1728 à 1732 La guerre des Natchez

1728. Les Chickasaw, les ennemis les plus redoutables de la Louisiane, excitèrent contre la colonie toutes les nations voisine, à l’exception des Illinois, des Arkansas et des Tensas, dont l’affection pour la France était inébranlable. À un signal convenu, ces sauvages* avaient décidé de faire main basse sur tous les colons. On parvint à détacher les Chactas de cette grande ligue; les Chickasaw, qui en eurent connaissance, remirent à un autre temps leurs projets de vengeance; il n’en fut pas de même des Natchez, irrités contre le lieutenant d’Etcheparre, dit de Chépart, commandant du fort de Rosalie.

Charles Banks Wilson

Charles Banks Wilson

Chépart, voulant former un grand établissement agricole, choisit à cet effet les terres dépendantes du village de la Pomme, occupé par une tribu de Natchez. Le cacique de la tribu, qu’il voulait dépouiller, chercha vainement à le toucher. Pour toute grâce, et moyennant un tribut en grains payé aux étrangers, il obtint que le départ de ses sujets soit différé jusqu’après la moisson. Le cacique convoqua les anciens au conseil, et concerta avec eux l’extermination des Français. Pour la rendre plus sûre, il fallait le concours de toutes les nations voisines; on l’obtint facilement. Toutes avaient à se plaindre de l’étranger, mais toutes ne devaient pas tenir parole. On dit que toutes les tribus avaient reçu des Natchez un paquet de roseaux d’égal nombre et que chaque tribu devait en brûler un tous les jours, le dernier marquait l’heure du massacre. On dit qu’une cacique des Natchez, amante d’un Français, parvint à soustraire quelques roseaux, et déconcerta ainsi la conjuration, dont le signal fut donné plus tôt dans sa peuplade. Ce qui est plus avéré, c’est que Brazo-Picade, mère du Grand-Soleilet qui aimait les colons, fit divulguer au commandant le projet barbare de ses compatriotes; il le traita d’illusoire, et accusa de lâcheté les officiers qui vinrent lui confirmer la même révélation.

le grand soleil Natchez

le grand soleil Natchez

1729. Au signal donné, les Natchez en grand nombre pénétrèrent dans le fort, sous prétexte de porter le tribut exigé. Les soldats, surpris et en désordre, furent facilement égorgés; on frappa en même temps tous les habitants mâles de Rosalie, au nombre de plus de trois cents. Chépart, le plus détesté, voué à la mort la plus ignominieuse parmi les sauvages, tomba sous les coups des femmes. Il restait quatre-vingt-dix femmes blanches et cent cinquante enfants; les monstres! Ils ouvrirent le ventre à celles qui étaient enceintes, tuèrent celles qui avaient des enfants à la mamelle, ainsi que ces innocents, dont les cris les importunaient! Le reste fut destiné à l’esclavage, avec un tailleur et un charpentier. Les nègres* se rendirent sans défense, la plupart étaient du complot. On leur avait promis la liberté et la possession des femmes et des enfants de leurs maîtres.

John Vanderlyn

John Vanderlyn

Peu de temps après, ces scènes de carnage se répétèrent chez les Yasous, qui exterminèrent vingt Français dans le fort, où ils s’étaient introduits.

La nouvelle de ces massacres répandit l’alarme dans la Nouvelle-Orléans. Il y avait au-dessous de cette ville, près du Détour-des-Anglais, un village habité par des Chouachas: on crut qu’ils avaient trempé dans la conjuration; on les fit égorger par des nègres qui s’acquittèrent de leur mission avec tous les raffinements de la barbarie.

Cependant, les Chactas, sur le compte desquels on était inquiet, ne cessaient d’assurer le gouverneur Perrier de leur fidélité. Ils faisaient partie de la conspiration; mais se croyant trahis par les Natchez, qui avaient agi avant eux et gardé pour eux seuls les dépouilles des victimes, ils jurèrent d’en tirer vengeance. Ils avouèrent donc que leur alliance avec les Natchez n’était qu’une feinte; qu’ils n’avaient gardé le secret sur la conspiration que pour mettre les Français aux prises avec un ennemi dont ils ne désiraient que la destruction.

1730. Douze cents Chactas, commandés par Jean-Paul Le Sueur, marchèrent contre les Natchez. Ils les attaquèrent avec tant de vigueur qu’ils leur tuèrent quatre-vingts hommes, n’en perdirent eux mêmes que deux, et délivrèrent cinquante femmes ou enfants, les deux ouvriers et cent six nègres*. Les Natchez auraient été détruits dès cette première campagne, si les Chactas avaient pu attendre un corps de Louisianais, qui s’avançait sous les ordres d’Henri de Louboey.

Ce corps de douze cents hommes traînait vainement des canons; personne n’en connaissait la manœuvre. C’était toutes les forces disponibles de la colonie. Cinq cents Chitimachas, Houmas, ou Tunicas, les suivaient. On trouva les Natchez retranchés dans une forte position, où ils se défendirent plusieurs jours contre les attaques les plus vives. Ils demandèrent enfin à capituler, promettant de rendre tous les prisonniers; mais menaçant de les mettre à mort si leurs propositions étaient rejetées. Pour éviter l’effusion de sang, Henri chevalier de Louboey y consentit. Quand il eut entre ses mains les femmes, les enfants et les nègres*, il fit construire un fort près du leur pour les tenir en échec. Mais pendant la nuit les Natchez, profitant d’une obscurité profonde, improvisèrent leur fuite; une partie se réfugia chez les Chickasaw, l’autre, traversant le fleuve, s’enfonça dans les forêts.

La colonie, à peine rassurée, apprit que les Chickasaw renouaient leurs trames, et que les Natchez étaient devenus plus audacieux que jamais. On comprit qu’on n’avait fait que les aigrir. Le gouverneur Perrier renouvela son alliance avec les Chactas, dont l’amitié était d’autant plus suspecte, qu’elle était recherchée par les Anglais. Il fallait être aux petits soins avec ce que l’on considérait comme des sauvages*, les plus insolents, les plus importuns, les plus dégoûtants de l’Amérique. Ils ne pouvaient s’empêcher de dire eux-mêmes: « Les Anglais nous gâtent l’esprit. » Trois compagnies de soldats de marine, venaient d’arriver de France. Comme on allait porter la guerre aux Natchez, on fut obligé de sévir contre les nègres exterminateurs des Chouachas qui avaient concerté le massacre de leurs maîtres. Les principaux chefs du complot périrent sur l’échafaud, les autres furent sévèrement fustigés.

le camp indien de Catlin

le camp indien de Catlin

1731. Les Natchez, réfugiés vers la Rivière-Noire, s’y étaient fortement retranchés. Le gouverneur Perrier, déterminé à les réduire, marcha contre eux en personne, à la tête de cinq cent cinquante soldats et de quelques Indiens alliés. Ce nombre d’Européens bien disciplinés, ce brillant appareil de guerre, ces canons prêts à les anéantir, glacèrent tout à coup leur énergie. La discorde acheva de les décourager. Ils rendirent quelques nègres* qui leur restaient. Le Grand-Soleil, comme on l’avait exigé, vint au camp du gouverneur, suivi du Cacique des vivres, auteur du massacre. On les retint prisonniers. Ce dernier s’échappa pendant la nuit, rejoignit les Natchez dans leurs retranchements, les excita à se sauver, et s’enfuit aussitôt lui-même, suivi d’un grand nombre d’Indiens. Le lendemain, soixante-dix hommes et deux cents femmes, parmi lesquelles se trouvait la mère du Grand-Soleil, Brazo-Picade, qui avait découvert le complot, se rendirent. Le reste ne voulut pas se soumettre. La canonnade commença au milieu d’une pluie battante, et dura jusqu’à la nuit, qui fut très sombre. Les Natchez en profitèrent pour effectuer leur retraite. On les poursuivit; une centaine furent repris. Tous les prisonniers furent envoyés à Saint-Domingue et vendus comme esclaves, excepté Brazo-Picade et son fils, le Grand-Soleil, dont on excusa la jeunesse. Mais ces deux infortunés moururent peu après de chagrin.

1732. Les dépenses de cette guerre, et les pertes qu’elle occasionna, engagèrent la compagnie d’Occident, à remettre au roi sa charte de concession. Elle avait possédé la Louisiane pendant quatorze ans, et, la laissait peuplée de cinq mille blancs et de deux mille cinq cents nègres*. Outre la Nouvelle-Orléans fondée, elle avait construit dans cette capitale des édifices publics, et chez les nations indiennes plusieurs forts pour les contenir. L’agriculture prospérait dans les neuf cantons, et principalement dans celui de l’Illinois, que l’on regardait déjà comme le grenier de la colonie. Jamais sous le gouvernement français, la Louisiane ne fut plus florissante que pendant l’administration de la compagnie d’Occident.

la nouvelle orléans

la Nouvelle-Orléans

Les natchez fugitifs, eurent à peine appris le sort de leurs frères, qu’ils s’armèrent d’un courage désespéré. Le cacique des vivres, à la tête d’un corps de deux cents guerriers, pénétra chez les tunicas, feignit de se rendre prisonnier avec tout son monde, puis tombant à l’improviste sur ces alliés des français, en massacra plusieurs entre autre leur premier cacique. Pendant cinq jours et cinq nuits, les intrus face à la tribu entière. Ils se retirèrent rassasiés de carnage et non de vengeance. Ces malheureux proscrits, renforcés de plusieurs fugitifs, marchèrent ensuite contre les Natchitoches, à qui ils ne pouvaient pardonner de ne pas les avoir secourus. Ils les chassèrent de leurs villages. Ils osèrent même assiéger les Français dans leur fort, où Saint-Denis commandait. Mais cet officier, ayant reçu fort à propos un renfort d’Espagnols et d’Attakapas et de Cénis, attaqua à son tour les Natchez et leur tua quatre-vingt-dix hommes, au nombre desquels se trouvaient tous leurs chefs. Cette perte fut irréparable. Réduits à ne pouvoir plus longtemps poursuivis par leurs ennemis, se dispersèrent et se perdirent entièrement parmi les autres tribus indiennes.

Les termes ayant une * ont été gardés pour rester dans le ton du texte source.

d’après Histoire de la Louisiane par victor Debouchel

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