L’orpheline/ chapitre 025

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Chapitre 25

De l’automne à l’automne 

Bordeaux

Les vendanges étaient passées, Philippine allait revenir à Bordeaux. Léandre l’avait précédée après la fête donnant suite à la récolte du raisin. La maîtresse de la propriété avait organisé un grand repas dans la cour du château. Elle avait convié tout son personnel et tous les métayers. Tous avaient été surpris par cette invitation, depuis qu’ils se situaient dans le domaine, les seuls qui étaient venus à leur réjouissance étaient les grands-parents de la nouvelle vicomtesse et ils ne l’avaient jamais préparée. Ils s’étaient toujours contentés d’y passer puis ils se rendaient au château en vue d’y attendre leurs convives de même rang. Ils étaient donc très étonnés. Ils arrivèrent en fin de matinée apportant chacun un plat et les femmes se joignirent à la cuisinière et à Louison afin de les aider, car ils étaient nombreux. Tout se déroula pour le mieux et perdura jusqu’à la nuit entre les dégustations, la musique et les danses. Philippine en fut fort satisfaite. 

***

Philippine avait laissé Cunégonde au domaine prétextant qu’elle détenait assez de domestiques dans sa demeure à Bordeaux et qu’il fallait que quelqu’un se situe au château afin de surveiller ceux du lieu. Elle avait deviné que sa gouvernante s’avérait enceinte et elle ne voulait donc pas la secouer pendant le voyage. Celle-ci acquiesça. Bien qu’elle culpabilisa quelque peu, elle se révélait toutefois heureuse de rester auprès de son mari. 

Revenue dans son hôtel particulier, Philippine reprit ses habitudes. Le dimanche, elle se rendait à la cathédrale. Le lundi, elle allait au salon de madame Duplessy où elle rencontrait entre autres madame Le Berthon qui était devenue une familière du lieu. Tous les soirs, Léandre la retrouvait pour souper bien qu’ils ne fussent pas en tête à tête, car monsieur Sanadon et madame Conrad demeuraient présents. N’ayant point eu de nouvelle de ses oncles, elle supposa que l’épouse de son oncle Augustin se trouvait toujours en vie. Elle rendit visite à son oncle Ambroise pour s’en assurer. Celui-ci lui apprit que la santé de celle-ci se dégradait et qu’elle n’en avait plus pour longtemps. 

L’hiver s’approchait à grands pas. Si octobre avait été ensoleillé, novembre s’était révélé pluvieux et sombre. Il lui tardait que cela s’arrête, cela entrainait son moral vers les abysses, bien que son garçonnet lui donna du baume au cœur. Ce soir-là, Philippine avait l’intention de prévenir madame Duplessy et madame Le Berthon de son futur mariage. Léandre et elle l’avaient envisagé pour début février, car l’un comme l’autre était pressé de devenir un couple officiel. Ils n’auraient plus besoin de se cacher ou tout du moins de rester discrets. De toute façon, le personnel avait deviné ce qui se passait et commençait à en parler autour d’eux, ce que leur maîtresse avait réalisé.

***

Jeanne Marie Françoise Chazot, Mme Duplessy

Selon sa coutume, madame Duplessy accueillit Philippine et l’entraina dans l’un des salons où se trouvait une partie des habitués. Les conversations avaient visiblement débuté. Apercevant madame Le Berthon, la jeune femme sollicita son hôtesse. Pouvaient-elles se retirer dans le boudoir avec son amie, car elle désirait leur effectuer une annonce ? Madame Duplessy acquiesça et s’approcha de sa comparse afin de lui demander de bien vouloir la suivre, ce qu’elle accepta sans problème. Une fois toutes les trois isolées dans la pièce, Philippine prit son courage à deux mains, et se lança. « — Je tenais à vous dire mesdames avant que vous ne l’appreniez par des ragots que je vais me remarier.

— Félicitations mon petit ! Mais si ce n’est pas indiscret avec qui et quand ? Demanda madame Le Berthon.

— Je vais épouser le 7 février Léandre Cevallero. 

— Si je ne m’abuse, c’est un négociant, Philippine ! Intervint madame Duplessy. Êtes-vous assurée de votre décision ?

— Oui, mesdames ! En fait, j’ai fait sa connaissance à la Nouvelle-Orléans. Bien sûr, ayant un conjoint, il ne s’est rien passé là-bas, mais nous nous sommes épris l’un de l’autre. Je reste consciente de ce que vous allez me dire, que l’on n’a pas besoin d’aimer pour épouser, mais pour moi c’est vital. 

— Nous n’avons rien contre Philippine. Par contre, je ne pourrai être présente début février. Mon mari et moi, nous nous situerons à Versailles. J’en suis désolé, j’aurais apprécié de me trouver là. Intervint madame Le Berthon.

— De mon côté, je viendrais à vos noces. Cela me fait grand plaisir de vous savoir heureuse, ce n’est que justice. »

Elles continuèrent la conversation demandant des détails sur l’organisation, sur le choix de la robe. Philippine expliqua ce qu’elle put, car pour l’instant rien n’était vraiment calé. La discussion finie, elles réintégrèrent le salon. Philippine alla prendre la harpe, joua et chanta un air de Vivaldi au contentement de tous.

***

Trois jours s’étaient écoulés depuis sa visite au salon de Madame Duplessy. Philippine était satisfaite, ses protectrices ne s’étaient pas braquées sur le fait qu’elle allait épouser un négociant. Elle en était là de ses réflexions matinales quand Suzanne vint lui dire que son oncle Ambroise était arrivé. Elle fut décontenancée, il était fort tôt. Elle avait à peine fini de déjeuner. Elle rajusta sa chevelure qui était tressée et ferma sa robe volante sur sa chemise de nuit. Elle descendit au salon où il l’attendait. Elle se doutait de l’information qui lui apportait. L’épouse de l’oncle Augustin avait dû décéder. Elle le découvrit accomplissant les cent pas dans la pièce. « – Bonjour mon oncle, je suppose que vous détenez une mauvaise nouvelle pour vous trouver de si bonne heure dans ma demeure.

— C’est exact Philippine. Laurentine a succombé cette nuit, enfin un peu avant l’aube. Elle sera enterrée dans trois jours. La messe funéraire aura lieu à l’église Saint-Seurin à onze heures ce jour-là.

— J’en suis désolé, oncle Ambroise. Je me retrouverais à la cérémonie, bien sûr. Par contre, pour éviter toutes sautes d’humeur, je ne me présenterai pas avant.

— Bien ! Je m’en doutais Philippine, mais ce n’est pas grave. Ne t’en inquiète pas. Je vais te quitter, car je dois prévenir mon épouse et mes enfants. »

Une fois que celui-ci fut parti, elle s’assit sur une des bergères à côté de la porte-fenêtre donnant sur la terrasse. Elle laissa errer son regard et s’aperçut que le soleil était revenu. Elle était abasourdie par cette mort. Elle tombait le même jour que celle de sœur Marie Tranchepain. Bien évidemment, cela ne lui faisait pas un effet similaire. Autant le départ de la révérende mère l’avait effondrée, autant celui de l’épouse de l’oncle Augustin se révélait indifférent pour elle. Elle ne l’avait vue que deux fois et à chaque fois elle s’était montrée désagréable avec elle.

***

Le jour de la messe, elle se fit préparer avec soin. Elle choisit une robe à la française, une en damassé. Elle se fit coiffer et mit une mousseline par-dessus. Ne voulant pas s’y rendre seule, elle demanda à son secrétaire si cela ne le dérangeait pas de l’accompagner. Il accepta sans hésiter sachant ce qui c’était passé au dernier repas.

Étienne arrêta le carrosse devant le parvis de l’église Saint-Seurin. Une gent nombreuse s’y pressait. Les deux familles détenaient de la notoriété y amenant moult personnes. Elle entra dans le lieu de culte suivi par Monsieur Sanadon. Ils allèrent s’assoir au troisième rang, laissant les Laborie-Fourtassy et les Bouillau-Guillebau occuper les deux premiers. La messe fut extrêmement poignante pour la majorité des gens. Philippine sous son voile ne ressentait rien. C’était étrange pour elle, elle qui se révélait d’un naturel empathique, elle n’éprouvait rien. Cela l’interrogeait, elle demeurait perplexe. Elle n’avait pas acquis de bons rapports avec la défunte, cela était un fait, mais la tristesse des autres aurait dû au moins la troubler. Elle ne lui en voulait pourtant point, mais il est vrai que le lien ne s’était pas effectué et son époux n’y avait pas aidé. La messe achevée, le cercueil fut sorti et la famille le suivit. Son oncle Ambroise la remarqua et d’un signe de tête la salua. Elle fit comme la communauté, elle se rendit au cimetière de la porte Dijeaux. À sa grande surprise, suite à la mise au caveau, son oncle Augustin, l’apercevant, vint vers elle et la remercia de se trouver là. Elle répondit que c’était somme toute normal. Il lui grimaça un sourire. Il rajouta, que son épouse et lui auraient dû l’écouter lorsqu’elle les avait alertés. Elle lui effectua ses condoléances et le laissa retourner vers son entourage. Elle quitta les lieux dans la foulée.

***

Le mariage s’approchait, Philippine attendait Madame Cabarnac pour son dernier essayage. Elle n’avait pas quitté ses robes de deuil, elle avait décidé de le faire à partir du jour de ses noces. Elle avait organisé un déjeuner pour ce jour-là. Elle avait convié les Fauquerolles qu’elle accueillerait le jour d’avant. Jean et Cunégonde ne se rendraient pas à son union à cause de la grossesse de celle-ci. Par contre, son oncle Ambroise et son épouse seraient là. Elle avait aussi invité son oncle Augustin, mais elle doutait de sa présence. Monsieur et Madame Duplessy viendraient, mais ils ne se réuniraient pas avec eux pour le repas. Ils se devaient de repartir sur leurs terres, car ils avaient quelques problèmes avec des métayers. Monsieur Cevarello père accompagnerait son fils, d’autant qu’il s’avérait fort content de cette union. À la cérémonie se joindraient à eux Messieurs de Montesquieu, Bel, Bardot, Lalanne et leurs épouses, ainsi que mesdames de Ponthac-Belhade et de Crussol avec leurs maris. 

La couturière arriva avec son apprentie, Philippine les reçut dans sa chambre. Léopoldine et Suzanne vinrent voir comment préparer leur maîtresse au mieux pour le jour dit. Le corset lacé puis le jupon enfilé, la couturière plaça la jupe garnie d’un volant en bas, en soie rose foncé. Ensuite, elle l’habilla de la robe en même matière de couleur bordeaux qu’elle ferma sur la pièce d’estomac de ton identique et richement agrémentée par de la broderie comme le reste de sa tenue ainsi que de la gaze froncée pour les engagentes et l’ornementation du décolleté. Une fois apprêtée, elle se retourna vers le miroir et se trouva fort contente de l’aboutissement. Elle envoya Suzanne chercher Monsieur Sanadon enfin qu’il rémunère, madame Carbanac, qu’elle remercia chaleureusement pour le résultat. 

***

Le jour du mariage, Philippine fit venir un coiffeur à la mode, Jean-Auguste Brémontier. Il arriva au petit matin, la jeune femme avait déjà pris son déjeuner et son bain. Il lui lissa les cheveux et lui remonta sur la nuque. Tout en lui dégageant le front, il lui crêpa menu ses mèches de devant, de façon à créer une sorte d’auréole ressemblant de cette façon à un diadème autour du visage. Celui-ci parti, elle enfila sa tenue aidée de ses servantes. Berthe Fauquerolles la regardait se préparer et ressentait de l’admiration devant sa fille de lait. Une fois que celle-ci fut prête, elles sortirent de la chambre et rejoignirent Monsieur Fauquerolles dans le salon. Elles y découvrirent à leur grande surprise ses deux oncles ainsi que la femme d’Ambroise et leurs enfants à tous les deux. Son oncle Augustin lui proposa de l’amener jusqu’à l’autel si cela lui convenait. Comprenant qu’il désirait se faire pardonner pour ce qu’il lui avait fait subir, elle accepta.

cathédrale Saint André

Arrivée à la cathédrale Saint-André, Philippine se dirigea à La Chapelle de la vierge où l’attendaient tous ses proches, son futur époux accompagné de son père et le saint homme qui allait procéder à la cérémonie. La jeune mariée se présenta escortée de son oncle et se positionna au côté de Léandre quelque peu étonné par la venue de ce dernier. Le prêtre accomplit sa première lecture puis l’ensemble de la communauté rendit hommage à Dieu au travers de psaumes. Le curé poursuivit par un extrait des évangiles et réalisa l’échange des consentements puis des alliances. Le couple remercia le seigneur  et l’ecclésiastique les bénit, ensuite tous effectuèrent une prière. C’est à cet instant que Philippine aperçût l’entité, la mère de Léandre. Elle s’en inquiéta, se questionnant sur ce qui allait se passer. La messe nuptiale finie, tous vinrent les féliciter, ce fut à ce moment-là que Monsieur Cevarello sentit son cœur se comprimer, il blêmit et il dut s’assoir. Il avait beaucoup de mal à respirer. Tous s’en préoccupèrent, l’homme visiblement avait des difficultés à rester en équilibre sur sa chaise. Il s’apprêtait à choir, aussi Léandre décida de raccompagner son père dans sa maison. Les personnes qui devaient participer au déjeuner renoncèrent à la fête afin de laisser le couple s’occuper du malade. Philippine envoya les Fauquerolles, son secrétaire, la nourrice et la gouvernante de son fils ainsi que celui-ci chez elle puis elle partit avec son mari et son père. Sur place, monsieur Cevarello les rassura, il se sentait juste fatigué. Léandre comme son épouse pensa qu’il y avait autre chose quoiqu’il en dise. Ils le laissèrent tout de même entre les mains de ses serviteurs et leur demandèrent de les prévenir s’il se passait quelque chose. Dès le lendemain, ils iraient quérir un médecin.

***

Malgré les problèmes de santé de Monsieur Cevarello, leur nuit de noces fut idyllique. Ils l’avaient tant attendue. Ils se révélaient en accord et en harmonie et bien que Philippine n’eut pas à se plaindre de son précédent mari, celle-ci avec Léandre s’avéra merveilleuse. Elle se réveilla et aperçut le soleil qui essayait de s’infiltrer entre les rideaux. Elle se leva, remit sa chemise et attrapa sa robe volante qui lui servait de robe de chambre. Son époux étant encore assoupi, elle se dirigea dans le boudoir. Elle referma la porte derrière elle et ouvrit les rideaux de la pièce accomplissant l’entrée de la lumière. Se retournant, elle découvrit l’entité de la mère de Léandre. « – Philippine, d’ici une petite heure un serviteur de la maison de négoce va arriver afin de vous prévenir, mon conjoint ne se porte pas bien. Je suppose que vous allez devoir faire venir un médecin et vous installer quelque temps là-bas.

— C’est sans souci, nous allons nous organiser. Vous pensez qu’il survivra ?

— Non, il va me rejoindre, mais entre temps vous allez tomber enceinte, cela soutiendra mon fils. Cela l’aidera à avancer dans la vie.

— Ah ? »

Elle ne put poursuivre la conversation, l’entité s’évapora ce qui l’agaça. Philippine sortit du boudoir et descendit au salon. Suzanne et Léopoldine amenèrent son déjeuner. Leur maîtresse en profita pour leur effectuer sa demande. « — L’une de vous deux accepterait-elle de me suivre chez Monsieur Cevarello. Rassurez-vous, vous n’y êtes pas obligées, si besoin est, j’engagerai quelqu’un.

— Non, non, Madame ce n’est pas utile, je vous servirai là-bas, répondit Suzanne. » Léopoldine ajouta qu’elle pouvait elle aussi l’accompagner sans aucun problème. 

Pendant qu’elle déjeunait, son mari vint la retrouver et se joignit à elle. Ils n’avaient pas terminé que le secrétaire de la maison de négoce arriva. Paul Missard leur expliqua que Monsieur Cevarello avait passé une très mauvaise nuit et qu’il se trouvait au plus mal. Léandre se précipita afin de s’habiller et de repartir vers son père. Il alla prendre un médecin qui logeait dans le nouveau quartier des Chartrons, Monsieur Toucherie. 

Pendant ce temps, Philippine se prépara et se mit d’accord avec le couple Fauquerolles pour leur retour au domaine. Ceux-ci en avaient déjà parlé la veille avec l’oncle Ambroise, ce dernier allait venir avec son carrosse pour les ramener.

***

À partir de ce jour, Léandre reprit en main la maison de négoce, Paul Missard poursuivit ses fonctions et l’apprenti anglais, James O’Connor, qui avait été engagé depuis deux ans devint son secrétaire. De son côté, Philippine passait les soirées et les nuits avec son époux et ses journées dans son hôtel particulier. Elle désirait ne pas trop s’éloigner de son fils, elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle le rejetait.

La santé de Monsieur Cevarello père se dégradait. Régulièrement, son cœur le compressait, aussi il était épuisé continuellement. En fait, il avait une pneumonie, une forme grave de la respiration. Le médecin avait prévenu, cela était extrêmement sévère. Tous les soirs, bien qu’il détienne un couple de serviteurs pour s’occuper de lui, Philippine venait le voir pour lui faire prendre ses potions et son fils lui effectuait un retour sur ce qui s’était passé dans la journée. Rapidement, ce dernier comprit que son père ne s’y intéressait guère, voire plus, tellement il était épuisé.

***

L’hiver était fini, ils se trouvaient au milieu du printemps. En mars, Philippine apprit que Cunégonde avait eu un petit garçon et au fil du temps, elle-même avait constaté qu’effectivement elle était enceinte, et que pour elle, la venue de son enfant, ce serait en octobre.

Malgré l’affection de son beau-père, Philippine avait pris le temps de se rendre au salon de Madame Duplessy et était allée tous les dimanches ainsi que le jour de Pâques à la cathédrale. Elle y avait aperçu à plusieurs reprises l’entité de la mère de Léandre, dans la chambre du malade, mais elle ne lui fournissait aucune information. Elle revit moult fois son animal gardien qui à chaque fois la rassurait après le départ de celle-ci. Elle ne savait comment Léandre allait réagir à la perte de son père. Elle pressentait que cela n’allait pas tarder à venir même si l’épouse de Monsieur Cevarello, Marie-Sophie, ne voulait rien lui dire. Alors qu’ils dormaient à l’étage au-dessus des bureaux, leur chambre donnant sur les quais, Philippine fut attirée par son animal gardien sous la forme d’un loup, il l’entraina. Elle monta les marches d’une tour moyenâgeuse qui lui sembla sans fin, puis elle se retrouva devant la porte ouvragée et pénétra dans la galerie de son ange. Elle arpenta le lieu et arriva au pied de son trône. Jabamiah n’y était pas assise, elle regardait la galaxie, elle l’accueillit avec commisération sachant ce qu’elle prévoyait de lui dire. La jeune femme devina pourquoi elle se situait là. « – Philippine, lorsque tu vas te réveiller ton beau-père sera décédé. Cela va effondrer le moral de ton époux, mais rassure-toi, ce sera momentané. Que ce soit toi ou les enfants que tu vas mettre au monde, le tout va lui restituer son aplomb. De plus, la maison de négoce va lui faire garder son équilibre. Il ne faut pas que tu t’inquiètes, sois juste attentionnée avec lui, mais de cela je n’en doute pas. » À peine formulé, l’ange disparut. Philippine était décontenancée. Outre le fait que Monsieur Cevarello allait partir, elle apprenait qu’elle allait avoir plusieurs nourrissons donc plusieurs grossesses. Tout ceci la troublait. Son animal gardien frôla ses jambes afin de lui rappeler où il se trouvait. Elle réalisa qu’elle réfléchissait et qu’elle n’avait point bougé. Elle lui sourit et le suivit. Sortant de la galerie, elle retrouva le grand escalier qu’elle prenait d’habitude. Elle le descendit. Elle aperçut Léandre qui dormait et l’y rejoint. Elle s’installa à ses côtés et ouvrit les yeux. Elle n’osait pas se mouvoir sachant ce qu’elle allait découvrir. 

Quelqu’un frappa à la porte de la chambre réveillant Léandre. Philippine se leva enfilant au passage sa robe volante. Elle alla l’entrouvrir et tomba sur Paul Missard très mal à l’aise. Elle le laissa s’exprimer. « — Monsieur Cevarello est décédé, Madame ! » Son conjoint entendant les dires se souleva d’un coup. « — Comment ? Mon père est trépassé ?

— Oui Monsieur, son cœur a visiblement fini par lâcher. » Le jeune homme s’habilla et se rendit dans le lieu où se trouvait le mort. Force fut de le constater, il s’écroula en pleur et s’effondra dans les bras de sa femme.

***

église saint-seurin

 La messe et l’enterrement eurent lieu dans le quartier Saint-Seurin. Le nouveau quartier des Chartrons ne pouvait pour l’instant accueillir des sépultures catholiques. Les Cevallero n’avaient plus de famille, outre leur personnel vinrent la plupart des négociants de la ville et les deux oncles de Philippine. L’église se révélait pleine. La cérémonie fut ressentie comme des plus émouvantes, Léandre eut beaucoup de difficultés à retenir ses larmes. L’enterrement fini, il demanda à son épouse de rentrer à son hôtel particulier. Il ne reviendrait dans la maison de négoce que juste pour y travailler. 

Les mois de mai et de juin s’écoulèrent, Philippine eut beaucoup de mal à maintenir son conjoint de sorte qu’il ne sombre pas dans la dépression. De manière inespérée, concentré sur ses tâches, il se releva doucement. Quand arriva juillet, elle sollicita son mari afin de se rendre au domaine de Madaillan, ce qu’il accepta. Il demanda à Paul Missard qui avait déjà visité les propriétés de Guyenne affiliées à la maison de prendre sa place momentanément, lui garantissant qu’il effectuerait de toute façon des aller-retour entre la cité et le château.

Léandre accompagna sa femme jusqu’à son domaine. Elle trouvait que son ventre s’alourdissait bien plus que lorsqu’elle attendait Théophile, aussi elle appréciait l’idée de pouvoir s’y reposer. À La ville, les entités la fatiguaient. De son côté, son garçonnet fut content, Bordeaux lui avait pesé d’autant qu’il se sentait cloîtré dans la demeure de sa mère. Tout le monde reprit ses habitudes, Philippine, la première recommença ses promenades avec plus de lenteur, toujours accompagnée, et continuait à lire et à jouer de la harpe. Son conjoint, lui se rendait régulièrement à la ville afin d’effectuer le point sur sa maison de négoce. Lorsque les vendanges arrivèrent et se clôturèrent, Philippine demanda à Cunégonde d’organiser le déjeuner pour les fêter. Elle-même se sentait trop fatiguée. 

Cela se passa comme l’année précédente, Léandre revint à Bordeaux, mais Philippine épuisée par sa grossesse ne le suivit pas et s’en excusa. Cette dernière réalisa qu’elle ne voyait plus d’entité, seulement son animal gardien. Ce fut par ailleurs lui qui lui rappela qu’elle devait chercher une nourrice et quelqu’un pour l’aider à accoucher même si cela allait être de nouveau facile. Elle lui sourit et accomplit ses demandes qu’elle trouvait judicieuses. Elle découvrit les deux à Sauveterre-de-Guyenne. Celle qui allait la soutenir pendant la venue de son nourrisson était la fille de Marie Debecq, celle qui l’avait mise au monde. La matrone portait d’ailleurs le patronyme de sa mère. Elle lui détecta sa nourrice qui se nommait Madeleine Priart. Elle s’apprêtait à sevrer son fils. Philippine lorsqu’elle l’engagea l’informa qu’elle pouvait faire suivre son garçon d’autant qu’elle savait que le père était mort, avant la naissance de l’enfant, écrasé par une charpente qu’il devait consolider.

***

La première semaine d’octobre était passée lorsqu’elle ressentit les premières contractions. Le majordome fila avec le carrosse à Sauveterre-de-Guyenne chercher l’accoucheuse pendant que Cunégonde, Violaine, Louise Delmart et la nourrice déjà dans le château, s’occupaient de la parturiente. Pendant ce temps, Armand Delmart partit quérir Léandre. Le temps qu’il revienne avec le père et bien qu’il ait fait au plus vite, Philippine avait donné naissance aussi vite que la première fois à sa stupéfaction et à la grande surprise de ses aides. Marie Debecq pénétra dans les lieux juste pour récupérer le deuxième nouveau-né. À peine arrivé, Léandre abandonna sa jument à Armand. Il avait galopé sur l’ensemble du trajet hormis lors de l’attente du bac ce qui avait exaspéré le cavalier. Il se précipita à l’intérieur, courut à la chambre de son épouse dans laquelle Cunégonde le laissa entrer. Dès qu’il se retrouva au chevet de sa femme, celle-ci le rassura. Elle était fatiguée ce qui était somme toute normal, mais elle se portait bien. Il ne pouvait savoir que son animal gardien l’avait soutenu tout le long. « — Léandre va à la nurserie, tu vas y découvrir Marie-Louise et Augustin 

— Nous avons deux enfants ?

— Oui ! Mon aimé, et à leur côté tu trouveras Théophile en extase. »

Philippine de Madaillan

FIN

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Cette histoire met en scène des personnages réels et des personnages fictifs ainsi que des événements et des dialogues inventés à des fins dramatiques et afin de compléter les vides des biographies. Les illustrations des personnages ne sauraient être confondues avec les personnes réelles.

mes écrits

Une réflexion sur “L’orpheline/ chapitre 025

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