1699 à 1717 Colonie de la Louisiane

Pierre Le Moyne d’Iberville et d’Ardillières

Pierre Le Moyne d'Iberville

1699. Pierre Le Moyne d’Iberville et d’Ardillières, l’un des héros français du Canada, sous les auspices du comte de Pontchartrain, ministre de la marine, conduisit deux cents colons à l’île Dauphine, qu’il nomma l’île du Massacre. Il reconnut et baptisa l’île de la Corne, l’île au Vaisseau, les îles de la Chandeleur et du Chat, les lacs Borgne, Pontchartrain et Maurepas.  Des cabanes furent construites à l’île Dauphine, et quelques jours après des relations d’amitié liaient les colons et la tribu indienne des Biloxis.

Pierre Le Moyne d’Iberville, Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, son frère, le père Athanase, compagnon de l’infortuné La Salle, entrèrent dans un grand courant qui roulait des eaux bourbeuses. Ils pensèrent avoir atteint le but de leurs recherches, et le remontèrent pendant plusieurs jours, en s’attachant les bourgades indiennes, qui peuplaient ses rives. Dans un village de Bayogoulas, s’offrirent à leurs yeux des capes faites de couvertures de laine, semblables à celles des traiteurs canadiens. le père Athanase crut les reconnaître pour avoir appartenues aux compagnons de La Salle. Leur joie éclata à cette vue; seraient-ils dans le Mississippi? Un livre de prière, portant un nom français écrit à la main; une lettre du chevalier de Tonti, adressée à La Salle, en date du 20 avril 1685, époque où cet Italien était venu des Illinois, à la recherche de son ancien chef, achevèrent de convaincre les explorateurs. Ils parcoururent le Mississippi jusqu’à la Rivière-Rouge. A l’entrée du premier canal naturel d’écoulement, sur la gauche, les deux frères se séparèrent. Iberville revint à l’île Dauphine par cette rivière, à laquelle il donna son nom, et les lacs Maurepas, Pontchartrain et Borgne; Bienville suivit le courant principal jusqu’à la mer. On choisit la baie de Biloxi, pour y établir le siège principal de la colonie; on y construisit un fort, avec quatre bastions armés de douze pièces de canon. Le commandement en fut donné à Sauvolle de la Villantry, auquel on adjoignit Bienville, frère cadet d’Iberville, en qualité de lieutenant. Iberville repartit pour France, avec le comte de Suggère, après avoir laissé deux petits bâtiments, pour le service de la colonie.

John Law Camp-Biloxi-1720

John Law Camp-Biloxi-1720

Sauvolle s’occupa d’établir l’union et l’harmonie entre les tribus indiennes du voisinage. Un bâtiment anglais cherchant le Mississippi, pour y établir une colonie, s’était avancé jusqu’au Détour-des-Anglais. Bienville lui fit rebrousser chemin, en lui disant que le fleuve qu’il cherchait était plus à l’est, et que le pays où il se trouvait faisait partie de la Nouvelle-France. Sans cette ruse, la Louisiane échappait aux Français. C’est alors qu’un Français, passager sur ce bâtiment, donna à Bienville le placet des Protestants chassés de France, par la révocation de l’édit de Nantes; ils s’offraient à coloniser la Louisiane à leurs dépens, pourvu qu’on leur garantît la liberté de conscience. Mais Louis XIV avait rejeté leurs propositions. Un oui de ce monarque eut peut-être changé les destinées des États-Unis. Les Protestants français étaient riches et entreprenants, que n’étaient-ils pas capables de faire dans la vallée immense arrosée par le Mississippi!

Arrivée des colons au Mississippi

Arrivée des colons au Mississippi

Iberville arriva bientôt avec de nouveaux colons. Son premier soin fut de construire un fort à l’embouchure du Mississippi, afin d’en défendre, l’entrée aux étrangers. Il sonda une des passes et trouva onze pieds d’eau, il visita toutes les tribus indiennes alentour, entre autres les Natchez. chez eux, il tomba sur une scène expiatoire, leur temple brûlait; des femmes y jetaient leurs enfants, pour éteindre les flammes et apaiser la divinité; il arrêta ces sacrifices du fanatisme. Enchanté toutefois de leur pays, il y traça le plan d’un fort, qu’il nomma Rosalie, du nom de la comtesse de Pontchartrain et fit voile de nouveau pour la France.

fort Rosalie au pays des Natchez

fort Rosalie au pays des Natchez

1700. Cependant, la colonie faisait peu de progrès. L’agriculture était négligée : la chasse, la pêche, les perles, les mines d’or occupaient tous les esprits. Les buffalos firent songer un moment au commerce de leur poil, vendu pour de la laine. On courait les bois, faisait des découvertes, construisait des forts, dont quatre ou cinq hommes composaient la garnison.

1701. Le gouvernement, faussement persuadé que la Louisiane renfermait des mines aussi riches que celles du Pérou, dépensait, en expéditions de ce genre, des sommes impérieusement réclamées par l’industrie agricole. Bienville, qui succéda à Sauvolle de la Villantry, mort de la fièvre, vit bientôt la colonie dans le besoin. Les provisions qu’elle tirait de Vera-Cruz et de Saint-Domingue, lui manquèrent; elle fut obligée de vivre du maïs des Indiens. À la famine, succédèrent les maladies, qui enlevèrent cent cinquante personnes.

Iberville, amenant de nouvelles forces, fit transporter le siège de la colonie de Biloxi, où il laissa vingt hommes, sur la rive droite de la baie de la Mobile. Des provisions arrivées en même temps de Vera-Cruz, ramenèrent l’abondance, sang éclairer les esprits. On colonisa l’île Dauphine, dont le mouillage valait mieux que ceux de Biloxi et de la Mobile. On osa même envoyer cent hommes au secours des Espagnols de Saint-Augustin, menacés dans leurs murs par les Anglais de la Caroline.

1702. Anne, reine d’Angleterre, venait de déclarer la guerre aux Français et aux Espagnols. Les Indiens prirent part à cette guerre, en massacrant indistinctement amis et ennemis.

1704. Les Anglais n’ayant rien pu de ce côté, mirent à la tête des Cherokees des officiers de leur armée, qui firent attaquer les Indiens alliés de l’Espagne, convertis au christianisme, et soulever les Alibamons contre les Français.

La colonie vit arriver avec joie des nouveaux colons et des ustensiles aratoires, amenés par Antoine Le Moyne de Châteauguay, frère de Bienville. Celui-ci songea alors à marcher contre les Alibamons; son expédition fut sans succès. En attendant quelques jours de plus, il eût pu joindre à ses troupes une compagnie de ligne, qui arriva de France.

Vingt-trois pauvres filles, venues en même temps, ne tardèrent pas à trouver des maris. Au milieu de la joie et de l’abondance, les maladies de l’automne enlevèrent trente-cinq personnes.

Arrivée des filles du Roy à Québec, reçues par Jean Talon et Mgr Laval. Tableau d’Eleanor Fortescue-Brickdale.

Arrivée des filles du Roy à Québec, reçues par Jean Talon et Mgr Laval.
Tableau d’Eleanor Fortescue-Brickdale.

1706. Pendant, que les Français pacifiaient les Chactas, les Chickasaw et les Maubliens, qui se faisaient la guerre, les Anglais soulevaient les Cherokees contre les premiers, dont trois cents femmes ou enfants furent enlevés. D’un autre côté les Illinois, à la sollicitation des Virginiens, massacrèrent les Français établis parmi eux

1707. Les Yasous chassèrent les Tensas, qui tuaient les Bayogoulas, qui avaient massacré les Mongoulachas. Ainsi, les tribus indiennes se défaisaient les unes par les autres.

1708. Cependant, Iberville était mort à Saint-Domingue, de la fièvre jaune. Les Chitimachas ayant tué quelques Français, furent châtiés par Louis Juchereau de Saint-Denis, à la tête d’un corps de Canadiens et de sauvages. Bienville, de son côté, conduisit trois cents hommes au secours de Pensacola, assiégée par les Anglais, qui se retirèrent à son approche. À son retour, il vit avec joie, à l’île Dauphine, un bâtiment espagnol que le commerce y avait amené. C’était le premier de ce genre qui paraissait dans la colonie.

1710. La cour de France voyant le peu de progrès des établissements de la Louisiane, en changea le mode de gouvernement. Elle fut séparée du Canada, dont elle avait fait partie jusqu’à ce jour, et l’on nomma pour la gouverner deux officiers supérieurs: Nicolas Daneau de Muy, en qualité de gouverneur et Bernard Diron d’Artaguiette comme commissaire ordonnateur; mais le second prit la place du premier, qui mourut dans la traversée.

Des bâtiments de Saint-Domingue, de la Martinique, de la Rochelle, venaient souvent commercer à l’île Dauphine, mais elle était attaquée à cette époque par un corsaire anglais de la Jamaïque, dont elle avait beaucoup à souffrir. Le fort de la Mobile était souvent inondé par les crues de ce fleuve; on l’abandonna, et l’on en construisit un autre plus haut. C’est celui que l’on voyait, il y a quelques années, au-dessus de la ville de Mobile.

Dessin à l'encre de Fort Louis de la Mobile par l'illustrateur Nathan H. Glick

Dessin à l’encre de Fort Louis de la Mobile par l’illustrateur Nathan H. Glick

1713. D’Artaguiette retourna en France, convaincu que la prospérité de la colonie serait paralysée aussi longtemps qu’on ne mettrait pas plus de moyens à la disposition de ses gouverneurs. Le gouvernement avait abandonné les colons à eux-mêmes: ils tiraient toutes leurs provisions des villes voisines.

C’est d’après les rapports de D’Artaguiette à la cour de France que la Louisiane fut cédée à Antoine Crozat, riche négociant, qui devait la conserver quinze ans, et la peupler de blancs et de nègres*. À cette époque-là, la Louisiane ne renfermait que quatre cents âmes ainsi distribuées : deux compagnies de cinquante hommes chacune, soixante quinze Canadiens volontaires, vingt-huit familles blanches, et vingt nègres*. Cinq forts avaient été construits pour leur défense : à Biloxi, à la Mobile, à la Balize, à l’île Dauphine et à l’île au Vaisseau. L’agriculture était négligée, quoiqu’on eût reconnu que la terre pouvait produire du coton, de l’indigo, du tabac; on ne travaillait que des jardins; les marchands n’exportaient que des peaux, des fourrures fournies par les canadiens coureurs de bois, disséminés parmi les peuplades indiennes. On fournissait des légumes et des volailles aux habitants de Pensacola, qui payaient en argent, et l’on recevait en échange, de Saint-Domingue et de la Martinique, du sucre, de la mélasse et du rhum.

1713. Le personnel de la nouvelle administration arriva, composé d’Antoine de Lamothe-Cadillac, gouverneur; Jean-Baptiste Dubois Duclos, commissaire ordonnateur; Lebas, contrôleur; Dirigoin et Laloire des Ursins, directeurs. La base des projets de Crozat était le commerce. De vastes magasins établis à l’île Dauphine devaient suppléer en marchandise française les villes de Pensacola, Tampico, Tousba, Campêche et Vera-Cruz.

Mais la paix d’Utrecht vint déranger les plans du concessionnaire de la Louisiane; les Espagnols fermèrent leurs ports aux marchandises françaises, à l’instigation de l’Angleterre, qui leur offrit les siennes à meilleur marché. La mésintelligence divisa bientôt Lamothe et Bienville; la discorde, fomentée par les Anglais de la Caroline, alluma la guerre civile entre les Chactas, dont le Parti fidèle à la France n’évita la destruction qu’en cherchant un refuge au fort de la Mobile.

François Bernard (Choctaw Village

François Bernard (Choctaw Village

1714. Le nouveau gouverneur, désappointé, ne s’occupa plus qu’à chercher des mines d’or imaginaires, pendant que Bienville déjouait les trames des Anglais parmi les Indiens.

1715. Si la paix régnait par les soins de Bienville dans la colonie, huit à dix mille indigènes armés menaçaient l’existence de la Caroline. C’est à la suite de cette guerre que les Yamasee, chassés par les Anglais de la terre natale, allèrent planter leurs huttes dans la Floride.

Le zèle et l’activité de Bienville furent récompensés par le grade de commandant en chef de tous les établissements français sur le Mississippi. Deux nouvelles compagnies arrivèrent; le duc d’Orléans, régent de France à la mort de Louis XIV, recommandait surtout aux gouverneurs du Canada et de la Louisiane, l’établissement de communications sûres et faciles entre les deux provinces.

1716. C’est pourquoi Bienville fit aussitôt construire deux forts, l’un sur la Wabash, l’autre dans le pays des Natchez. Ces Indiens avaient massacré deux Français et dévalisé six traiteurs canadiens. Bienville, feignant de l’ignorer, Invita les chefs à venir lui rendre visite dans son camp, près de la Rivière-Noire. C’était pendant une de ses tournées annuelles. Ils vinrent au nombre de dix-neuf, parmi lesquels se trouvaient cinq soleils ou princes. Le plus vieux d’entre eux ayant présenté le calumet de paix à Bienville, qui le refusa, leva aussitôt la tête vers le soleil, et l’implora de porter le chef des Français à la clémence. Celui-ci l’ayant rejeté de nouveau, leur déclara qu’ils ne devaient s’attendre à aucune réconciliation avant d’avoir livré les meurtriers des Français, et il les fit mettre tous aux fers. L’assassin était un soleil et un guerrier renommé. Aussitôt que les Natchez apprirent l’arrestation de leurs chefs, un Indien se dévoua pour sauver l’accusé. Sa tête fut envoyée à Bienville, qui ne céda pas à la supercherie. Le lendemain et plusieurs jours de suite, sept à huit malheureux se dévouèrent également sans succès. Un grand nombre arriva à la fin, le priant de les mettre tous à mort, mais de rendre la liberté à leurs caciques. Bienville, dans une telle circonstance, fut obligé de se contenter de la tête de l’un des princes prisonniers, qui avait trempé dans le meurtre de ses concitoyens. La paix leur fut accordée à condition de céder un terrain pour l’emplacement du fort dont Iberville avait autrefois tracé le plan.

1717. Le dernier acte de l’administration de Lamothe fut la construction d’un fort dans les terres des Natchitoches. Jean-Michel de Lépinay  lui succéda en qualité de gouverneur, ce qui fut pour Bienville et tous les officiers de la garnison, qui lui étaient fort attachés, la cause d’un grand mécontentement. La croix de Saint-Louis, qu’on lui avait envoyée, ne pouvait lui faire oublier ce qu’il regardait comme une disgrâce.

Crozat, ne retirant aucun bénéfice de sa charte, malgré les efforts de ses agents, qui avaient pénétré plusieurs fois jusque dans les provinces internes du Mexique, avec des marchandises, la remit au gouvernement. Ce fut un bonheur pour la colonie. À l’exception de trois forts construits dans les terres des Natchez, des Natchitoches et des Alibamons, il n’avait fait que retarder les progrès des établissements de la Louisiane, où l’on ne connaissait encore que l’horticulture, et dont sept cents individus blancs ou noirs composaient toute la population.

 Les termes ayant une * ont été gardés pour rester dans le ton du texte source.

d’après Histoire de la Louisiane par victor Debouchel

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