’écrire et comme l’on ne se change pas, j’ai privilégié les récits romanesques sur fond historique et comme je suis bordelais, j’ai choisi la fin du XVIIIème siècle. Je pris des héroïnes en mal avec les sociétés patriarcales dans lesquelles elles étaient nées et qui par concours de circonstances se retrouvaient à Saint-Domingue ou en Louisiane, une route assez commune en ces temps, surtout depuis ma ville. De ce jour, je me suis intéressé de plus près à la traite négrière et à l’esclavage, Bordeaux et le négoce avec les Antilles ne pouvaient faire de ces maux un simple décor. Vinrent par des films comme « Amistad » de Steven Spielberg, « Amazing Grace » de Michael Apted, « Belle » de Amma Asante, ou par des livres comme « la porte du non-retour » de Michel Peyremaure ou « Jubilée » de Margareth Walker, une autre approche du drame qu’était la traite négrière et ses conséquences.

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Tout ceci était pour moi de la fiction au mieux de l’histoire ancienne qui me faisait rêver pour de mauvaises raisons… enfin pas tout à fait. Le tout était un lent trajet vers la lumière et celle-ci vint un peu par hasard. Je lus d’abord « la couleur des sentiments » de Kathryn Stockett, la vie de ses nourrices, personnages principaux autour desquels tout tourne, qui de primes abords, n’a rien à voir avec le sujet de la traite, et qui intuitivement en était pour moi la suite directe. Mais si j’étais touché par l’histoire, je n’allais pas plus loin dans ma réflexion, même si dans un même temps je réalisais que Paris était encore plein de nourrices noires poussant devant elles des enfants blancs, ce qui me faisait penser que les choses n’allaient pas très vite. « Les suprêmes » d’Edward K Moore, livre dont le titre m’avait arrêté à cause du groupe des années soixante/soixante dix, qui me faisait encore remuer le croupion, et qui s’il n’avait rien avoir avec le groupe de Diana Ross, me troubla, me plongea dans la vie de ses trois femmes si différentes, héroïnes qui vivaient encore et toujours les affres du racisme que je comprenais même si ce n’était pas sous cet angle.

J’ai été entouré de peu de gens de couleurs comme l’on-dit pudiquement, comme si l’être était une insulte. Je n’ai côtoyé qu’une famille martiniquaise dont les membres avaient si peu de couleurs que l’on avait du mal à croire qu’un seul membre de cette famille était noir.

L’exclusion, l’ostracisme, l’insulte, le mépris, le lynchage, j’ai grandi avec. Ce n’était pas celui du racisme, du moins pas celui du à une différence de couleur, j’étais blanc comme tous mes voisins, mais j’ai une sexualité dite minoritaire. C’est comme cela, que mon intérêt s’est arrêté sur Christiane Taubira, ministre de la Justice, qui porta le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, qu’elle qualifia de « réforme de civilisation ». Bien sûr, comme tout un chacun, mon intérêt venait du fait que cela interagissait directement sur ma vie. Ma curiosité se reporta sur elle, quand sur un étal, je vis son livre « l’esclavage raconté à ma fille ». Piqué par la curiosité, et attiré par les quelques lignes que je découvrais et parcourais à la première ouverture du livre, je l’achetais.

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Dès les premières lignes, je tombais dans le gouffre de l’évidence, c’était un abîme de lumière qui s’ouvrait à moi. Comment n’avais-je pas encore compris, que notre société était le résultat direct de ce commerce qui avait édifié nos sociétés, quelles qu’elles fussent, et que de nos jours nous en vivions les conséquences, sous forme de racisme, d’ostracisme, de pauvreté et d’immigration. Et dire que j’avais été outré quand on avait accusé ma ville d’en être l’une des responsables, m’empressant d’en réduire la faute. Évidemment, blanc, de classe moyenne, ayant suffisamment d’aisance et ayant mon propre combat, mes propres luttes, je fermais les yeux à l’un des principaux dysfonctionnements de nos civilisations et de la société dans laquelle je vivais. Nous nous plaignons de nos gouvernements et concluons le plus souvent qu’ils ne peuvent rien faire, l’économie, la finance et ses ombres dirigent le monde, mais savons nous comment s’est réellement bâtie cette mondialisation. Me servant de l’histoire, et des lieux communs, j’accusais bien souvent les Anglais et leur ancien empire, ne regardant pas chez moi nos propres accointances avec ce système qui démarra ou qui s’amplifia, je n’oublie pas les croisades, colonisation au prétexte erroné, avec les voyages de traites et de droiture. J’avais survolé la dette de Haïti alias Saint-Domingue, sans approfondir, persuadé que c’était un triste passé, révolu à ce jour. Je m’étais arrêté à l’indemnité d’indépendance de 1825, qui m’avait surprise. C’était trop loin de moi et de mes intérêts pour que je sois choqué, il ne m’était pas venu à l’idée qu’ils payaient encore. J’étais outré de ce que l’on faisait à nos DOM-TOM en les maintenant dans un système proche du colonialisme, mais comme un métropolitain qui voit cela de loin, au point qu’allant au Canada, je parlais avec ironie de Nouvelle-France. Un reste de nostalgie pour un empire bien lointain. Je ne m’étais jamais attardé sur les dettes supposées des pays africains que nous avions colonisés. J’avais toutefois été outré de lire que nous avions pris pour prétexte de colonisation de l’Afrique du Nord, sous forme de protectorat, l’émancipation des esclaves. Et ce livre, qui n’est pas un livre d’histoire, c’est la lumière sur ce que nous sommes, sur ce que des générations d’ancêtres ont perpétré, construit. Une minorité l’a fait par intérêt, les autres par ignorance, par praticité, par besoin. C’est plus simple et moins fatigant de croire ce que l’on nous a toujours dit et puis tout remettre en question c’est bien compliqué. L’auteur a raison, il faut tout d’abord savoir, il faut connaître notre passé pour modifier le présent et bâtir le futur. Il nous faut réfléchir, mais si possible rapidement, nous avons tout en main, il nous faut du courage. Je sais, ce n’est pas le plus facile.

À lire sans hésitation, fortement conseillé par votre humble serviteur que son peu d’érudition à ralenti dans la connaissance de son monde.

Marquise au portrait

marquise au portrait  de Barbara Lecompte

marquise au portrait de Barbara Lecompte

Quelle délicieuse et envoûtante lecture, écrite au cordeau de la sensibilité. Roman ou biographie, qu’importe, c’est le voile levé sur l’âme de l’artiste, sur l’âme de son art. Quelle découverte enchanteresse ou la précision des mots nous portent vers la compréhension de l’acte créatif, cette recherche sans fin. Quelle joie d’entendre l’écho qui amène et porte l’œuvre finale.

Nul besoin d’en rajouter, mon plaisir fut intense, familier et doux à l’âme.

Franz Von Hierf

« Artiste fier et tourmenté, le pastelliste Maurice Quentin de La Tour, alors au faîte de sa carrière, reçoit une commande d’importance : un portrait de la marquise de Pompadour. La favorite devra patienter cinq ans. Mais qui mieux que ce fou de La Tour pour saisir l’âme de ses modèles ? En témoigne sa galerie de portraits prestigieux, ceux du roi, de la reine, de la dauphine, du maréchal de Saxe mais aussi de ses amis philosophes, Voltaire, Rousseau et d’Alembert.
Caracolant de la cour de Versailles à Paris, Maurice Quentin de La Tour nous emporte dans son sillage, tout en se livrant à une saisissante introspection. »

Avec Marquise au portrait, son troisième roman, Barbara Lecompte revisite la vie et l’œuvre de La Tour. Elle nous dévoile, derrière l’orgueil et la maladresse de l’artiste, la sensibilité et la fragilité qui alimentèrent sa création.

http://www.arlea.fr/Marquise-au-portrait

A une dame créole

Charles BAUDELAIRE   (1821-1867)

 

Mme Autard de Bragard

Mme Autard de Bragard

Au pays parfumé que le soleil caresse, J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourpré Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse, Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse A dans le cou des airs noblement maniérés ; Grande et svelte en marchant comme une chasseresse, Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire, Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire, Belle digne d’orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l’abri des ombreuses retraites, Germer mille sonnets dans le coeur des poètes, Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.

Évangéline de Henry Wadsworth Longfellow

(traduction française de Pamphile LeMay (1837-1918)
ÉVANGELINE

ÉVANGELINE

C’est l’antique forêt!… Noyés dans la pénombre,
Vieux et moussus, drapés dans leur feuillage sombre,
Les pins au long murmure et les cyprès altiers,
Qui bercent aujourd’hui, sur des fauves sentiers,
Les nids harmonieux, sont semblables aux bardes
Qui venaient, chevelus, chanter dans les mansardes,
Aux druides sacrés dont la lugubre voix
S’élevait, prophétique, au fond des vastes bois.
Sauvage et tourmenté, l’océan vert, tout proche,
Se lamente sans cesse en ses antres de roche,
Et la forêt répond, par de profonds sanglots,
Au long gémissement qui monte de ses flots.

C’est l’antique forêt, et c’est l’efflorescence!…
Mais tous ces cœurs naïfs, et charmants d’innocence,
Que l’on voyait bondir comme bondit le daim,
Quand le cri du chasseur a retenti soudain,
Que sont-ils devenus? Et les modestes chaumes?
Et les vergers en fleurs d’où montaient tant de baumes?
Et les jours qui coulaient, comme au bois les ruisseaux
Dans la clairière bleue ou sous les noirs arceaux,
Ensoleillés souvent par une paix profonde,
Assombris quelquefois par la crainte du monde,
Que sont-ils devenus?… Quel calme dans les champs!
Plus de gais laboureurs. La haine des méchants
Jadis les a chassés, comme, au bord d’une grève,
Quand octobre est venu, l’ouragan qui s’élève
Chasse et disperse au loin, sur l’onde ou les sillons,
Des feuilles et des fleurs les légers tourbillons.
Grand-Pré n’existe plus; nul n’en a souvenance;
Mais il vit dans l’histoire, il vit dans la romance.

Ô vous tous qui croyez à cette affection
Qui s’enflamme et grandit avec l’affliction;
Ô vous tous qui croyez au bon cœur de la femme,
À la force, au courage, à la foi de son âme,
Écoutez un récit que disent, tour à tour,
Et l’océan plaintif et les bois d’alentour.
C’est un poème doux que le cœur psalmodie,
C’est l’idylle d’amour de la belle Acadie!

http://genealogie.dalbiez.eu/Evangeline.htm

Evangéline

 

Sir Frank Bernard Dicksee

Sir Frank Bernard Dicksee

Les étoiles étaient dans le ciel
Toi dans les bras de Gabriel
Il faisait beau c’était dimanche
Les cloches allaient bientôt sonner
Tu allais te marier
Dans ta première robe blanche

L’automne était bien commencé
Les troupeaux étaient tous rentrés
Et parties toutes les sarcelles
Et le soir au son du violon
Les filles et surtout les garçons
T’aurais dit que tu était belle

Évangéline, Évangéline

Mais les anglais sont arrivés
Dans l’église ils ont enfermé
Tous les hommes de ton village
Et les femmes du passé
Avec les enfants qui pleuraient
Toute la nuit sur le rivage

Au matin ils ont embarqué
Gabriel sur un grand voilier
Sans un adieu sans un sourire
Et toute seule sur le quai
Tu as essayé de prier
Mais tu n’avais plus rien à dire

Évangéline, Évangéline

Alors pendant plus de 20 ans
Tu as recherché ton amant
À travers toute l’Amérique
Dans les plaines et les vallons
Chaque vent murmurait son nom
Comme la plus jolie musique

Même si ton cœur était mort
Ton amour grandissait plus fort
Dans le souvenir et l’absence
Il était toutes ta pensée
Et chaque jour il fleurissait
Dans le grand jardin du silence

Évangéline, Évangéline

Tu vécu dans le seul désir
De soulager et de guérir
Ceux qui souffrait plus que toi-même
Tu appris qu’au bout de chagrin
On trouve toujours un chemin
qui mène à celui qui nous aime

Ainsi un dimanche matin
Tu entendis dans le lointain
Les carillons de ton village
Et soudain alors tu compris
Que tes épreuves étaient finies
Ainsi que le très long voyage

Évangéline, Évangéline

Devant toi était étendu
Sur un grabat un inconnu
Un vieillard mourant de faiblesse
Dans la lumière du matin
Son visage sembla soudain
Prendre les traits de sa jeunesse

Gabriel mourut dans tes bras
Et sur sa bouche tu déposa
Un baiser long comme ta vie
Il faut avoir beaucoup aimé
Pour pouvoir encore retrouver
La force de dire un merci

Évangéline, Évangéline

Il existe encore aujourd’hui
Des gens qui vivent dans ton pays
Qui de ton nom se souviennent
Car l’océan parle de toi
Les vents du sud portent ta voix
De la forêt jusqu’à la plaine

Ton nom c’est plus que l’Acadie
Plus que l’espoir d’une patrie
Ton nom dépasse les frontières
Ton nom c’est le nom de tous ceux
Qui malgré qui soient malheureux
Voit ton amour et qui espère

Évangéline, Évangéline, Évangéline

Chanson de Annie Blanchard

Louisiane par Chateaubriand

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ATALA

 de François René de Chateaubriand

Suspendu sur les cours des eaux, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se mêlent, croissent ensemble, montent dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. Les vignes sauvages, les bignonias, les coloquintes, s’entrelacent au pied de ces arbres, escaladent leurs rameaux, grimpent à l’extrémité des branches, s’élancent de l’érable au tulipier, du tulipier à l’alcée, en formant mille grottes, mille voûtes, mille portiques. Souvent égarées d’arbre en arbre, ces lianes traversent des bras de rivières, sur lesquels elles jettent des ponts de fleurs. Du sein de ces massifs, le magnolia élève son cône immobile; surmonté de ses larges roses blanches, il domine toute la forêt, et n’a d’autre rival que le palmier, qui balance légèrement auprès de lui ses éventails de verdure.

Une multitude d’animaux placés dans ces retraites par la main du Créateur, y répandent l’enchantement et la vie. De l’extrémité des avenues, on aperçoit des ours enivrés de raisins, qui chancellent sur les branches des ormeaux; des caribous se baignent dans un lac; des écureuils noirs se jouent dans l’épaisseur des feuillages; des oiseaux-moqueurs, des colombes de Virginie de la grosseur d’un passereau, descendent sur les gazons rougis par les fraises; des perroquets verts à tête jaune, des piverts empourprés, des cardinaux de feu, grimpent en circulant au haut des cyprès; des colibris étincellent sur le jasmin des Florides, et des serpents-oiseleurs sifflent suspendus aux dômes des bois, en s’y balançant comme des lianes.

Si tout est silence et repos dans les savanes de l’autre côté du fleuve, tout ici, au contraire, est mouvement et murmure: des coups de bec contre le tronc des chênes, des froissement d’animaux qui marchent, broutent ou broient entre leurs dents les noyaux des fruits, des bruissements d’ondes, de faibles gémissements, de sourds meuglements, de doux roucoulements, remplissent ces déserts d’une tendre et sauvage harmonie. Mais quand une brise vient à animer ces solitudes, à balancer ces corps flottants, à confondre ces masses de blanc, d’azur, de vert, de rose, à mêler toutes les couleurs, à réunir tous les murmures; alors il sort de tels bruits du fond des forêts, il se passe de telles choses aux yeux, que j’essaierais en vain de les décrire à ceux qui n’ont point parcouru ces champs primitifs de la nature.

Créole

franzvonhierf:

Charles BAUDELAIRE   (1821-1867)

A une dame créole

Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d’orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l’abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le coeur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.

Andrea Appiani – Madame Hamelin, 1798

Paul et Virginie

LE MYTHE DU€BON SAUVAGE

anonyme, huile sur toile, début du XIXe siècle

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PAUL ET VIRGINIE DANS LA FORÊT

Il s’agit ici du même épisode, lorsque les enfants perdus dans la forêt aperçoivent Domingue venu leur porter secours. Le roman de Bernardin de Saint-Pierre continue donc à inspirer les artistes et répond surtout aux attentes des lecteurs.

€Dans ce tableau du début du XIXe siècle, le traitement du paysage est touché par le romantisme naissant, il ne s’agit plus de la nature bienfaisante et protectrice mais d’une végétation que l’on imagine luxuriante et exotique (au premier plan on remarque un strelitzia, plante en vogue à l’époque, ici associée à l’eau alors qu’il s’agit d’une plante qui s’épanouit en terre, au soleil). Les rochers, les racines, la diversité des plantes participent à cette nature désorganisée, non domestiquée, romantique, renforçant le sentiment de solitude et de danger éprouvé par les enfants.

€Domingue, au fond de la scène, apparaît comme une ombre qui se détache sur un halo de lumière et marque la profondeur de la scène mais aussi l’espoir récompensé de Paul et Virginie (les mains jointes en prière) qui incarnent ces valeurs tant recherchées par la bourgeoisie de l’époque pour l’éducation de leurs enfants (la vie familiale, l’obéissance, l’honnêteté, la foi).

Paul et Virginie (4ème de couverture)

Paul et Virginie décrit l’histoire de deux enfants vivant sur l’île de France (désormais Île Maurice). Issus de deux familles différentes, Paul et Virginie sont élevés en commun comme frère et sœur, dans la splendeur naturelle des paysages tropicaux. Lors de l’adolescence, des sentiments amoureux naissent entre les deux personnages. La tante de Madame de la Tour envoie des gardes chercher Virginie pour la ramener en France, sous prétexte qu’elle la fera hériter de sa fortune et de lui donner une meilleure éducation. Plusieurs années après, Virginie fait annoncer son retour sur l’île, mais le navire qui la ramène de France est pris dans une tempête et échoue sur les rochers sous les yeux de Paul. Celui-ci ne tarde pas à succomber à la douleur de la perte de sa bien-aimée.