1777 à 1798 Prospérité de la Louisiane

Bernardo de Galvez

Bernardo de Galvez

1777. Bernardo de Gálvez y Madrid, vicomte de Gálvezton et comte de Gálvez, nommé gouverneur, encouragea le commerce. Les navires des Antilles françaises furent autorisés à venir en leste prendre les denrées de la colonie, et les payer en argent, en lettres de change, ou en nègres de Guinée. On empêchait l’introduction des esclaves de ces îles, reconnus dangereux. Les navires de la colonie pouvaient aller à l’île de Cuba ou à Campêche chercher des marchandises européennes. Pour activer encore les affaires, le gouvernement acheta lui-même tout le tabac. Les droits sur les exportations, qui étaient de quatre sous, furent réduits à deux sous.

Les colonies anglaises venaient de déclarer leur indépendance. Appuyant en secret la cause américaine, Galvez prêta aux colons insurgés 70 000 piastres des fonds du trésor, mais il blâma hautement la conduite des Américains, qui, tombant à l’improviste sur des planteurs anglais qui n’avaient pas épousés leur cause, incendièrent leurs maisons, dévastèrent leurs récoltes et enlevèrent leurs esclaves.

1778. L’accroissement de la population marchait de concert avec la prospérité de la colonie. Un grand nombre de familles des Canaries s’établirent à la Terre-aux-Bœufs, à Galveston, sur l’Amite, à Valenzuela, sur La Fourche, aux frais du gouvernement, qui donnait à chacune de la terre, une cabane, des ustensiles aratoires, des bêtes à cornes, et des vivres pour quatre ans. On permit les exportations vers les ports de France et des nouveaux Etats-Unis, le commerce avec toutes les villes espagnoles et on exempta des droits de douane les pelleteries, qui cependant y étaient soumises quand on les réexportait de la péninsule dans les autres pays étrangers.

Market, Dominica, West Indies, 1770s

Market, Dominica, West Indies, 1770s

Le pape avait mis à l’index un livre de Mercier, l’auteur du tableau de Paris, intitulé: -L’an deux mille quatre cent quarante, Rêve s’il en fut jamais. Le roi d’Espagne en défendit la lecture à ses sujets louisianais, ainsi que celle de l’Histoire de l’Amérique par Robertson.

1779. Des familles de Málaga fondèrent la Nouvelle Ibérie, sur les rives du Têche, on leur fit les mêmes avantages qu’aux Insulaires des Canaries. Ils s’adonnèrent à la culture du chanvre et du lin, qui ne réussit pas. De temps en temps, les colons anglais et des habitants des États-Unis se fixaient en Louisiane, et jouissaient alors d’une tranquillité parfaite, au milieu de la grande querelle des anciennes colonies britanniques avec la métropole.

Enfin, la Louisiane se vit engager dans cette guerre de l’Indépendance, qui durait depuis quatre ans, et devait être pour l’Angleterre le revers de la médaille de sa brillante guerre de 1756. La France ayant reconnu les États-Unis, le cabinet de Saint-James regarda cette mesure comme hostile, et rompit toutes relations amicales avec la cour de Versailles. Les Espagnols se rangèrent du côté des Français.

À cette nouvelle, le jeune Galvez, tout bouillant d’une ardeur guerrière, rassemble, contre, l’avis même du cabildo, un corps de quatorze cents hommes, et porta la guerre aux colonies anglaises. Le fort Bute, sur l’Iberville, et Bâton-Rouge emportés, entraînèrent la prise de Natchez et des forts de l’Amite. Cette expédition de Galvez fut célébrée en vers français par Julien Poydras, qui vit son petit poème imprimé aux frais du gouvernement.

Au milieu de l’allégresse publique, excitée par cette victoire, se déchaîna un ouragan terrible qui désola la colonie, la petite vérole, qui le suivit, enleva un grand nombre de jeunes victimes.

Winslow Homer (A Norther, Key West

Winslow Homer (A Norther, Key West

1780. Les exploits du gouverneur  Galvez ne s’arrêtèrent pas là. Il était homme à tailler de la besogne au poète Julien Poydras de Lalande. Aussitôt que le gouverneur eut reçu un renfort de la Havane, il partit de la Nouvelle-Orléans à la tête d’un corps d’armée encore plus nombreux que celui de la dernière campagne. Malgré la tempête qui l’assaillit en mer, et jeta à la côte une de ses chaloupes de guerre, il aborda au rivage de la Mobile, et le fort Charlotte tomba en son pouvoir. Pensacola lui manquait, mais elle était pourvue de forces supérieures aux siennes. Galvez alla chercher des secours à la Havane. Au retour, dans une tempête affreuse, quelques bâtiments de transport coulèrent, les autres furent dispersés. Il retourna à la Havane. En février, on le vit sortir de ce port, à la tête d’une expédition de quatorze cents hommes, aussi bien armés qu’approvisionnés, et commandant un vaisseau, deux frégates et plusieurs bâtiments de transport. Don Jose Cabro de Irazabal commandait la flottille. Neuf jours après il prenait terre à l’île de Sainte-Rose, où il construisit un fort. Jose de Espeleta avec les forces de Mobile, et Esteban Rodríguez Miró avec celles de la Nouvelle-Orléans, le rejoignirent bientôt. Le commandant Irazabal refusa de passer la barre de la baie de Pensacola avec sa flottille. Le gouverneur Galvez l’ordonna au capitaine Rousseau, à la tête d’un brick, d’une goélette et d’une barque canonnière de la Louisiane, et prit lui-même le passage à bord du brick. La barre fut franchie aux acclamations de l’armée et sous le feu des batteries anglaises. Les bâtiments d’Irazabal, le sien excepté, suivirent ce bel exemple.

Prise de Pensacola en 1781 par les franco-espagnols

Prise de Pensacola en 1781 par les franco-espagnols

En évacuant Pensacola, les Anglais se retirèrent dans le fort Georges, mais avertirent Galvez que s’il y cherchait un asile, ils le brûleraient sur-le-champ. On assiégea le fort Campbell, pourvu de bonnes batteries, il se défendit quelque temps avec vaillance, mais ses magasins à poudre ayant sauté, une grande partie des murs du fort s’écroulèrent. Il demanda à capituler. Toute la Floride et huit cents hommes de troupes furent le prix de cette victoire.

1782. Un autre ouragan se déchaîna et causa de grands ravages. Ensuite le Mississippi versa au Delta une si grande masse d’eau, qu’on n’en avait jamais vu de semblable. Aux Attakapas, aux Opelousas, les terres hautes à l’abri de l’inondation étaient couvertes de grands troupeaux de chevreuils, que la crainte des eaux y retenait.

cette année-là, les services du gouverneur  Galvez furent amplement récompensés, la prise de Bâton-Rouge et de Natchez lui valut le grade de brigadier-général, celle de Mobile lui fit obtenir celui de maréchal-de-camp, la conquête de la Floride l’éleva au rang de capitaine-général de la Louisiane et de la Floride occidentale, avec le brevet de lieutenant-général des armées du roi, et la croix de l’ordre de Charles III. La Louisiane se trouva ainsi érigée eu capitainerie-générale. La Nouvelle-Orléans devint le siège d’une coadjutorerie de l’évêché de Santiago de Cuba, en faveur du père Cérillo, sacré évêque in partibus de Tricala.

Le gouverneur Galvez, partant pour Hispaniola, où il allait prendre le commandement des forces espagnoles, qui, conjointement avec celles de France, devaient surprendre la Jamaïque, remit les rênes de son gouvernement à Esteban Rodríguez Miró y Sabater, colonel des armées royales.

Esteban Rodríguez Miró y Sabater

Esteban Rodríguez Miró y Sabater

Les Conquêtes de Galvez arrêtèrent la contrebande qui enrichissait la Louisiane.

En compensation, le roi d’Espagne, à la sollicitation du jeune héros, accorda aux colons de grands avantages commerciaux, afin de les récompenser de leurs services imminents pendant la guerre. On étendait leur commerce dans toutes les villes de France, on faisait de la Nouvelle-Orléans un entrepôt de marchandises espagnoles pour les autres provinces américaines de sa majesté catholique.

1783. La paix entre la France, l’Espagne et l’Angleterre, qui assura aux États-Unis leur indépendance, arrêta Galvez dans sa carrière belliqueuse. Les possessions de l’Espagne s’étendirent à l’est du Mississippi, jusqu’au trente-et-unième degré de latitude septentrionale, qui devint la ligne de démarcation entre elle et les Etats-Unis.

1785. Galvez fut promu à la capitainerie-générale de l’île de Cuba, et conserva celle de la Louisiane et de la Floride occidentale, dont il ne se démit pas, lorsque, quelque temps après, le roi le nomma vice-roi du Mexique, à la place de son père don Mathias de Galvez, qui venait de mourir.

Au départ du nouveau vice-roi pour la Nouvelle-Espagne, don Miro fut nommé gouverneur des deux provinces. La population de la Basse-Louisiane, (l’état actuel), était de 27 439 âmes, celle de la Nouvelle-Orléans, d’environ 5 000 habitants. Elle avait plus que doublé en seize ans, depuis la prise de possession par l’Espagne. Elle fut encore augmentée par l’arrivée d’un grand nombre de familles canadiennes, qui se fixèrent à la Terre aux Boeufs, les autres sur les bords de La Fourche, quelques autres aux Attakapas et aux Opelousas.

Un prêtre, revêtu du titre de commissaire du Saint-Office voulut établir l’inquisition à la Louisiane, au dépit même de la volonté du gouverneur Miro. Celui-ci le fit enlever un beau matin, et le fit jeter dans un bâtiment qui partait le même jour pour l’Espagne.

Les négociants de la Jamaïque, dont le commerce de contrebande avait cessé avec les habitants, qui leur devaient beaucoup, vinrent réclamer et exiger même le remboursement de leurs avances. Le gouverneur Miro s’interposa amicalement en faveur des débiteurs, qui demandaient un plus long terme, ce qu’ils obtinrent, il paya pour les honnêtes gens les plus pauvres, que leurs créanciers pressaient trop, mais força tous les riches à éteindre leurs dettes.

1786. le gouverneur Miro proclama son « Bando de buen gobierno », espèce de manifeste dans lequel un gouverneur espagnol exposait les principes qui réglaient son administration. Il recommandait à ses gouvernés l’observation du dimanche, la fermeture des cabarets et des boutiques pendant l’office divin, il défendait sévèrement le concubinage parmi toutes les classes, l’oisiveté chez les nègres et les gens de couleur libres, et à leurs femmes, les bijoux et les plumes; un simple mouchoir devait leur couvrir la tête. Il prohibait le jeu, le duel, le port des armes cachées, les rassemblements et les danses d’esclaves. Aucun habitant ne pouvait s’absenter sans passeport, ni sans avoir fourni sécurité pour le paiement de ses dettes. Plusieurs, autres règlements, tous aussi sages les uns que les autres, et dont quelques-uns sont encore en force, furent publiés dans ce manifeste.

concubinage

concubinage

1787. Pendant que baron von Steuben tentait vainement l’établissement d’une colonie militaire sur le Mississippi, et que des émigrants du Kentucky et de la Caroline septentrionale fondaient la Nouvelle-Madrid, qu’ils asseyaient sur un volcan, Don Diego de Guardoqui, ministre d’Espagne auprès des États-Unis, faisait tous ses efforts pour arrêter la contrebande entre Philadelphie et la Nouvelle-Orléans, parce qu’on n’avait pas acheté son consentement. Le gouverneur Miro, qui l’a toléré, fermait également les yeux sur le commerce illicite qui se faisait par le Mississippi entre le Kentucky et la Louisiane. La crainte entrait peut-être dans sa manière d’agir. La navigation du Mississippi, fermée aux États-Unis, ne laissait aucun débouché aux denrées des peuples de l’Ouest, que le désespoir pouvait pousser à un coup de main contre la Nouvelle-Orléans.

l'incendie de la Nouvelle-Orléans en 1788

l’incendie de la Nouvelle-Orléans en 1788

1788. À ces craintes vaines succéda un grand effroi : la chapelle d’un Espagnol, prenant feu le Vendredi-Saint, répandit l’incendie dans toute la ville, neuf cents maisons et une quantité immense de marchandises de valeur devinrent la proie des flammes. L’île de Saint-Domingue montra la part qu’elle prenait à ce désastre, en expédiant à la Nouvelle-Orléans une frégate chargée de matériaux de construction. La Louisiane gagna à cette perte, le gouverneur Miro ouvrit le commerce de la Nouvelle-Orléans aux États-Unis, qui apportèrent au marché leurs abondantes denrées. Don Diego de Guardoqui se désista d’un, système l’opposition qui lui valait beaucoup d’ennemis, et le roi d’Espagne approuva toutes les mesures du gouvernement louisianais.

insurrection à Saint-Domingue

insurrection à Saint-Domingue

1791. L’insurrection des nègres de Saint-Domingue amena à la Nouvelle-Orléans la première compagnie de comédiens français que l’on y eût vue. Les colons de cette île venaient en foule chercher un asile tranquille et sûr en Louisiane, où leurs connaissances agricoles et leurs esclaves furent d’un grand secours aux habitants dans la culture de la canne à sucre. Plusieurs d’entre eux, dénués de tout, ouvrirent des écoles publiques françaises. On en avait besoin, il n’y avait encore que deux ou trois mauvaises écoles espagnoles.

Francisco Luis Héctor, baron de Carondelet remplaça le gouverneur Miro, nommé maréchal-de-camp et rappelé en Espagne. Les Américains le rejetèrent, aussi bien que les Louisianais.

baron de Carondelet

baron de Carondelet

Le manifeste « Banda de buen gobierno » du nouveau gouverneur divisa la Nouvelle-Orléans, en quatre districts, à la tête de chacun desquels, fut placé un commissaire de police (alcalde de barrio), qui remplissait les fonctions de juge de paix

Le gouverneur Carondelet recommanda au Cabildo l’éclairage de la ville, mais les revenus de celle-ci n’y pouvant suffire, n’étant encore que de 7 000 piastres, on fut obligé d’imposer une taxe d’une piastre et 12 cents sur chaque cheminée. Sa sollicitude s’étendit même sur les esclaves, en faveur desquels il publia plusieurs règlements.

S’il prohiba l’introduction des nègres des colonies françaises et anglaises, dans la crainte d’une insurrection pareille à celle de Saint-domingue, il encouragea, par ordre de la cour de Madrid, la traite des nègres d’Afrique, les navires qui y étaient engagés, ainsi que leurs cargaisons, étaient exempts des droits de douane.

traite négrière

traite négrière

1793. Le commerce était florissant et rapide entre la Louisiane et les États-Unis. Plusieurs maisons de commerce s’établirent à la Nouvelle-Orléans. La population croissante de cette ville, le grand nombre d’étrangers, qui accouraient de toutes parts, surtout les idées libérales qui rapidement s’y propageaient depuis la Révolution française, portèrent le gouverneur Carondelet à l’entourer de fortifications. Deux forts s’élevèrent sur le fleuve, l’un au-dessus, l’autre au-dessous de la ville, trois redoutes, sur les derrières et sur la même ligne, une à chaque angle et la troisième au milieu, se rattachaient ensemble avec les deux forts par des fossés profonds, au milieu de chaque côté latéral de la ville était établie une batterie entourée de fortes palissades.

Il fit en outre construire le fort Saint-Philippe sur le Mississippi, avec un autre plus petit en face, pour défendre les approches de la Nouvelle-Orléans.

La milice fut organisée dans toute la province, qui présentait une masse armée de cinq à six mille hommes, dont trois mille étaient toujours prêts à marcher. La Nouvelle-Orléans seule armait huit cents volontaires.

1794. La Louisiane et la Floride occidentale furent érigés en diocèse; l’évêque don Louis de Pinalvert établi son siège à la Nouvelle-Orléans.

Edmond-Charles Genêt ambassadeur de la convention aux Etats Unis

Edmond-Charles Genêt ambassadeur de la convention aux Etats Unis

Les mesures de défense de Carondelet avaient été prises principalement contre Edmond-Charles Genêt, ambassadeur de la république française à Philadelphie, qui concertait un plan d’attaque contre la Nouvelle-Orléans. C’était un jeune homme d’une éducation brillante, mais d’un caractère intrépide, impétueux, rempli d’un libéralisme outré, et qui correspondait entièrement à celui des hommes qui gouvernaient la France à cette époque. Flatté d’une réception brillante partout où il avait paru, il s’avisa d’agir aux Etats-Unis comme un représentant de la Convention à la cour d’un petit prince. Autoriser des armements, instituer une juridiction d’amirauté consulaire, conférer aux consuls français le pouvoir de prononcer la confiscation des prises faites sur les Anglais, et d’en ordonner la vente, porter l’audace jusqu’à accuser Washington de violer la constitution, tels furent les actes de ce bouillant jeune homme. Il avait trouvé en Caroline, en Virginie, en Maryland et en Pennsylvanie, un grand nombre d’Américains qui avaient accepté de lui des brevets d’officiers. Ces officiers levaient facilement des soldats dans les régions occidentales, dont les habitants ne rêvaient que de la conquête de la Louisiane, ce débouché naturel de leurs produits. Deux expéditions de ce genre devaient simultanément attaquer la Louisiane et la Floride.

Pour contrebalancer ses plans, Carondelet envoya un de ses émissaires, Power, un soi-disant naturaliste anglais, soulever les habitants de l’Ohio, du Kentucky et du Tennessee, et les engager à se ranger sous les lois de l’Espagne, qui seule pouvait leur accorder la navigation du Mississippi. Il leur offrait, pour les seconder, de l’argent, des munitions et des armes.

Ces intrigues n’empêchaient pas Carondelet de s’occuper d’améliorations intérieures. Il fit creuser le canal qui porte encore son nom, ouvrage d’autant plus utile à cette époque, qu’il était destiné au dessèchement des marécages de la ville, aussi bien qu’à l’établissement d’une communication facile entre la Nouvelle-Orléans., Mobile et Pensacola.

Un favori de la fortune, Don Andrés Almonaster y Rojas, secondait puissamment les vues du baron, il fit construire à ses frais la cathédrale de Saint-Louis, à la Nouvelle-Orléans, la Maison de Ville, l’édifice qui sert aujourd’hui de palais de justice, ainsi qu’un hôpital qu’il dota.

Don Andrés Almonaster y Rojas

Don Andrés Almonaster y Rojas

L’établissement de la première sucrerie date de cette époque.

En 1766, une tentative infructueuse avait été faite pour convertir en sucre le jus de la canne. En 1785, un espagnol de la Terre-aux-bœufs nommé Manuel Solis, ayant fait venir un moulin en bois de la Havane, parvint à faire de la mélasse. Don Antonio Mendez, devenu acquéreur de sa propriété, continua l’expérience de son prédécesseur et, réussit à faire du sucre. Il abandonna bientôt ce genre d’industrie peu lucratif, et se contenta d’envoyer ses cannes au marché. La canne resta dans l’oubli jusqu’à l’arrivée des colons de Saint-Domingue. Ils déterminèrent facilement quelques Louisianais, entre autres un nommé Étienne de Boré, surnommé Chevrette, à s’adonner à la culture de la canne. L’indigo n’était plus productif les sauterelles ravageaient tous les ans les champs. Mille obstacles semblaient s’opposer a l’établissement d’une culture nouvelle; le numéraire manquait, la main d’œuvre et les ustensiles étaient hors de prix. Un esclave coûtait douze à quinze cents piastres, et l’ouvrier sucrier exigeait dix ou quinze piastres par boucaud. Rien n’arrêta Boré, il fit une vaste plantation de cannes et établit à grands frais une sucrerie. Ses travaux eurent un plein succès, et lui donnèrent un profit de 13 000 piastres. La culture de la canne fit abandonner l’indigo. L’enthousiasme des planteurs louisianais fut tel, que cinq ou six ans après, on comptait soixante-quinze sucreries. En 1800, la récolte du sucre fut de quinze millions de livres.

1795. le gouverneur Carondelet s’occupait d’établir une police sévère dans la ville, lorsqu’il apprit avec joie que les Etats-Unis avaient fait avorter tous les plans de Genêt, dont les principaux agents étaient arrêtés. Le président Washington, outragé par Genêt, demanda au gouvernement français le rappel de son ministre. Le Congrès américain allait agiter la question de le priver des privilèges attachés à sa fonction, lorsqu’il fut soudainement remplacé. Les mesures prises, par le baron contre les gens à  idées libérales étaient rigides, il défendait tout rassemblement de plus de huit personnes, faisait arrêter les voyageurs sans passeport et emprisonner ceux qui répandaient des nouvelles alarmantes. Il fit jeter six habitants dans les cachots de la Havane où ils languirent douze mois. En compensation , les émigrés français étaient reçus à bras ouverts, il concédait au marquis de Maison-Rouge 210 000 arpents de terre, au baron de Bastrop 881 583 arpents, à Delassus, 10 000 arpents, sur les rives de l’Ouachita. Il accordait en outre aux émigrants français qui s’établissaient une gratification de 100 piastres et les faisait aux frais du gouvernement.

Les idées libérales semblèrent vouloir gagner la population esclave. Une conspiration éclata parmi les nègres* de Julien Poydras, l’auteur du poème de Galvez, on la découvrit à temps et cinquante de conjurés furent accrochés à des gibets le long de la rive du fleuve, depuis la pointe coupée jusqu’à la Nouvelle-Orléans.

Cette mesure violente calma les craintes de la province au-dedans, tandis qu’un traité avec les États-Unis vint bannir toute appréhension d’une guerre étrangère. L’Espagne ouvrait à cette république la navigation du Mississippi, depuis ses sources jusqu’à son embouchure, et fixait à la Nouvelle-Orléans, pendant dix ans, l’entrepôt de leurs produits agricoles. Ces dispositions dérangèrent étrangement les desseins de Carondelet, qui nourrissait toujours l’espoir de séparer la vallée de l’Ohio du territoire de l’Union. Il pouvait être sûr que le peuple de cette contrée, parvenu au but de ses désirs, la libre navigation du grand fleuve, ne prêterait plus l’oreille à ses manœuvres insidieuses. Ce gouverneur voulait donc payer de la plus noire ingratitude les États-Unis, qui avaient mis tant de zèle à démonter les trames de Genêt contre la colonie du Mississippi.

Ce traité garantissait en outre aux États-Unis tout le territoire à l’Est du Mississippi, jusqu’au trente-et-unième degré de latitude septentrionale.

Natchez et son territoire, le fort Pannure, ceux de Walnuthills et de Chickassaw bluff, que Carondelet s’obstinait à garder, comme un acheminement à ses grands desseins, devaient être remis aux troupes de la république.

1796. Cependant le gouverneur Carondelet, persistant dans son système machiavélique, hasarda une nouvelle tentative auprès de Wilkinson, général en chef de l’armée américaine dans l’Ouest. Les troupes qu’il envoya aux forts qu’il devait livrer, alarmèrent les habitants de Natchez, portés en faveur des Américains, au point qu’ils s’insurgèrent ouvertement. En vain Manuel Gayoso de Lemos, commandant du fort les rappela à leurs devoirs. Soutenus par Andrew Ellicot, à la tête de quelques troupes américaines, ils se constituèrent en un corps, politique, indépendant de l’Espagne, et neutres, mais toujours gouverné par ses lois.

Gayoso dut céder à leur obstination, et Carondelet, ne pouvant faire mieux, en attendant la réponse de Wilkinson, qui devait régler sa conduite future, sanctionna à regret leurs mesures séditieuses. Peu de temps après, il fut appelé par la cour de Madrid, à la présidence de l’audience royale de Quito, et partit de la Nouvelle-Orléans, où la fièvre jaune exerçait ses ravages.

Les termes ayant une * ont été gardés pour rester dans le ton du texte source.

d’après Histoire de la Louisiane par victor Debouchel

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