Bordeaux du XVIIIe au XIXe siècle

  Le XVIIIe siècle : siècle d’or et système colonial

carte bordeaux au XVIIIème

carte bordeaux au XVIIIème

Bordeaux connut son second apogée au milieu du XVIIe siècle et cela jusqu’à la Révolution française. Cette prospérité provint à nouveau de son port, qui devint le premier port du royaume, une place commerciale de premier ordre. Elle exportait ses vins et ses productions locales vers l’Europe du Nord, dont elle importait les marchandises pour les réexpédier vers les colonies en retour le port approvisionnait une grande partie de l’Europe en café, cacao, sucre, coton et indigo. Le commerce colonial connaissait un essor spectaculaire, les voyages en droiture se multipliaient. De plus, les négociants multiplièrent les expéditions vers les Amériques, le Canada, l’Afrique, mais aussi l’Inde et la Chine.

Bordeaux depuis la porte des salinières

Bordeaux depuis la porte des salinières

À partir du 16 janvier 1716, une lettre patente du Roi autorisa Bordeaux, Rouen, La Rochelle, Nantes et Saint-Malo à pratiquer la traite des esclaves.Bordeaux devint le troisième port français de la traite.

En 1700, la ville comptait 40 000 habitants, ce qui en fit l’un des centres urbains les plus importants du royaume. Siège de nombreuses institutions, Parlement, Cour des Aides, Intendance, Université, Hôtel des Monnaies, Bureau des Fermes, Chambre de commerce, Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts, entre autres, Bordeaux devint véritablement capitale de la Guyenne.

Après la mort de Louis XIV, les relations avec le pouvoir central, souvent empreintes de méfiance, se détendirent.

Jean-Marc Nattier (1685-1766) - Armand de Vignerot du Plessis  Maréchal de Richelieu

Jean-Marc Nattier (1685-1766) – Armand de Vignerot du Plessis Maréchal de Richelieu

Le Gouverneur, notamment le Maréchal de Richelieu (1758-1788), tint un rôle de représentation royale déterminant dans la cité. L’homme fort était toutefois l’Intendant. Relevant directement du Conseil du Roi, il donnait toute l’impulsion à l’administration. À cette fonction se succédèrent principalement Claude Boucher (1720-1743), Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny (1743-1757) et Nicolas Dupré de Saint-Maur (1776-1785). Représentant le roi à la tête de la généralité ou province d’Aquitaine, ces trois intendants transformèrent la ville.

En 1704, le feu prit au Parlement et consuma une partie des archives.

En 1713 fut fondée l’Académie des sciences et belles-lettres de Bordeaux, à qui Jean-Jacques Bel, conseiller au Parlement, léguait vingt-cinq ans plus tard son hôtel et sa bibliothèque.

La peste de Marseille, en 1720, conduit Bordeaux à prendre des mesures de précaution, tandis que sa population élevée soulevait des problèmes d’ordre public.

À cette époque commença l’ascension du sieur Pufeder chargé d’établir les certificats de santé pour les nouveaux venus. Celui-ci devint en 1724 « préposé à la déclaration des étrangers », nommé par l’intendant Claude Boucher. Il était chargé de recevoir les déclarations des hôteliers, aubergistes ainsi que des dixainiers. Mais il occupa aussi d’autres fonctions : il accompagna ainsi des soldats à la recherche d’un déserteur dans la ville, afin d’éviter les heurts avec les habitants, ou rendit la justice militaire en cas de « bavure » d’un garde. En 1747, Pufeder fils, qui avait hérité de la même charge, envoya un mémoire à l’intendant Tourny afin d’améliorer la qualité du recrutement de cette nouvelle institution policière. Il projetait de diviser Bordeaux en seize quartiers, d’instituer quatre cinquanteniers (ou « inspecteurs ») dans chaque quartier chargé de superviser l’action des dixainiers, dont le nombre serait réduit à 256. Peu de temps auparavant, Tourny avait créé des commissaires de police, à Limoges, sur le modèle parisien. Outre ce nouvel office, la police active était assurée, dans la première moitié du XVIIe, par la « milice bourgeoise » et par le guet, qui patrouillait la nuit ou gardait les portes de la ville lors de l’épidémie de Marseille. La réforme de la police défendue par Pufeder n’eut pas lieu, mais l’autorité de ce dernier sur les dixainiers grandit. À partir de la moitié du XVIIIe siècle, les dixainiers furent remplacés par des commissaires de police, issus du monde des magistrats et d’officiers subalternes, qui tinrent des registres des habitants ainsi que des étrangers logeant dans les hôtels. La police se professionnalisa progressivement, processus qui arriva presque à terme en 1770. La milice fut écartée au profit du guet, une troupe soldée, vers la fin des années 1750, tandis qu’une forme de « militarisation » de celle-ci intervint. Le guet était au service des commissaires de police et du commis à la déclaration des étrangers, qui fait des descentes nocturnes dans les auberges à partir de 1750.

Dominique Duplantier (Place Tourny

Dominique Duplantier (Place Tourny

Ce fut pendant la période de prospérité de règne de Louis XV, que Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny, intendant de Guyenne de 1743 à 1758, fit en peu d’années, de Bordeaux une des plus belles villes de France. Il abattit les remparts, combla les fossés et traça une ligne de cours ou boulevards autour de la ville. Ce fut ainsi que furent créés les cours d’Aquitaine, d’Albret, de Tourny, les places des Capucins, Saint-Julien et Dauphine, qui elle ne fut achevée qu’en 1770. À la demande de Tourny, l’architecte de Louis XV, Ange Jacques Gabriel, créa le Jardin public, voulu comme un espace vert et un haut lieu de promenade qui rencontra très vite la faveur des Bordelais.

 

Louis-Urbain Aubert de Tourny, marquis de Tourny, baron de Nuly

Louis-Urbain Aubert de Tourny, marquis de Tourny, baron de Nuly

L’intendant Tourny créa tout un quartier sur les terrains vagues situés devant le château Trompette, afin de relier le faubourg des Chartrons à la cité. L’architecte Gabriel construit aussi la vitrine de la ville : avec les hôtels de la Douane et de la Bourse, appelée place Royale, qui donnait sur les quais. Elle sert dans un premier temps d’écrin à la statue équestre du roi Louis XV. Furent élevées aussi sur ses plans, les portes des Capucins, de Dijaux, de Bourgogne.

En 1756, un incendie détruisit le palais de l’Intendance, Tourny le fit reconstruire. Il dota Bordeaux de fontaines, d’écoles, perça de nouvelles rues, reconstruisit la ligne des quais, etc. Le duc de Richelieu continua les embellissements de son prédécesseur ; on établit le quai de Bacalan, la route qui conduisait au passage de Lormont, et Mgr de Rohan, archevêque de Bordeaux, fit construire un nouveau palais archiépiscopal sur l’emplacement de l’ancienne abbaye de Saint-André : c’est cet édifice qui, en 1835, devint l’hôtel de ville de Bordeaux.

En 1773, le roi céda à la ville un emplacement sur l’esplanade du château Trompette, pour la construction d’un théâtre qui, élevé sur les plans de l’architecte Louis, devint le plus beau théâtre de France (1780).

théatre Victor Louis bordeaux

théatre Victor Louis bordeaux

En 1775, Le Parlement de Guyenne, supprimé par Maupeou, fut rétabli. Il prit part à la lutte qui s’engagea au sujet des assemblées provinciales, sous le ministère de Brienne, et fut exilé à Libourne en 1787.

En 1789, Bordeaux se plaçait au premier rang des ports français et au deuxième rang des ports du monde après Londres.  Fort d’un arrière-pays très riche (vins, céréales…), il assurait le quart du commerce extérieur de la France. Bordeaux était devenue une ville des plus florissantes. Sa population atteignait 109,000 habitants et sa flotte marchande 300 navires, qui faisait surtout le commerce des Antilles et de Saint-Domingue. Le gouvernement avait cru utile en 1716 d’autoriser Bordeaux à pratiquer la traite des esclaves et le « commerce triangulaire ». Une ordonnance accorde en ce sens force privilèges et exemptions aux négociants de la ville. Mais ceux-ci n’en usent que tardivement et lui préfèrent le « commerce direct » avec les Antilles. Il faut dire que les opérations africaines sont hasardeuses ainsi que le montrent les noms des navires qui s’y livrent : La Roue de la Fortune, La Loterie…

Portrait de Marie-Jeanne Grellier en compagnie de sa nourrice (Musée d'Aquitaine à Bordeaux

Portrait de Marie-Jeanne Grellier en compagnie de sa nourrice (Musée d’Aquitaine à Bordeaux

Donc au même titre que Nantes, La Rochelle, Lorient, Marseille et bien d’autres, elle devint un centre négrier et permis à certaines grandes familles de négociants de s’enrichir grâce au commerce triangulaire. En 1571, le Parlement de Bordeaux s’était pourtant prononcé contre l’esclavage. Il existait une forte tradition humaniste à Bordeaux dont le plus célèbre représentant fut Montaigne. En 1548, Étienne de La Boétie, membre du Parlement de Bordeaux, avait rédigé un des premiers textes antiesclavagistes européens, « Le discours de la servitude volontaire ». La traite des noirs, déjà initiée par les grandes compagnies portugaises ou anglaises notamment, se développa peu à peu en France. La place privilégiée du port de Bordeaux suscita la convoitise de riches familles de négociants qui voulurent s’enrichir grâce à la traite. Ainsi, nombreux furent les aventuriers qui s’installèrent dans la ville de Bordeaux en ce sens. La plupart étaient originaires du Portugal, d’Irlande ou de la région du Tarn. Les plantations esclavagistes de la partie française de Saint-Domingue appartenaient aussi en grande partie à ces riches nouveaux bordelais. Bordeaux se hissa ainsi, en 1743, au rang de cinquième port négrier français à égalité avec Le Havre. Il est encore bien loin — avec moins de cinquante navires depuis le début du siècle — du colosse nantais, qui expédia cette année-là son cinq centième navire vers les côtes guinéennes. Si Bordeaux vécut du système esclavagiste, entre 1729 et 1826, 500 expéditions maritimes au départ de Bordeaux déportant 150.000 Nègres du golfe de Guinée vers les Antilles, il n’en demeura pas moins que cela ne représentait que 5 % de l’activité portuaire.

Cette prospérité, qui reposait donc en partie sur une économie esclavagiste, reposait également sur l’exportation tous les ans de 125,000 tonneaux de vin. Cet essor économique s’accompagna non seulement d’un développement industriel, en particulier des constructions navales, mais aussi et surtout d’une évolution démographique sans précédent : la population passa de plus de 66 000 habitants au milieu du siècle à près de 110 000 en 1790. Le négoce attira une population riche ou modeste, extrêmement variée, mêlant catholiques, protestants et israélites.

Quand éclata la Révolution en 1789, les députés de Bordeaux aux États-Généraux se montrèrent très favorables aux idées nouvelles de liberté. Son parlement fut un des premiers à réclamer la convocation des États généraux. L’antique Jurade fut remplacée par les 90 électeurs nommés pour élire les députés aux États généraux. La prise de la Bastille, en 1789, connue à Bordeaux trois jours après l’événement donna lieu à des réjouissances. Le peuple courut aux armes et s’empara du château Trompette.

Bordeaux donna naissance à la première des sociétés populaires, la Société du Café national. La ville était devenue une des capitales européennes des Lumières dont Montesquieu fut le précurseur. La franc-maçonnerie bordelaise avait commencé à se développer avec la création de la première loge anglaise en 1732. À la fin du siècle, Bordeaux accueillait plus de 2 000 maçons.

En 1790, le parlement fut supprimé et le palais de l’Ombrière fut fermé. En mars de la même année, les citoyens élurent un maire, 20 officiers municipaux, un procureur de la commune et 42 notables.

Le16 avril 1790, fut créé la Société des Amis de la Constitution, qui devint le berceau des Girondins, autour des députés Brissot, Vergniaud, Guadet, Grangeneuve, Gensonné, Ducos et Boyer-Fonfrède qui s’opposèrent aux députés de la Montagne. Qualifiés de brissotins, puis beaucoup plus tard, de Girondins (d’après le nom de leur département d’élection), ils furent éliminés par leurs rivaux.

pierre victurnien vergniaud

pierre victurnien vergniaud

Ce fut l’un d’entre eux, Pierre Vergniaud, qui proclama la déchéance de Louis XVI le 10 août 1792. Dix jours plus tard, les Bordelais renversèrent, en présence de la municipalité, la statue équestre de Louis XV qui trônait sur la place Royale.

L’arrestation des députés girondins entre le 31 mai et le 2 juin 1793 entraînèrent l’insurrection de Bordeaux contre la Convention, et par contre coup la création d’une Commission populaire de Salut Public composée des membres du conseil général du département et des commissaires délégués par tous les corps constitués de la Gironde. Qualifiée de repaire de la Contre-Révolution par Robespierre, la Convention envoya quatre de ses membres, Guillaume Chaudron-Rousseau, Beaudot, Ysabeau et Tallien, avec mission de terroriser la ville. Bordeaux fut soumise à la Terreur du 23 octobre 1793 au 31 juillet 1794, 302 personnes y furent condamnées à mort.

jean lambert Tallien

jean lambert Tallien

anonyme (Térésa Cabarrus dit Madame tallien

anonyme (Térésa Cabarrus dit Madame tallien

La commission militaire instituée dès 1793 fut présidée par le fameux Jean-Baptiste-Marie Lacombe, ancien maître d’école, qui installa la guillotine en permanence pendant huit mois sur la place Dauphine, mais qui fut exécuté lui-même après le 9 Thermidor 1794.

En cette période agitée, accentuée par les troubles dans les colonies et la guerre contre l’Angleterre, aggravée par de mauvaises récoltes, l’économie bordelaise connut une forte récession.

Dominique Duplantier (Cours Xavier Arnozan

Dominique Duplantier (Cours Xavier Arnozan

Lasse de l’anarchie qui régnait depuis la chute de Robespierre, la majorité de la population applaudit au coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), qui mena Napoléon Bonaparte au pouvoir. De multiples travaux d’utilité publique furent entrepris dans la ville, de la réparation du port, à l’assèchement des marais entourant la ville, en passant par le redressement des lits du Peugue et de la Devèze. Dans le domaine religieux, après les divisions de la période révolutionnaire, une volonté d’apaisement s’affirma. L’économie locale de ce début de siècle resta tournée vers le commerce maritime, mais les frais de débarquement à Bordeaux furent élevés en raison de l’insuffisance de l’aménagement portuaire. La ville subit la concurrence des ports de Marseille et du Havre, mieux équipés.

Sous le Directoire Bordeaux fut divisé en trois arrondissements municipaux, avec trois mairies : les Chartrons, Saint-André, les Fossés, et un bureau central à l’hôtel de ville. Sous le Consulat, la ville fut le centre d’une vaste conspiration royaliste qui avorta.

Si Napoléon était populaire, la guerre qu’il livra en Espagne le fut beaucoup moins. De juin 1807 à la fin de 1810, plus de 350 000 soldats traversèrent de jour et de nuit la Garonne. Les casernes étaient insuffisantes et il fallut recourir aux habitants pour héberger les troupes. La situation empira fin 1808, quand affluèrent une multitude de blessés et de malades qui, faute de place dans les hôpitaux, furent eux aussi logés chez l’habitant.

Le commerce de Bordeaux souffrait cruellement du blocus continental et de la rivalité avec l’Angleterre. Napoléon contribua cependant à l’embellissement de Bordeaux, en faisant démolir le château Trompette, qu’il abandonna à la ville et en ordonna la construction du pont de Bordeaux en 1808, mais celui-ci ne fut achevé qu’en 1822.

pont de pierre de Bordeaux

pont de pierre de Bordeaux

En 1814, la ville se retourna contre l’Empereur par l’intermédiaire de son maire Jean-Baptiste Lynch, qui prit résolument le parti royaliste. Bordeaux ouvrit ses portes aux Anglais, en même temps qu’au duc d’Angoulême. Bordeaux fut la première ville de France à se rallier aux Bourbons. Les négociants bordelais sortent éreintés de la période révolutionnaire. La perte de Saint-Domingue et le Blocus continental ont gravement affecté leur prospérité. Aussi se rallient-ils de bon cœur à Louis XVIII quand celui-ci monte sur le trône en 1814.

Pendant les Cent-Jours la ville se soumit sans résistance au général Clausel, qui gouverna la ville jusqu’au retour de Louis XVIII.

En 1818, après la disparition du château Trompette, furent plantées les allées des Quinconces.

En 1820, le fils posthume du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, reçut le titre de duc de Bordeaux et fut, jusqu’à sa mort, prétendant au trône de France sous le nom d’Henri V.

en 1825, on construisit l’hôpital sur l’ancienne plate-forme Sainte-Eulalie.

La Restauration fut pour Bordeaux une époque de renaissance commerciale, littéraire et artistique ; mais son rôle politique s’était terminé avec la fin du XVIIIe siècle.

carte de Bordeaux 1832

carte de Bordeaux 1832

6 réflexions sur “Bordeaux du XVIIIe au XIXe siècle

  1. Bonjour,
    Super travail. Auriez vous des gravures de la rue saint Rémi entre de 1826 et 1886? Je cherche des images illustrant le nº9 à cette époque.
    Cordialement

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  2. Bonjour,
    Je ne trouve pas sur votre site la suite de l’histoire de Bordeaux, pourquoi ne pas avoir poursuivi après le XIX° vos articles très intéressants ?
    Bonne journée !

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    • bonjour,
      merci pour votre intérêt. je n’ai pas encore écrit la suite car ce que j’ai écris jusqu’à ce jour ce passe aux alentours de la révolution française, mais vous avez raison ma ville mérite de compléter son histoire.
      cordialement votre.
      bonne journée.

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    • bonjour,

      il a été créé en 1746 à l’initiative de l’intendant Tourny, sur un terrain occupé par « de mauvaises vignes […] et quelques jardinages » alors en limite de la ville. il était à sa création un jardin à la française. Il se situe le long du cours de Verdun, à l’époque c’était le cours du jardin public.
      j’espère que cela répond à votre question.
      cordialement vôtre.
      Franz

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